Y a pire ailleurs...parait | [Intrigue I - Terminé]

Ce soir, ce serait rôti de cerf et ses petits légumes...Mouais, je n'étais pas persuadée que ce serait fameux mais bon, ça sortait d'un restau plutôt huppé. Enfin ce qu'on disait huppée avant et qu'on dirait branché maintenant. Enfin je crois. En vrai, c'était mon salaire de ce soir, je m'en tirais pas trop mal vu qu'on m'avait refilé une bouteille de rouge pour aller avec. Pourboire. Ca aurait été un soir de fête si j'avais eu un litre d'essence mais j'allais pas cracher dessus. Mon butin bien planqué au fond d'un sac qui avait vu des jours meilleurs, je filais a travers les rues en esquivant les endroits un peu trop craignos. A force, je savais exactement où passée sans tomber sur une bande en train de dealé ou juste...de zoner. A la limite, je préférais les putes. Elles au moins, elles se contentaient de me regarder passer. J'étais pas assez riche pour être intéressante. C'était pas plus mal, même si je savais fuir comme personne au besoin.

Au bout de quelques minutes, je m'arrêtai devant un immeuble couvert de graffitis. La plupart des vitres étaient explosées a coup de pierre. Sans doute des paris débiles. Seuls les étages les plus élevés restaient un peu près intact. C'était au dernier que Gar et moi avions élu domicile. C'était pas Byzance mais au moins, c'était relativement sûr. Surtout depuis qu'on en avait condamné l'entrée. Lui comme moi avions nos façons de rentrer sans avoir besoin de porte après tout. Je jetai un coup d'oeil autour de moi, m'assurant que personne ne m'avait suivie, on ne savait jamais, je n'étais pas une proie intéressante mais certain trouvait de l'intérêt là où on s'y attendait le moins. Puis, rassurée, je m'enfonçais dans le hall d'entrée plongé dans le noir. L'habitude me permit de trouver rapidement l'escalier.

En silence, je gravis les marches, tendant l'oreille. Un étage, deux, trois...Au sixième, je m'arrêtai, essoufflée. Bon sang, c'était pathétique ! Après un énième soupir, je fermai les yeux pour visualiser notre squat situé au dernier étage. Puis je me téléportai sans un bruit. Un pouvoir que je devais sans doute au sang démoniaque de mon père...D'ordinaire, je haïssais tout ce qui me venait de lui, mais parfois, en étant hypocrite, j'y trouvais une sacrée utilité. J’apparus dans le salon, ou plutôt l'immense pièce a vivre qui nous servait de salon, salle a manger et entrepôt pour Gar, songeais je, ronchonnant en avisant les monceaux de trucs que ramenait mon ami de ses vadrouilles a l'extérieur du blocus. Je ronchonnais plutôt pour la forme, Gar avait trouvé une enfile qui lui assurait une certaine tranquillité, ce n'était pas moi qui allait lui jeter la pierre. Tournant mon regard sur le plafond, je m'assurais que la trappe par laquelle il pouvait passer était ouverte avant de déposer mon sac sur la table de la cuisine.

Me débarrassant de mon blouson sur le vieux canapé, j'allai tirer les rideaux avant d'allumer un projecteur alimenté par une bobine solaire. Un vrai tas de bric à brac qui nous fournissait un peu de lumière. Au pire, j'avais des bougies. Abandonnant l'idée de faire réchauffer le rôti, je m'affalai sur le canapé, grognant quand un ressort me perfora le dos avant de trouver une position a peu près confortable. J'aurais pu rejoindre ma chambre mais c'était un coup a m'endormir pour un bon moment et je préférai m'assurer que Gar rentrait entier avant de le faire. Ce soir encore, ça avait été...éreintant. Autant physiquement que moralement. Etre témoin d'autant de vice et de travers avait de quoi vous pourrir l'esprit parfois et je ne parlais même pas de mes pouvoirs que je déployais sans cesse pour éviter de me faire violer dans un coin... S'arranger pour que l'on ne vous trouve pas désirable, c'était crevant, mais c'était ça ou finir sur le trottoir si on n'y faisait pas attention. J'avais encore de l'amour propre bordel. Un léger frottement au dessus de ma tête me fit ouvrir un œil. Avant de grimacer... « Un rat ? Non sérieusement Gar, tu sais que je déteste ces bestioles... » jurais je en avisant un gros rongeur vert pointer le bout de sa queue. Merci Gar....

Si Rachel regarde attentivement, elle pourra probablement deviner une expression malicieuse sur le museau du rat. Pas facile d’être aussi expressif sous forme animale que sous forme animale, pourtant, je le suis terriblement. Je ne comprend pas vraiment son aversion pour ces rongeurs. C’est franchement exagéré et injuste en fait. Les rats sont incompris et stigmatisés, voilà tout. Mais c’est quand même bien pratique pour se faufiler n’importe où. Et étant donné la façon dont on a décidé d’aménager l’entrée de notre loft… Bon, je suis très ironique en parlant de loft en fait. On vit dans un vieux truc abandonné et à moitié délabré. Comme tout le monde en fait. Non pas que j’ai déjà connu l’opulence auparavant, parce que le studio que j’avais avant était petit, mais au moins, c’était propre et fonctionnel. Mais je sais me contenter de peu, j’ai été élevé à la sauvage. Le truc qui me dérange le plus, c’est l’insécurité et avec Rachel, on a à peu près réussi à y pallier. Cela a demandé pas mal de réflexion d’ailleurs, afin de nous assurer de pouvoir entrer tous les deux en nous servant de nos aptitudes, qui ne sont pas vraiment similaires ou comparables. Et donc pour moi, cela implique que je change de forme. Et donc, je débarque tout le temps à poil dans l’appartement. Si cela m’a gêné vis-à-vis de Rachel au début, c’est devenu tellement fréquent que… je ne me formalise plus. Et elle non plus.

Quoiqu’il en soit, je galope tranquillement dans le grenier, avant de passer le museau par la trappe et rigoler à la réflexion de Rachel. Je prends mon élan et je saute, pour arriver pile sur son ventre. Yaaaaaah. Je roule ensuite sur le vieux canapé défoncé, avant de me changer en chinchilla. Vert encore. Mais beaucoup plus mignon et doux qu’un rat. Ma manière de me faire pardonner, alors que je grimpe sur elle et renifle son cou. Un poil hyperactif, j’ai du mal à tenir en place, alors je m’échappe et file jusqu’à ce qui me sert de chambre pour aller me changer. Ce n’est pas parce que Rachel m’a vu plus d’une fois à poil que je fais exprès de me changer devant elle à chaque fois quand même. Pour le coup, je lui épargne ça. Surtout que c’est assez dérangeant d’assister aux transformations. Rachel ne s’en est jamais formalisée et n’a jamais été dégoutée de ça, mais quand même. Comme elle ne m’a jamais reproché d’avoir à moitié déchiqueté un homme… Ca, c’était dégueu. Et si j’en reparle jamais, c’est pas parce que j’ai accepté et digéré, mais parce que je déteste m’en rappeler.

Bref. Je reprends ma forme normale et m’habille vite fait (je suis devenu champion dans l’art de m’habiller en 30 secondes) et refait surface avec les cheveux ébouriffés mais le regard toujours aussi malicieux. « Je te trouve super injuste avec ces pauvres rats. En plus, je ne suis pas un rat comme les autres, tu me trouves pas tout mignon ? » Je souris et ajoute : « Note que je suis sympa, j’ai pas trop insisté. Bon, le fait que tu risques de m’envoyer valdinguer a un peu pesé dans la balance aussi. » Je plisse le nez. « J’ai cru sentir une délicieuse odeur… On mange quoi ? » J’apporte largement ma part dans notre colocation. On a trouvé un excellent équilibre. Je me rapproche et viens m’affaler dans le canapé à côté d’elle, non sans me redresser aussitôt. « Ah merde, faut vraiment qu’on se dégote un truc plus confortable, on va finir par s’empaler sur ce vieux truc. » Et je me masse le dos en grimaçant.

Je plissai les yeux, ne quittant pas ce foutu rat vert du regard. Évidemment que je savais qui se cachait derrière mais cela ne m'empêchait pas de trouver la bestiole repoussante. Surtout que là, la dite bestiole avait un air sur le museau qui ne me plaisait pas du tout. « Je te préviens, tu n'as pas int... » trop tard, il venait gentiment de se jeter sur mon abdomen. « Bordel Gar ! » J'allais l'envoyer par la fenêtre sans l'ouvrir ! Autant dire qu'il a eu chaud, parce qu'au moment où je prenais cette décision, il prit la forme d'un tout mignon chinchilla. Arg. Mais je n'oublierais pas, loin de là. Le fusillant des yeux, autant qu'on puisse le faire devant une gueule aussi trognon évidemment, je reniflais en abdiquant.

En soupirant, je le regardai trottiner jusqu'à sa chambre, me carrant un peu mieux dans le canapé défoncé. En vrai, j'étais toujours un peu mal à l'aise quand Gar se promenait a poil dans l'abri. J'étais pratiquement sûre qu'il ne s'en était jamais rendu compte, ou alors il pensait sûrement que je m'y étais habituée. En fait...pas vraiment. Et je crois que je ne m'y ferais jamais. Je n'étais pas spécialement pudique, ni même facilement choquée, mais Gar n'était pas franchement repoussant, c'était même carrément le contraire le contraire, et cela me renvoyait systématiquement au désert de ma vie sexuelle et sentimentale.Si je n'avais pas été ce que j'étais...Peut être que j'aurais pus tenter une histoire avec lui, je l'aurais voulu, parfois, je le voulais mais... Je me passai la main dans les cheveux, agacée par mes propres pensées. J'avais fait une croix sur la possibilité d'entretenir autre chose qu'une relation superficielle avec quelqu'un. Homme ou femme d'ailleurs. Je n'avais été proche de personne, je ne l'avais pas voulu. Parfois, je me prenais a penser que l'être autant de Gar n'était pas une bonne idée non plus, mais c'était sans doute un peu tard maintenant, j'avais eu un loupé alors même si j'aurais voulu tellement plus de lui, je me contentais de ce que j'avais...En espérant que je ne détruise pas tout.

Parfois, je me demandais comment il réagirait si il savait d'où me venait mes pouvoirs...Il les pensait innés. Quelque part, c'était vrai et je ne l'avais pas démentit. Je ne me voyais pas lui dire avec la bouche en cœur que j'avais un côté bien plus démoniaque, autant que pouvait l'être mon sang. Que j'étais une bombe prête a exploser les trois quart du temps. Que si mon père me retrouvait...Je ne donnais pas cher de la Terre, Super ou pas Supers. Que j'étais responsable de la destruction d'un monde entier. En fait, je crois que j'avais peur de le lui dire. De voir son regard changer irrémédiablement, de le voir prendre ses distances ou voir la méfiance ombrer son visage. C'était ridicule, je ne voulais pas tenter le diable...De toute les façons possibles. Il y avait de l'ironie là dedans. Une putain d'ironie un peu trop mordante d'ailleurs, douloureuse même. Je ne lui mentais pas vraiment...mais je ne lui disais pas tout non plus. La voix de Gar me fit presque sursauter pour le coup et je lui jetai un regard sceptique, dissimulant, comme je savais si bien le faire, les pensées qui m'avaient agitée durant son absence..Rapide d'ailleurs, il était foutu de s'habiller en un temps record...J'étais presque jalouse. « Rat et mignon ne vont pas dans la même phrase. » fis je avec ironie avant d'esquisser un demi sourire. « Tu as frôlé le vol plané effectivement, mais ton instinct de survie est bien développé, je dois bien te reconnaître ça. » je donnais un coup de menton vers la cuisine, désignant le sac abandonné. « Du rôti de cerf... Les restes du banquet d'un sbire a Don Falcone, il fêtait son cinq centième contrat d'assassinat. » Puis je le regardais. « Dis donc, tu as pas l'impression de bouffer ta famille quand tu mange de la viande ? A ta place, je serais déjà végane... » mais je suppose qu'il n'y faisait pas attention...

Le canapé poussa un gémissement plaintif lorsqu'il se laissa tomber dessus avant de se redresser comme un diable hors de sa boite en jurant. Haussant un sourcil, je rétorquai : « Tu es en train de me demander de me téléporter avec un canapé tout neuf ? » Il faut dire que c'était comme ça que nous nous étions meublé. Enfin autant qu'on le pouvait. On était loin des intérieurs chicos des grandes maisons de la ville, vraiment très loin, mais on avait le nécessaire. Même quelques affiches par ci par là, j'avais dégoté des rideaux...bon je les avais « emprunté » c'est pareil. Gar nous avait trouvé de quoi faire réchauffer nos repas et il n'oubliait jamais de ramener une petite bouteille de gaz qu'il devait sans doute négocier a l'extérieur. En fait, en y pensant, heureusement que nous avions barricadé l'appartement sinon... « Les affaires ont été bonnes pour toi ? » Au moins, il revenait entier...Mais si il venait a se faire choper...Je repoussais cette pensée profondément. J'étais généralement maîtresse de mes émotions, j'avais été élevée comme ça. Je ne m'énervais jamais. Je ne hurlais jamais. Tout au plus je me permettais de ressentir de l'agacement...Mais si je savais une chose, c'était que Gar pouvait parfaitement faire voler en éclat ma superbe maîtrise...une chance qu'il n'en soit absolument pas conscient.

Je hausse une épaule alors que Rachel n'en démord pas. Je la trouve bien injuste. C'est qu'elle n'a jamais regardé un rat de près. Et je ne parle pas des rats d’égout, mais des rats normaux. Ils ont une belle petite tête. Forcément, en prenant l'apparence de toutes sortes d'animaux, j'en connais le physique par cœur. Et les comportements aussi quand même. Ça, c'est hérité de mes parents et de mon enfance avec eux puis dans la tribu. Et ma curiosité naturelle. Peut-être que je continue à m'intéresser à tout ça parce que c'est un peu le seul lien qu'il me reste avec mes parents après tout... Et parce que c'est utile pour moi. Je ne laisse rien voir du tournant un peu déprimant qu'ont pris mes pensées, me fendant d'un grand sourire innocent alors qu'elle complimente mon instinct de survie. Le pire, c'est que je ne l'ai pas si développé que ça, parce que ça ne va pas trop de pair avec mon indécrottable naïveté malheureusement. "J'espère quand même que tu me reconnais d'autres qualités." Pour me supporter, c'est qu'il doit bien y en avoir quand même. En vrai, je ne suis pas très chiant ni envahissant. Je respecte totalement les besoins de solitude de Rachel, même si je suis bien plus extraverti et tactile. Mais avec elle, je fais gaffe, à ne pas trop empiéter ou l'envahir. Je sens les limites... Même si ça me frustre pas mal quand même. J'aimerais bien être plus proche d'elle, mais j'ai pas l'impression que ce soit son cas. Alors je fais avec.

Et j'ai décelé de délicieuses odeurs sous ma forme animale. Je sens encore, mais de façon bien moins amoindrie. Du rôti de cerf... Hummm, quel délice. "Ah et bien, bonne fête à lui alors." J'ai répondu d'un ton ironique. Autant d'assassinat... J'ai quand même du mal à me faire à cette vie là. J'ai connu tellement plus simple et plus... pur. Et pourtant, je suis comme un poisson dans l'eau, à devoir voler et troquer des trucs. C'est étrange, non ? Rachel se débrouille très bien de son côté aussi, en étant un peu moins sur la sellette que moi d'ailleurs. Mais à sa question, je la dévisage, surpris par le tournant qu'a pu prendre sa réflexion. Je fronce les sourcils, surpris : "Ben non. Je suis un mammifère, tu en es un aussi. Je vois pas pourquoi ça me gênerait plus que toi en fait." Juste parce que je peux prendre la forme d'un truc que je mange ? Ouais, ça doit être ça, mais je ne raisonne pas du tout de cette façon. "J'aime trop la viande pour devenir vegan, ça va pas la tête." Déjà que c'est pas évident d'avoir de la viande, alors je me régale quand c'est le cas hein.

Et tandis que je m'avachis à côté d'elle, je me fais transpercer par un vieux ressort qui me fait pester aussi sec. "Ouais, c'est l'idée... Je peux porter sans soucis, mais le faire rentrer ici... Ou alors, va falloir faire du puzzle." et je retrouve mon sourire en imaginant la scène. N'empêche qu'on a réussi à trouver un équilibre très correct quand même. Mon sourire disparait à sa question alors que je fais grise mine : "Non, pas ce soir. Demain devrait être plus fructueux. Je vais devoir m'absenter une paire de jours d'ailleurs." Je sais bien que Rachel n'aime pas spécialement ça, mais comme je peux me tirer d'ici sans trop de soucis, j'en profite. Et je me lève du coup, affamé. "On mange ?" Avec entrain, je commence à préparer la table. On s'est aménagé un petit nid pas trop dégueu. Il n'y a rien d'harmonieux, mais il y a l'essentiel, c'est déjà pas mal. "Tu ne t'es pas trop faite emmerder pendant ton service ?" Je demande ça l'air de rien, mais je me doute que cela ne doit pas être simple tous les jours. Rachel est plutôt mignonne. Même si elle sait embrouiller les gens pour paraître plus... insignifiante.

Je ne répondis pas vraiment, à peine esquissais je un sourire. Oui je lui reconnaissais plein d'autre qualités. Je lui enviais sa sociabilité, sa simplicité, cette façon qu'il avait de se lier aux autres avec facilité, sa bonne humeur presque constante, il aimait ce monde alors que moi je ne savais pas si je devais l'adorer ou le haïr. Garfield était un mec bien et il n'y en avait plus beaucoup en y songeant.

Mais un mec reste un mec et son estomac venait de lui rappeler quelque chose d'important. Je lui indiquai le sac avec un geste du menton et sourit légèrement a son ironie. Y a pas a dire, on vit dans un monde de pâquerettes et de licornes. Fêter la mort d'un autre, comme un exploit, c'était risible. On m'avait appris le bien et le mal, évidemment, et j'avais été témoin du mal le plus abject, je ne comprenais pas cette joie malsaine de satisfaire un autre en prenant une vie. Innocente ou non d'ailleurs, cela importait peu. Mais dans cette ville, être bon ou mauvais n'avait pas d'importance, non, il fallait être fort. Plus on était fort, mieux on vivait. Le reste...Etait une question de conscience sans aucun doute. Je vois bien que ma question le laisse dubitatif et sa réponse ne devrait pas me surprendre en fait. Je secoue la tête en souriant. « Je demandais juste pas curiosité. » Ce qui était vrai en partie, je me demandais souvent comment il vivait ses différentes mutations. Je veux dire, passer d'un humain a un rat, c'était...étrange.

Tout comme moi, il fut victime du ressort dissident et sa réaction me fit hausser un sourcil amusé. « De toute façon, dis moi où on va trouver un canapé qui n'est pas en kit, ce sera plus simple... » Autant dire que faire du shopping était un truc qui n'existait pratiquement pas ici. Gar pouvait faire passer des trucs en contrebande mais pas un machin aussi gros qu'un canapé. Nous meubler a toujours été un peu casse tête. Je soupirai : « J'en demanderais un en paiement si j'y pense, les clubs doivent bien avoir de vieux canapés dans un coin...par contre, faudra décaper vu ce qu'il se passe dessus. » achevais je avec une grimace. Il faut dire que j'en avais vu plus que je ne le méritais parfois, mais tant que je fermais ma bouche, on me laissait tranquille. En tout cas, pour lui la soirée n'a pas été rentable. Je lui donnai une bourrade affectueuse de l'épaule. « Tu feras mieux la prochaine fois va. » Mais je tique quand il enchaîne sur son absence. Je n'aime pas ça. Je n'ai pas peur d'être seule non, mais je n'aime pas avoir peur pour lui. Fronçant les sourcils, j'ouvris la bouche : « Deux trois jours ? Tu vas où ? » J'ai envie de me mordre l'intérieur de la joue, je me trouve un peu intrusive pour le coup, Gar menait ses affaires comme il l'entendait mais en même temps...

Je le suis alors dans le coin cuisine, avec un peu moins d'entrain que lui. Bizarrement je n'ai plus très très faim, mais je me forcerais. Qui sait si demain je ramènerais un truc aussi luxueux que ça ? Parfois, ça me gonflait vraiment de devoir vivre au jour le jour...Ce monde méritait de crever...Voilà ce que je me disais dans les moments les plus sombres de ma vie. Et le pire ? Je crois que je le souhaitais vraiment parfois. Je me secouai intérieurement. Je déballe le plat avec des gestes précis avant de lever les yeux sur Gar a sa question. Une petite moue se peint sur mes lèvres. « C'était plutôt tranquille pour une fois, il y avait des prostituées d'invitées, elles sont plus intéressantes que les serveuses et c'est tant mieux. » De fait, au moins, elles détournaient l'attention des hommes de Falcone, j'allais pas m'en plaindre. « Je me suis tirée avant que ça ne vire a l'orgie. » Parce qu'il ne fallait pas déconner non plus. « Des fois je me demande si on aurait pas meilleur temps de se tirer de cette ville...Définitivement. Tu peux sortir quand tu veux, et moi...Disons que si j'insiste un peu, je pourrais franchir le blocus... » Ouais des fois, je me posai cette question...Mais en sortant de Starcity, serions nous aussi libre ? J'en doutais franchement et nous étions bien trop habitués a ce mode de vie...Je crois...

Je regarde Rachel, surpris par sa curiosité à mon égard. On n'a jamais vraiment parlé de mes pouvoirs ou des siens en fait. Je lui ai parlé vite fait de ma vie et que c'est venu suite à une tentative désespérée de me sauver et voilà. Rachel ne s'est jamais montrée intrusive ou curieuse alors qu'il y a de quoi se poser 1000 questions me concernant. Et du coup, et bien, j'évite de trop l'être la concernant, parce qu'elle est plutôt du genre secrète. Je vois bien qu'elle n'aime pas du tout parler d'elle ou de ce qu'elle est capable de faire, alors je n'insiste pas. Du coup, c'est pas avec ce genre de réponse qu'elle va être encouragée à me poser des questions, bien joué. D'un autre côté, je ne vois pas trop comment j'aurais pu répondre autrement. Me transformer, c'est aussi naturel que respirer finalement et j'ai toujours su le faire. Du moins, mes souvenirs remontent à aussi longtemps. Pourtant, je sais que je ne suis pas à 100% de mes capacités encore, mais j'ai le temps de développer ça. "Tu n'es pas souvent curieuse." Je remarque avec douceur, avant de râler sur le canapé. Et de ronchonner quand Rachel fait remarquer à juste titre que ça va être difficile de le changer. Ouais, autant je peux magouiller pour ramener des trucs qui sortent un peu de l'ordinaire, autant un canapé, c'est un peu trop imposant pour moi. Je ne peux pas en récupérer un discrètement en tous les cas. Après, y'a toujours moyen de le négocier contre autre chose. Tout se troc. Tout a son prix.

Rachel propose alors de demander un vieux canapé en paiement et si l'idée est bonne, j'ai une grimace de dégout quand elle évoque ce qui peut trainer sur ces vieux meubles donc. Ah quelle horreur... J'y avais pas pensé, mais Rachel est plus pragmatique et terre à terre que moi. Plus... cynique aussi en fait. On a le même âge, mais pas du tout la personnalité. Ni la même mentalité. Elle est beaucoup plus mature et posée que moi. Désabusée aussi. En fait, elle ne fait pas ses 20 ans mentalement, elle pourrait en avoir le double. Et des fois, je me dis que moi, au contraire, je pourrais en avoir la moitié.

Je suis au regret de lui annoncer que ma soirée est loin d'avoir été fructueuse et écope d'une petite bourrade amicale de sa part. "Oh, sans doute." Et la prochaine fois va venir plus vite qu'elle ne le pense alors que je lui apprend que je vais devoir m'absenter. Cela est relativement courant, elle commence à en avoir l'habitude. Je ne sais pas si elle s'inquiète pour moi en vérité. Sûrement que oui. Un peu quand même. On est amis et j'ose penser qu'elle tient un peu à moi, même si elle n'est pas très démonstrative. Et la curiosité la pousse une fois encore à en apprendre davantage. Je souris, malicieux : "Tu es inquiète ? Y'a pas de raisons tu sais." Parce que j'ai quand même l'habitude maintenant, depuis le temps. Et je suis insaisissable. Enfin, presque. Faut pas que je pêche par excès de confiance non plus.

Je me lève pour aller manger, alors que mon estomac crie famine, tout en demandant à Rachel comment s'est passée sa journée, même si je ne le formule pas comme ça. Je ne suis pas dupe, elle fait pas un métier facile, mais elle sait se défendre. C'est pas pour autant que c'est agréable ceci dit. Et je rigole quand elle me confie être partie avant que cela ne dégénère : "Sans déconner. Tu loupes le meilleur." Bon je plaisante avec ça, mais je serais sûrement parti aussi, alors que je suis un mec. Mais bon, les orgies, c'est pas mon truc. Et c'est encore moins celui de Rachel. Je ne sais même pas si elle a déjà été attirée par quelqu'un ou a eu des copains. Ou des copines. Enfin, quelqu'un pour être en couple quoi. C'est par exemple, le genre de choses dont on n'a jamais vraiment discuté. Elle est super jolie pourtant, mais... inatteignable. "Et pour aller où ? Et faire quoi ? Tu sais ce qu'on dit concernant l'herbe plus verte ailleurs ? Et bon, je ne suis pas forcément hyper adapté pour aller dans une ville avec des gens complètement normaux." Et elle non plus je pense, même si c'est moins flagrant. "Tu voudrais qu'on se tire d'ici, vraiment ?"

C'était vrai, j'étais rarement curieuse. Tout simplement parce que la curiosité appelait la curiosité. Et puis la ville nous apprenait très vite a ne poser aucune question au risque de savoir quelque chose que nous ne voulions pas. Et puis les secrets...C'était dangereux a plus d'un titre, j'étais bien placée pour le savoir en vérité. « La ville nous apprend vite a ne pas trop l'être. » fis je légèrement pensive avant de lui sourire légèrement. C'est vrai que je voulais en savoir plus sur lui, tout savoir, mais je me l'interdisais, parce que la curiosité allait dans les deux sens, hors, il y avait des choses que je ne voulais pas qu'il sache sur moi. C'était stupide, je m'en rendais bien compte. Gar était transparent, enfin, beaucoup plus que la moyenne. Il assumait tout ce qu'il était et le vivait bien, tout le contraire de moi quand j'y pense. C'était même étonnant que nous nous entendions aussi bien, mais ne dit on pas que les contraires s'attirent ? Ah. Il faudrait que j'arrête avec ces dictons a la con.

Le voir si mal à l'aise avec le canapé me fit sourire, sourire qui s'élargit légèrement devant sa grimace de dégoût. Mais lui comme moi savions que si j'arrivais a en avoir un, on en serait contents...une fois nettoyé évidemment. C'était notre quotidien, le troc, l'échange, ce genre de truc. Que Gar n'ai pas réussit une bonne soirée arrivait de temps en temps, même pour lui. Mais il n'en ferait pas en montagne, il rebondissait toujours, c'était ça qui était le plus fascinant je crois. Et apprendre qu'il va s'absenter met un poids sur ma poitrine. Je n'ai pas peur pour moi, je suis capable de me défendre, mais je n'aime pas le savoir absent aussi longtemps. Pourtant, c'est un grand garçon qui sait prendre soin de lui mais...Je ne peux pas m'en empêcher. Je l'épingle d'un coup d'oeil alors qu'il se moque gentiment de moi. « Abruti » Il prenait les choses avec trop de légèreté parfois...Quand moi je ne cessais de m'attendre au pire. Il ne le savait pas, mais il m'arrivait parfois de me rendre auprès de lui sous forme astrale, juste pour m'assurer que tout allait bien. Une des nombreuses choses que je lui cachais.

Je le regardai se lever pour aller fureter dans la cuisine, l'estomac dans les talons et le suivis avec moins d'enthousiasme, racontant ma soirée. « Je crois que je n'en mourrais pas. » répliquais je a sa réflexion. Il l'avait dit en plaisantant, je le savais, aussi mon sourire adoucit mes mots sans difficultés. En le voyant sortir la table et la mettre, je ne pus m'empêcher de poser la question qui revenait sans doute souvent dans l'esprit d'a peu prêt la moitié de la ville. Sa réponse ne m'étonna pas plus que ça. « Vivre avec des gens normaux hein... » répétais je comme pour moi même. Je l'avais fait, du moins avant la mort de mes parents adoptifs, j'avais appris a ne rien laisser transparaître, après tout, j'avais été élevée comme ça. A toujours tout contrôler de mes humeurs. Je pourrais vivre dans une ville normale. Mais...Je n'y serais sans doute jamais totalement a l'aise. Je haussai une épaule lorsqu'il me retourna la question. « Parfois j'y pense. » Je m'installai sur ma chaise après nous avoir servit, jouant avec un morceau de viande gorgé de sauce de la pointe de ma fourchette. « Mais aussi pourrie soit elle...Cette ville reste la mienne quand même, je ne sais pas si j'aimerais une vie totalement normale en fait. » Je pourrais continuer mes études pourtant, mais a quoi cela servira-t-il ici ? « En même temps, je n'arrive pas a me projeter ici...C'est con, alors que je ne connais même pas ma durée de vie. » Après tout, certain étaient éternels, d'autre doté d'une longévité incroyable. Qu'en était il de moi ? Mon ascendance démoniaque jouerait il avec ma durée de vie ? Pfff...Parfois je me posais vraiment trop de question je crois.

Je hausse une épaule avec désinvolture à sa réponse concernant la curiosité. Vrai qu'être trop fouineur, ça peut vite mener aux emmerdes, mais je pense surtout que c'est un trait de caractère. Et Rachel n'en est pas doté. Moi, c'est pas la même histoire. J'aime bien savoir plein de trucs, et me tenir au courant. C'est aussi comme ça qu'on choppe des informations intéressantes et qu'on peut sortir son épingle du jeu. J'ai l'avantage de pouvoir espionner sans vraiment me faire remarquer aussi. Cependant, depuis le temps qu'on se connaît elle et moi, et qu'on vit même ensemble, on pourrait penser qu'on sait tout l'un de l'autre. Mais Rachel est secrète. Et je sens bien qu'elle cache des trucs, même à moi. Et si je suis curieux, je n'irais jamais espionner quelqu'un que j'apprécie. Et qui a un peu confiance en moi. "D'un autre côté, c'est bien d’engranger des connaissances. Ou même de connaître quelques secrets." Cela se monnaie. Mais je ne pousse pas verbalement ma réflexion jusque là, parce que je ne pense pas que cela l'incite à me faire confiance.

Après avoir pesté sur le vieux canapé et envisagé d'en changer, tout en ne sachant pas vraiment comment amener le meuble ici, j'annonce à Rachel que je vais devoir partir une paire de jours, non sans m'amuser de son inquiétude me concernant. Elle ne le dit pas clairement et je me fends d'un grand sourire quand elle me traite d'abruti. On me reproche souvent de ne pas savoir être sérieux. D'être trop désinvolte ou inconscient. Je ne le suis pourtant pas tant que ça et je ne prends pas de risques inconsidérés. De même, me ronger les sangs pour une situation sur laquelle je n'ai de toutes façons pas de prise ne sert absolument à rien, alors j'évite de trop m'en faire. Broyer du noir ou être malade d'angoisse n'a jamais fait avancer les choses ni changer le cour des évènements n'est-ce pas ?

L'odeur de nourriture finit par avoir raison de ma flemme et je me dirige vers la cuisine, commençant à mettre la table pour pouvoir attaquer le diner. Rachel me suit, moins emballée. Elle ne fait pas un boulot facile et elle pourrait très bien se retrouver aux prises avec certains mecs mal intentionnés. Elle est loin d'avoir mauvais fond ou apprécier se rouler dans la luxure. Je la taquine donc sur le fait qu'elle soit partie avant que ça vire en orgie et elle répond assez sérieusement à ce sujet. Et elle enchaine sur une autre question... Ah pourquoi je ne me tire pas d'ici... Marrant que les gens pensent que c'est facile pour moi de mener une vie normale, loin de cette atmosphère viciée et de cette ville étouffée par le crime. C'est pourtant pas si facile. Même si je me fond bien parmi les humains, j'ai conscience que je ne le suis plus vraiment. Et en vrai... Je n'aspire pas vraiment à une vie normale et ennuyeuse. "Je l'ai fait, cela ne m'a pas particulièrement réussi. C'est pas pire ici." Je l'observe, espérant ne pas l'avoir blessée en parlant de normalité. Et je demande si elle voudrait qu'on parte d'ici. Je m'installe en face d'elle sur la minuscule table, alors qu'elle me répond y penser, avant de nuancer ses propos. "C'est exactement ça." Est-ce que nous aimerions une vie normale. Banale. Ennuyeuse. "Je pense pas qu'on puisse vraiment faire des projets d'avenir ici..." Pour ça que je vis au jour le jour plutôt et ne fais pas de grands projets. Je penche cependant la tête à la suite de ses propos concernant sa durée de vie. Je pense que la mienne est la même que si j'étais humain. Je ne vois pas pourquoi ma mutation y changerait quoique ce soit. Mais elle ? "Pourquoi serait-elle différente de la mienne ?" Je lui lance un regard curieux. Et assuré aussi, alors que je sais bien qu'elle ne me dit pas tout. Et qu'elle va probablement esquiver le sujet, une fois encore.

Je fini par engloutir mon bout de viande. Froid. Tout en mâchant, je lâchais un sourire a Gar. Ouais je crois que sur le terrain de la normalité, on se valait. « De toute façon, on est loin d'être normaux... » Donc espérer quelque chose qui le soit était débile. Mais parfois, je me demandais ce que ça faisait de vivre normalement, de ne pas se battre pour manger ou pour creuser son trou. D'avoir un toit, des amis, et des problèmes de fille humaine de 20 ans quoi. Enfin, d'une façon ou d'une autre, je n'étais qu'a moitié humaine donc l'espoir d'une vie normale n'était clairement pas pour moi. Comme dit, je crois que, aussi pourrie soit elle, cette vie là, avec Gar, me plaisait. Il y avait mieux, mais il y avait clairement pire. « Si on peut...Si on compte devenir le Boss a la place du Boss. » fis je avec ironie. Hors cette ambition n'était pas la mienne, ni celle de Gar. On arrivait a vivre tranquillement, je crois que ni lui ni moi ne voulions que ça change.

Je failli avaler un morceau de viande de travers a la suite. Bordel. J'avais pensé tout haut. Gar pouvait passer pour un type superficiel mais il était perspicace. Un peu trop parfois. Je posai ma fourchette avant de loger mon menton dans ma main, affrontant son regard curieux. Il sait que je ne lui dis pas tout mais il ne demande jamais. En même temps, je ne savais même pas comment je réagirais si il le faisait. Je pouvais détourner une question sous jacente ou insinuée mais une question franche...Venant de lui...J'en étais moins sûre. « Sérieusement Gar, tu peux te transformer en n'importe quoi. Si tu deviens une tortue géante, tu vivras jusqu'à 150 ans non ? Inversement si tu te fais éphémère non ? Je ne suis pas scientifique mais pour moi, ça me paraît logique, pas toi ? Et puis, honnêtement, se transformer comme tu le fais, c'est pas humain, pas plus que ma capacité a me téléporter, est ce si déconnant de se demander combien de temps on peut vivre ? » Je repris ma fourchette et enchaînai avec un sourire ironique : « Enfin la durée de vie dans cette ville dépend pas de la nature...mais regarde superman ou même wonderwoman, batman compte pas. On est pas des héros mais on ne peut pas dire que l'on est normaux. » Et puis avec un père tel que le mien, j'étais sûre que j'aurais encore des surprises. Restait a savoir si elles seraient bonnes ou mauvaises...Plus mauvaises que bonnes sans aucun doute.

Finalement, je repoussai mon assiette a moitié pleine vers lui, si il voulait la finir. Je savais qu'il avait un appétit a tuer un éléphant. « De toute façon, c'est des questions auquel on aura pas de réponse mais parfois, je me les pose. » Comme savoir a quel moment exactement, je ne pourrais plus résister a mon côté démoniaque, si a un moment, il prendra le dessus ou non. Pour l'instant, j'étais plus humaine que démon mais je ne savais pas vraiment ce qui m'attendait dans le futur. « Tu ne t'ai jamais demandé pourquoi toi ? » Moi si, plusieurs fois. Et j'ai arrêté de chercher. Il y avait des choses contre lesquels on ne pouvait strictement rien, c'était comme ça. J'enviais Gar qui vivait sa différence avec panache d'une certaine façon, il en tirait tous les avantages possible. Moi ? J'avais tout simplement peur de ce que j'étais. Sympa non ? J'étais une mine d'or pour un psy. Je pouvais vivre avec ma peur, ce n'était pas un problème, je pouvais même accepter ce que j'étais. Oui je le pouvais...Sauf que ma différence me forçait a dresser un mur et a garder Gar derrière. Je crois que j'aurais aimé tout lui dire, être...comment dire... libre d'une certaine façon. J'aurais aimé ne pas me demander sans cesse si je risquais de lui faire du mal, si, en le laissant m'approcher, je n'avais pas signé son arrêt de mort.... Ah. C'était un peu dramatique tout cela non ? On en était pas là de toute façon, mais ça restera sans doute mon plus gros regret et savoir que je le faisais pour lui n'était pas réconfortant. Pas du tout.

Je ne comprend pas trop ce qu'ils ont tous avec le concept de normalité. Je ne me trouve pas spécialement anormal finalement. Je sais faire des trucs que d'autres ne peuvent pas faire, mais c'est pareil pour les gens méga doués en maths genre. C'est juste moins voyant. Finalement, avoir des pouvoirs, c'est juste avoir une capacité en plus. Mais bon, je comprend l'idée finalement. Même si c'est peut-être plus facile pour Rachel que pour moi de se fondre dans la masse, quand bien même je suis beaucoup plus sociable qu'elle. Après, clairement, on ne vit pas la vie de jeunes de notre âge. On vit dans un monde rempli de corruption et nous essayons tant bien que mal de sortir de notre épingle du jeu. Et on ne s'en sort pas si mal finalement. On arrive à manger tous les jours, pas toujours à notre faim, certes, mais c'est mieux que beaucoup de gens. Et on n'est sous la coupe de personne. A notre façon, nous sommes libres. Et quand elle évoque le fait de devenir Boss à la place du Boss, j'éclate de rire, avant de répondre avec un accent sicilien typique des mafieux, ou du moins, des préjugés qu'on peut avoir sur eux : "Mais oui, c'est totalement mon ambition secrète. Tu vas devoir disparaître, tu en sais trop." Sûrement pas. Je ne suis pas quelqu'un de retors. Ni de mauvais finalement. Je ne saurais pas éliminer quelqu'un juste parce qu'il est une menace ou a désobéi. A la rigueur, à ce tarif là, Rachel serait un tout petit peu plus crédible.

D'ailleurs, je pointe du doigt ses propres réflexions concernant notre espérance de vie et les incertitudes nous concernant. La concernant. Je sais bien qu'elle ne me dit pas tout concernant son passé et qu'il y a des trucs qui lui font peur. Je ne sais pas ce qu'elle cache ou ce qu'elle craint, mais c'est suffisant pour qu'elle se tienne toujours un peu à l'écart de tout et de tout le monde. Même de moi. Et je sais que j'ai touché une corde sensible alors qu'elle se laisse happer par la surprise, décontenancée par ma question. "J'ai pas l'intention de finir ma vie sous forme de tortue juste pour vivre plus longtemps. Je pense que mon espérance de vie est humaine, tout simplement. Mes transformations sont éphémères." Elle se creuse vraiment les méninges pour des trucs auxquels je n'ai jamais pensé. Je suis humain. Je ne suis pas un chien ou une tortue. Je n'ai pas l'intention de passer plus de quelques heures sous une autre forme finalement. Elles sont transitoires. Et si j'acquiers les capacités des animaux dont je revêts la forme, je n'ai aucune idée de si je chope aussi leur longévité. "Tu vas me donner mal à la tête avec ce genre de questions en fait." Je soupire. "Je suis pas né comme ça. Je le suis devenu. Est-ce que ça change la donne, j'en sais rien. Et je n'ai pas l'intention de laisser qui que ce soit étudier ça. Mais au moins, je sais d'où mes pouvoirs viennent, moi." Et je l'observe alors qu'elle a sans doute tenté de noyer un peu le poisson en me mettant le cerveau à l'envers. Sauf que je n'ai pas oublié l'origine de la discussion. "Mouais. Ce serait cool d'être des héros pourtant. Cela nous rendrait utile."

Je rumine un peu à ce sujet tout en mangeant de nouveau avec appétit. Si cela le coupe à Rachel, ce n'est pas mon cas. "Je vois ça. Sauf que ça doit être chiant d'avoir ce genre de questions en tête quand on n'a pas la réponse. Tu dois en faire des hypothèses." Et à sa question de pourquoi nous, j'arrête de manger et la regarde sérieusement : "Non, pas vraiment. Parce que si mes parents n'avaient pas tout tenté, je serais mort à l'âge de deux ans. J'ai eu de la chance qu'ils arrivent à me sauver. Et j'ai hérité de cette particularité depuis." Là où je voyais une chance, Rachel voyait... une malédiction ? Un fardeau en tous les cas... "Qu'est-ce qui te dérange à ce point ? Qu'est-ce qui t'effraie dans ta différence ?" Parce que c'est clairement ça le problème.

Je haussai un sourcil amusé. Non pas que je croyais Gar totalement inoffensif, loin de là, il avait de quoi tenir la dragée haute a beaucoup de gens, mais...Je crois que ce n'était tout simplement pas dans son tempérament. « Tu m'en veux si je ne frissonne pas de peur en hurlant maman ? » un coin de mes lèvres trembla d'amusement. Il avait réussit en quelques mots a alléger l'atmosphère, a éloigner pour un temps les pensées un peu sombres qui pouvaient me hanter. Mais l'état de grâce ne dure jamais très longtemps. Quelque part, je devrais faire comme lui et m'en foutre. Je le ferais même sans doute si mon paternel n'était pas un putain de démon surpuissant.

Il met tout de même le doigt sur une différence de taille, il est né humain. J'avais oublié ce détail. Superman était né comme ça aussi, même si je n'avais aucune idée de sa longévité, si même on pouvait le tuer. Bref, je voyais bien qu'il n'avait jamais vraiment poussé la réflexion jusque là. C'était sans doute moi qui me faisait des nœuds inutiles au cerveau. Il devait parfois me prendre pour une timbrée a m'interroger sur moi même comme ça. Je ne pourrais même pas lui en vouloir étant donné qu'il n'avait pas toutes les cartes en main me concernant. « Selon toi, mieux vaudrait sans doute laisser venir je suppose. » Je tapote un peu la table de l'index avant d'abdiquer. « Tu as sans doute raison, je me creuse les méninges pour pas grand chose au final, on va dire que ça meuble mes nuits solitaires. » fis je en haussant une épaule. Je tique un peu lorsqu'il appuie sur le fait de savoir d'où lui viennent ses pouvoirs, je croise son regard. Il arrive parfois que je n'arrive pas a lire en lui et c'était le cas en cet instant. Je ne savais pas si il sous entendait quelque chose ou si il était tout simplement... Le problème étant que je sais pertinemment d'où me viennent mes pouvoirs et que je m'en passerais bien pour le coup. Je suis encore jeune... Qui sait comment cela allait évoluer hein ? C'était ça qui me terrifiait je crois. Par contre, je ricane a la suite. « Des héros ? Pourquoi faire ? Le bien ? Tu as vu comment on finit nos héros ? » en accentuant le trait a l'aide de mes index oscillant dans l'air. « On a déjà du mal a se sauver nous même alors sauver l'humanité non merci....Surtout qu'il n'y a pas plus ingrate que cette connasse. » Je ne me serais pas qualifiée d'égoiste, mais je ne risquerais certainement pas ma vie pour un inconnu au bataillon.

Je le regarde faire la fête a mon assiette avant de laisser échapper un sourire ironique. « Ouais... » Pour une timbrée je vous dis... Mais je fus tout de même maladroite dans mes paroles, j'avais oublié que mon cas et celui de Gar n'avait rien a voir. Moi, j'étais un outil pour mon père alors que ses parents a lui avait tout fait pour le sauver. Y a pas a dire, il avait gagné a la loterie stellaire. Je n'étais pas jalouse de ça, peut être un peu envieuse, même si j'avais vécue heureuse avec ma mère...Le temps que ça avait duré.

Et encore une fois, il met le doigt exactement là où ça faisait mal. « Tu as un don c'est pas possible. » marmonnais je avant de garder le silence. Un long moment. Assez long pour qu'il croit que je ne répondrais pas. En vérité, j'étais hésitante. Une partie de moi voulait le lui dire, l'autre me hurlait de ne pas le faire. Déchirée entre les deux, j'avais bien du mal a tenir mes résolutions... « Ma mère était humaine. Mon père non. » Je pince les lèvres subitement, presque surprise. Non. Carrément surprise en fait de ce que je viens de lâcher sans même m'en rendre compte. Pour un peu j'exploserais d'un rire dérisoire. Je pourrais toujours me rattraper en disant que c'était une blague mais Gar n'y croirait sans doute pas. Non, certainement pas. « Voilà ce qui me dérange. » Au final, j'avais, malgré moi, choisit l'entre deux. Je ne mentais pas. Je ne disais pas tout. Ca me résumait pas mal au final mais, curieusement, il y avait quelque chose d'apaisant a lâcher cet aveu. Tellement surprenant que je battis des paupières un instant, pas très sûre de ce que je ressentais en l'instant.

"Je t'en veux terriblement." Je prend un air faussement boudeur. Comme si je pouvais faire peur à qui que ce soit, franchement. Enfin, peut-être en prenant l'apparence d'un animal dangereux, mais sinon... Personne n'y croit, moi en premier. Je sens bien que le terrain sur lequel nous nous sommes engagés avec Rachel ne la met pas très à l'aise. Elle cache des choses. je ne sais pas ce que c'est, mais derrière sa retenue, il y a quelque chose. peut-être un évènement passé qu'elle craint de voir se reproduire. Elle utilise très peu ses pouvoirs finalement. Je suis sûr que je ne les connais pas tous d'ailleurs. Mais surtout, la grosse différence entre elle et moi, c'est qu'elle, elle se pose masse de questions. Sur elle, mais aussi sur les autres. Sur moi, genre. Des trucs auxquels j'ai jamais pensé d'ailleurs. "Ben, c'est surtout que je n'ai pas les réponses, que je ne suis pas scientifique, donc bon... Cela ne sert à rien en fait." Et comme je l'ai dit, il est hors de question que je serve de cobaye pour en savoir davantage sur mes capacités et je pense que c'est la même chose pour elle. Cela dit, quand elle parle d'occuper ses longues nuits solitaires, il y a bien une pensée qui me traverse l'esprit, mais je ne suis pas assez con ou lourd pour commenter ça.

Je hausse les épaules à sa réaction concernant le fait de devenir des héros. Je crois qu'on n'a pas le même point de vue. Même si j'ai conscience de ne pas en avoir forcément les capacités, je trouve quand même ça vachement plus cool que d'être contrebandier. Comme ce serait plus cool pour elle que d'être serveuse. Je sais que j'ai du mal à rester impassible quand il se passe un truc injuste devant moi. Je ne sais pas rester sourd à des appels à l'aide si une fille se fait agresser par exemple. Ou même un mec. J'ai quand même la chance d'avoir des pouvoirs, qui peuvent être plus utiles que pour échapper au blocus ou me faufiler dans une maison. J'ignore si Rachel a déjà passé son chemin en faisant mine de rien entendre... En tous cas, quand moi, j'ai été en danger, elle est intervenue. Comme quoi... "Je sais pas... T'as pas envie que les choses s'améliorent parfois ?" Je lui lance un regard acéré ensuite. "Tout le monde n'est pas ingrat." Et oui, je me compte comme faisant partie de l'humanité.

Je continue de manger avec appétit, malgré la discussion peu joyeuse. Je ne me demande pas pourquoi je suis devenu comme ça. Je le sais. Et je suis reconnaissant. Maintenant, je n'ai pas beaucoup de contraintes non plus finalement, c'est assez facile pour moi d'être différent, tant que je suis prudent. J'arrête de manger et l'observe après mes questions, constatant que j'ai fait mouche. Je me contente d'un petit sourire en coin à sa remarque. Et bien, même si je parle beaucoup, j'ai aussi un bon instinct. Mais le silence s'étire et j'en conclus qu'elle ne dira rien de plus. Dommage. Je suis un peu déçu, mais c'est comme ça... Sauf qu'elle finit par lâcher le morceau et je fronce les sourcils. Hein ? Comment ça son père était pas humain ? "T'es à moitié extra-terrestre ?" Genre, elle pourrait être de la même origine d'un Superman ? Ou un truc du genre ? Sauf qu'elle n'a pas spécialement une force ou une vitesse plus élevées donc bon... Là, je ne suis pas tout et surtout, elle me lâche ça comme ça, sans développer. Elle n'a pas très envie d'en parler. Et je ne sais pas si c'est le fait d'être une sorte d'hybride qui la gêne ou bien d'avoir hérité de son paternel dont elle n'a jamais parlé. "Et ce sont les pouvoirs que tu as hérité de ton père qui te font peur ?" Je soupire, n'ayant plus aussi faim. "C'est pas facile de suivre Rachel." Pas en étant si... énigmatique.

Je soupirai légèrement. « T'en fais pas, si un scientifique te met la main dessus, je viendrais te chercher. » répondis je avec un léger sourire moqueur. Au fond, il avait raison, seulement, je n'arrivais pas franchement a raisonner de la même façon. Je pensais trop loin, trop longtemps, j'avais encore a l'esprit ce que m'avait coûté ma seule erreur. Ma pire erreur. Les cauchemars m'avaient hantés pendant des années lors de mon arrivée sur terre. Au fil du temps, ils s'étaient espacés mais n'avaient jamais réellement disparus, cela dit, Gar ne pouvait pas le savoir, il y avait longtemps que je ne hurlais plus en me réveillant subitement... J'avais appris a étouffer tout ça quand mes parents adoptifs avaient fini par m'envoyer voir un psy. La cause la plus probable ? Sans doute des réminiscences de mes souvenirs oubliés qui revenaient au travers de mon amnésie via mon sommeil. Ca avait été pratique. L'amnésie aussi aurait été pratique...Mais non, je me souvenais de tout. Tout ce qu'Il avait fait a travers moi. Chaque cri. Chaque regard d'incompréhension. Même SON sourire sur MON visage. Je réprimai un frisson.

Je n'aimais pas repenser a tout ça, mais je n'oubliais pas pour autant. Je ne le pourrais sans doute jamais. Comme je n'oublierais sans doute jamais que c'était ma faute, a moi et a ma curiosité à la con. Je m'ébrouai mentalement pour me faire un peu plus incisive sur la question de l'héroïsme. Je crois que Gar est plus idéaliste que moi sur le sujet, il est foncièrement bon, cela ne m'étonnerait pas de le voir voler au secours de la veuve et de l'orphelin, même si la dite veuve est plus noire que blanche et le gamin plus démoniaque qu'angélique. Je pourrais critiquer ce choix ou même m'en moquer mais cela ne m'est jamais vraiment venu a l'esprit. Il était comme ça. C'était de la naïveté peut être, je n'étais pas sûre, ou un moyen pour lui de se sentir utile, aucune idée. « Si bien sûr, mais je suis réaliste aussi. La main que tu as tendue peut être mordue jusqu'à l'os, tu vas me traiter de cynique sans doute mais j'ai très peu foi dans la nature humaine. Peut être que j'en ai trop vu, je sais pas trop. » Ou peut être que je savais exactement ce qui pouvait se cacher dans la nature de l'homme. « Toi tu es l'exception qui confirme la règle. » rétorquais je lorsqu'il soulignait habilement que tout le monde n'était pas ingrat et il ne savait même pas a quel point il était une exception dans mon cas. Non, ingrat, il ne l'avait pas été, même si je me demandais pourquoi je l'avais sauvé, au risque de me dévoiler....Je n'avais toujours pas de réponse a cette question, je savais juste que lui, je ne pouvais pas le laisser mourir devant moi. Pourtant, à l'époque, nous ne nous connaissions pas tant que cela... « C'est ce que tu voudrais être toi ? Un héro ? Avec la combi moulante ? » Si mes deux premiers questions étaient sérieuses, un éclat amusé traversa mon regard a la troisième.

Et je me fends d'un aveu sans même m'en rendre compte, me fermant presque aussitôt. Je sais qu'il est surpris et j'ai conscience qu'en lui répondant j'ouvre la porte a ce que j'avais cherché a évité jusqu'ici avec lui. Je sursaute presque lorsqu'il me répond. Extra-terrestre ? Oh putain si seulement... « On peut dire ça ouais. » Même si extra-dimensionnel serait plus juste. L'enfer était un miroir, une dimension qui s'accrochait aux mondes, comme un reflet caché, une sœur jumelle cruelle. « Tu sais quoi de mes pouvoirs Gar ? » Ce n'était pas une rebuffade, juste une question. Il savait que je pouvais me téléporter, il savait pour ma télékinésie...Mais je n'étais pas sûre de lui avoir parler de mes voyages astraux, ni même de ma capacité a influencer les émotions... Je soupirai. « Je suis encore jeune, je ne sais pas comment ça va évoluer » repris je « Mon géniteur n'est pas du genre paternel vois tu. » continuais je avec une certaine ironie. J'avais peur de mes pouvoirs parfois oui, mais ce n'était pas le point principal. Non j'avais peur de ce qui nageait dans mon sang, c'était différent, mais je m'engouffrais dans la brèche qu'il m'ouvrait, répondre sans répondre. J'étais douée pour ça, quoiqu'un peu moins avec lui. Mais je n'étais pas prête a parler du reste et je ne le serais peut être jamais en vérité. Il pouvait faire avec mon hybridation... Mais pourrait il faire avec l'Infernal ? C'était une autre paire de manche...M'imaginer en demie superman était sans doute toujours mieux que de m'imaginer en Damien démoniaque... En priant pour que jamais ne devienne ce dernier...Dans le genre Anthéchrist, je me posais un peu là.

J'ai un petit sourire un peu crispé à sa boutade. Parce que même si c'est pour plaisanter, l'idée même qu'on fasse des expériences sur moi me donne la chair de poule. J'ai probablement trop lu de trucs à ce sujet et me fais des films mais je n'ai pas très envie de vérifier si la réalité est comme la fiction. je ne sais même pas si il y a encore des scientifiques en fait. Si, probablement. Ce serait étonnant qu'on ne cherche pas à créer des super vilains ou les rendre plus performants. "Merci bien." Et qui dit vilains dit héros... Même si Rachel semble prendre cela par dessus la jambe. Clairement, elle n'est pas dans cette optique. Quant à moi... Y'a toujours mon âme de gamin qui s'est émerveillé de voir des héros émerger et vaincre le crime, qui aurait adoré pouvoir participer à cette lutte contre le mal. Sauf que je ne suis pas certain d'avoir l'étoffe d'un héros. Cela demande pas mal de sacrifices. Et pour avoir déjà beaucoup perdu et avoir été blessé, je ne sais pas si j'aurais le courage de me confronter à ça tout le temps. Rachel ne pense pas ainsi, ne se voyant pas venir en aide à des inconnus, alors qu'elle craint le retour de bâton. Ouais, quelque part, elle est aigrie, quand je suis encore idéaliste. "Je trouve ça un peu triste en fait. De ne croire en rien. Et en personne." Je ne la juge pas, je lui fais juste part de mon sentiment à ce sujet. Et elle semble déceler la propre faille dans son raisonnement, alors qu'elle m'est venue en aide, à moi. Alors même que nous n'étions pas forcément potes encore. Et pourtant sans elle, je serais sûrement mort. "Je sais, je suis exceptionnel." Je le dis sur le ton de la plaisanterie, non sans lui adresser un sourire étincelant et un brin arrogant. Et je ne me démonte pas davantage quand elle continue. "Pourquoi pas ? Tu penses que cela ne m'irait pas ?" Puis je ris, ajoutant alors : "A moins de trouver une combinaison qui se transforme avec moi, de toutes façons, ça ne me sert pas à grand chose." Ce n'est pas très pratique d'ailleurs.

Je suis surpris quand Rachel m'en apprend un peu plus sur ses origines. Mère humaine mais père... indéterminé. Enfin, elle le sait probablement, mais ne me le dit pas vraiment. J'y vais de mon hypothèse, tout en comprenant que ce n'est pas ça. Je pose alors ma joue sur ma main en la regardant. "Parfois, j'aimerais bien être télépathe. Ou pouvoir me transformer en animal qui l'est. Parce que j'en découvrirais des trucs qui tournent dans ta jolie tête." Même si je peux déceler quelques changements chez elle sous certaines formes, je n'en ai jamais usé ou abusé. Et je montre de la surprise à sa question, un peu confus. "Euh... Pas grand chose. Déjà la téléportation et la télékinésie c'est plutôt badass. Même si tu t'en sers pas beaucoup. Tu sais faire d'autres choses ?" Très probablement au vu de sa question. "Tu sais, je crois que c'est le cas de plusieurs personnes qui ont ce genre de dons... Ce serait pas un mal de tester un peu tes limites, tranquillement. J'ai zéro pouvoir psychique, mais je sais déjà pas moi-même tout ce que je peux faire. Donc j'imagine que c'est encore pire pour toi." Je fronce les sourcils à la mention de son géniteur. "Si je peux t'aider, tu sais que je le ferais Rachel." Instinctivement, ma main est venue se poser sur la sienne, comme pour appuyer mes paroles et montrer que je suis sincère.

Je remarque assez vite la légère crispation de son sourire et je me demande si il y croit ou pas. Je sais déjà que je pourrais le retrouver n'importe où, je l'avais déjà fait, ce dont je n'étais pas sûre, c'était de mes réactions si cela venait a arriver. Même si il y avait, objectivement, peu de chance que cela arrive. Star City n'était pas la demeure préférée des scientifiques du coin. Je ne rajoute rien de plus, peut être ne m'en croit il pas capable, peut être qu'il croit que je m'en fiche, ce n'était pas très grave en soi, moi je savais très bien ce que je ferais.

Sa vision des choses est diamétralement opposée a la mienne, c'est marrant, pour autant, je crois qu'aucun de nous ne cherchait a convaincre l'autre qu'il avait raison. J'acceptais cette partie de Gar, il acceptait la mienne. Il ne cherchait pas spécialement a savoir comment j'avais pu en arriver a penser ça, il acceptait, c'était tout. Mais il était le genre de type a respecter mon intimité, il ne dépassait jamais les limites, sauf si je l'y autorisais. Je réfléchis quelques secondes a ce qu'il me répondit. Ne croyais je vraiment en rien ? Peut être, mais pas totalement. Je ne sais pas, c'était difficile a décrire ou a dire. Mais une chose était sûre, je ne me voyais pas comme une héroïne. Ca aurait été...Con d'une certaine façon, j'étais déjà responsable de la destruction d'un monde entier... « Tu es un optimiste, c'est tout, tant mieux ça contrebalance mon pessimiste. » finis je par répondre avec un demi sourire, demi sourire qui s'élargit alors qu'il rebondissait sur mon compliment...Enfin en était ce un ? D'une certaine manière, après tout, il était réellement exceptionnel pour moi. « Et sinon, tes chevilles ? Ta tête ? Faut que je dégonfle quelque chose ? » J'adorais son sourire. Vraiment. Un peu moins les papillons qu'il éveillait en moi. « La combi moulante ou le fait de vouloir devenir un héro ? » je repoussai mes cheveux derrière une oreille. « Vouloir devenir un héro...ça te ressemble. » J'enviais un peu son optimisme. Malgré ce qu'il avait vécu, il se disait encore que le monde n'était pas pourri. Moi j'avais un peu plus de mal. J'avais peut être besoin qu'il me le rappelle de temps en temps. « la combi, j'ai un doute...Ah...oui effectivement.... » Un super héro tout nu après son sauvetage...Ahhum...Je détournai sagement les yeux pour qu'il ne voit pas l'étincelle mauvaise qui, je le sentais, c'était allumée dans mes iris.

Iris qui avaient repris leur sérénité a la suite...Quoique, pas tant que ça. Et je ne sais même pas si j'ai eu le temps de lui cacher la lueur de tristesse et de panique mêlée qui a traversé mon regard a l'idée qu'il puisse, un jour, être télépathe. Je me repris rapidement, il fallait que j'arrête de paniquer pour rien avec lui. « Tu serais un expert en sac de marque. » répondis je avec un large sourire, non tu saurais que je suis une meurtrière, que dans mon sang nage le plus impur des êtres et que ce que je ressens pour toi est bien plus fort ce que tu imagine mais aucun animal n'était télépathe. Je hochai légèrement la tête lorsqu'il lista mes pouvoirs...Enfin ceux qu'ils connaissaient... « Je peux aussi influencer les émotions des autres.... Et voyager sous forme astrale...» En soi, rien de démoniaque... Enfin pour le moment. Je connaissais les limites de mes pouvoirs, je ne les utilisais pas beaucoup parce qu'ils me fatiguaient énormément et lorsque j'étais épuisée, le contrôle de mes propres émotions m'échappait...là était réellement le danger et j'en étais parfaitement consciente. Mais comment le lui dire ? Comment lui faire comprendre ? Sans tout lui dire ? Ah...Un vrai casse tête. Je baissai les yeux sur sa main recouvrant la mienne. Il me touchait rarement, comme si il sentait instinctivement la barrière je dressais entre nous, pourtant, j'aimais qu'il le fasse, je me l'interdisais juste le plus souvent...Mais pas aujourd'hui. Je me vis retourner ma main, laisser sa paume reposer contre la mienne, penchant légèrement la tête sur le côté, j'observais un instant nos mains ainsi avant de relever les yeux sur son visage. « Je sais. » Je laissai filer un silence avant d'ajouter : « Un jour, peut être j'aurais le courage de vraiment tout te dire, mais pas maintenant... » Et je n'étais même pas sûre d'en avoir un jour le courage.

J'aurais probablement pu mal prendre sa remarque. Sur mon optimisme. La frontière est mince entre cette notion et la naïveté. Et je le suis probablement encore, malgré les crasses qu'on a pu me faire par le passé. Je refuse de ne plus croire en rien. il y a encore des gens de bonne volonté dans ce monde véreux. Même si ils l'ignorent eux-même. Comme Rachel. Elle a beau se la jouer solo et vouloir sauver sa pomme, elle a risqué sa tranquillité pour moi, sans aucune explication. Je ne la pense pas égoïste ni mauvaise. Juste... je ne sais pas ce qu'elle a vécu qui lui a fait ainsi perdre foi en les autres, mais des choses la touchent, j'en suis certain. Quoiqu'il en soit, sa remarque est plutôt bienveillante au final. Elle me prend peut-être pour un utopiste ou un idéaliste, mais elle ne me le fait jamais vraiment ressentir. "Je suis sûr que je pourrais te contaminer un peu avec mon optimisme. Et que ce ne serait pas un mal que tu m'injectes un peu de prudence." Je préfère ce terme à pessimisme quand même. Je plaisante ensuite sur le fait que je suis exceptionnel. Si elle rate les perches que je peux lui tendre, me confortant dans l'idée que je ne l'intéresse pas le moins du monde, moi, en revanche, je n'en loupe aucune.

"Je crois que ça ira." Je fais mine de m'observer pour être sûr que rien n'a gonflé. Et j'ai l'image de ce poisson avec des piques qui se gonfle brutalement en cas de danger. Ridicule. Faudrait que j'essaie un jour. Mais au milieu de la cuisine, c'est pas terrible. Surtout que l'image est un peu approximative dans mon esprit. Et à la suite, je prend un air faussement outré. "Donc, tu ne valides pas la combinaison, quelle tristesse." Même si, quelque part, ça me fait plaisir qu'elle ne pouffe pas de rire en m'imaginant en défenseur de la veuve et de l'orphelin. Parce que franchement, il y aurait de quoi. "Malheureusement, il y a un fossé entre vouloir et en avoir l'étoffe." Mon sourire s'est quelque peu fané à ce constat, mais c'est comme ça. Cela passe tout aussi vite alors que je fais remarquer que de toutes façons... mes vêtements ne suivent pas mes transformations, donc bon... Et je la vois commenter un peu platement en détournant le regard. Pour quoi ? Pas comme si elle m'avait jamais vu à poil, même si je faisais bien plus attention désormais, parce que bon, c'est pas forcément un spectacle auquel elle a envie d'assister. Autant pour mon ego d'ailleurs.

Mais je cesse de faire le pitre quand je capte son mal être. Et son hésitation à en parler. J'ai un instant d'incompréhension à sa remarque sur les sacs de marque, avant de comprendre. "Ah bon ? Je ne savais pas que tu adorais ça." Est-ce seulement vrai ? Et si ça l'est.. Je pourrais bien réussir à m'en procurer un pour lui faire plaisir non ? Je note ça dans un coin de ma tête, avant de lister, un peu perdu, les pouvoirs que je connais. Je la regarde, les yeux grands comme des soucoupes quand elle ajoute à la liste l'influence des émotions et le voyage astral. "Wow, attends... tu peux influencer les émotions ?" Et il y a une question sous jacente là dedans, que je ne pose pourtant pas, pour ne pas l'offenser et aussi parce que je lui fais confiance. "C'est comment ? Le voyage astral ? Ton corps reste là et ton esprit voyage ? Tu peux utiliser tes pouvoirs quand même ?" Ouais, ces révélations suscitent une vague de questions de ma part. Mon excitation a fait un bond, avant que je ne me calme un peu, captant son état d'esprit. Ma main se saisit de la sienne, pour l'assurer de mon soutien, quoiqu'il arrive. Et à ma grande surprise, elle retourne la sienne, acceptant ce contact anodin. Je lui adresse un léger sourire alors qu'elle regrette de ne pas pouvoir m'en dire davantage. "Pas de soucis. Au moins, maintenant, je sais pourquoi tu es si réservée... Et je m'en fiche un peu de qui sont tes parents. Sauf si cela t'angoisse. C'est toi qui m'intéresse." Hum, c'est un peu tendancieux ça, mais tant pis. Je tire sa main vers moi et me lève légèrement de ma chaise pour simplement baiser sa main, avant de la relâcher. Et je débarrasse la table, fuyant un peu le regard qu'elle pourrait avoir après ça et reprenant une activité routinière après ce moment assez riche en émotions.

Oui, il pourrait me contaminer. En fait, il le faisait déjà, juste qu'il ne le voyait pas vraiment et comme je n'étais pas du genre expansif, je n'en parlais pas. La courbe de mon sourire s'adoucit légèrement. Il allait toujours comme ça avec lui, il savait percer mes défenses sans trop d'effort et je savais que ce n'était pas quelque chose dont je devais me réjouir. Mais en même temps, me passer de sa présence...N'était pas quelque chose dont j'avais envie. A tord ? A raison ? Certainement a tord.

Je haussai un sourcil faussement sceptique alors qu'il refusait ma proposition de dégonfler son égo. Ego inexistant d'ailleurs, Gar n'était pas quelqu'un d'arrogant. Un homme arrogant ne s'imaginait pas en défenseur du genre humain. C'était un idéal auquel je ne croyais pas. Mes pouvoirs venaient d'un plan où l'existence humaine n'était qu'un insecte que l'on pouvait écraser, un moyen de satisfaire un appétit démentiel pour le carnage et moi même, je ne savais pas a quel point j'y étais soumise. Jusqu'a présent, on ne pouvait pas dire que j'étais démoniaque, non, j'étais pétrie de défauts mais tous étaient humains. Je connaissais les pièges de ma colère aussi la tenais je en rênes avec fermeté mais ça... Je pouffais légèrement a son air faussement vexé, alors non désolée, mais la combi moulante... Quoiqu'après réflexion, j'étais sûre qu'il la porterait très bien, trop bien même. « Fais le juste a ton niveau...c'est déjà être héroïque tu sais. » Qu'est ce qui définissait un héros en fait ? C'était une bonne question. Si je poussais la réflexion, je dirais qu'il n'y avait pas besoin de pouvoir pour en être un.

Je tiquai un peu au mot télépathie et biaisai légèrement. Tu parle que je rêvais d'un sac de luxe tiens ! C'était un coup a me faire braquer dans la rue ça. « Je te rappelle que je suis une fille, c'est dans le CV de base d'aimer les sacs tu sais. » Oui, ou pas. Plutôt ou pas dans mon cas. Je ne sais pas pourquoi ce soir spécialement, je m'ouvrais un peu plus. Peut être parce qu'on vivait ensemble depuis longtemps, que ce n'était pas juste qu'il me laisse voir ce qui il était lorsque moi je ne faisais que me cacher. « Mhmh. » Je jouai un instant avec une miette abandonnée sur la table avant de reprendre en captant son regard. « Et non je ne l'ai jamais utilisé sur toi si c'est ce que tu pense. » Il n'y avait pas de vexation dans mes mots mais un simple constat. Je ne lui ferais pas ça, c'était...comment dire... franchir une barrière et je me l'interdisais avec lui. Utiliser ce don avec des inconnus pour me sortir de situation périlleuse, oui, l'utiliser sur lui, non. Sa curiosité m'aurait fait sourire dans d'autres circonstances. « Mon corps est une coquille vide dans ce cas là oui et non, aucuns pouvoirs. C'est un état plutôt dangereux, je ne le fais que rarement. » Pour me rassurer principalement mais ça restait dangereux, pour moi. J'étais alors un vaisseau pour n'importe quelle entité, autant l'éviter. En parler me gêne un peu, principalement parce que je ne lui dis pas véritablement ce qui me hante, mais Gar reste Gar. A aucun moment il ne pousse son avantage, bien au contraire. J'ai besoin de son soutien, même si je ne le lui ai jamais réellement dit. Je lui suis reconnaissante. Mon regard croise le sien lorsqu'il m'assure que c'est moi qui l'intéresse. Pour le coup, je ne sais pas vraiment comment le prendre, entre ce que j'aimerais croire et ce qu'il en est, il y a souvent un gouffre. « Merci Gar. » Parce que c'était important, même si ça n'avait l'air de rien. Je me sens un peu tirée en avant et mes yeux s'écarquillent légèrement. Je ne m'étais pas attendue a ça de sa part...Je crois... Il se lève tellement vite qu'au moins, il ne m'a pas vu rougir, du moins, autant que je le pouvais, c'est a dire...Le bout des oreilles ? Mes doigts me picotent. « Je vais me coucher, penses a faire la vaisselle, je te sens bien partit. » jetais je d'un ton que j'espérais léger... Est ce que je fuyais ? Oui, c'était une fuite et cette nuit là, je ne dormis pas vraiment...