[Flashback] “L'enquête qui n'est pas discrète est dangereuse.”

Il n'y avait rien de nouveau sous le soleil, ou plutôt il n'y avait rien de bien nouveau ce soir-là au cœur du luxueux cabaret. Helena ne doutait pas qu'elle aurait pu être bien plus efficace dehors à cette heure-ci, mais sa place au Black Cat était une chance exceptionnelle pour elle. Elle avait été engagée au cabaret pour pouvoir devenir barmaid, bien qu'on lui avait proposé de danser sur scène, elle avait bien compris que sa plastique avait joué en sa faveur et Helena savait parfaitement en jouer, cela n'avait jamais été un problème pour elle. Mais tout ce qu'elle faisait, elle le faisait pour pouvoir atteindre Falcone, et ensuite elle s'occuperait de Maroni. Cependant, pour le premier, la peine était double, puisqu'il devait assumer aux yeux de la femme, le massacre de ses parents ainsi que le meurtre de son compagnon. Infiltrée donc dans le luxueux cocon de Falcone, elle jouait le rôle de la parfaite barmaid, ne se faisant pas remarquer, ou plutôt jugulant les moments où elle devait se faire remarquer du grand patron, entre informations intéressantes et silences observateurs. Et pour le moment, elle ne pouvait pas dire qu'il y avait beaucoup de mouvements intéressants et elle se contentait de servir les clients qui se présentaient, laissant pour autant son oreille traîner au cas où il y aurait quelque chose à ne pas manquer.

Alors qu'une des serveuses était venue se plaindre d'une des tables dont elle s'occupait, pillant comme une poule dans une basse cour, et commençant à recevoir les regards désapprobateurs de quelques clients autour d'elles, Helena n'avait pas manqué de lui dire qu'elle pouvait prendre sa pause et qu'elle allait se charger à sa place de ces tables, le temps qu'elle reprenne un peu ses esprits et qu'elle soit à nouveau en mesure de faire son travail aussi convenablement que possibles. Les mains baladeuses faisant malheureusement partis du contrat. Et personne ne semblait être dans la capacité de pouvoir changer cela.  Cela faisait parti de leur quotidien et ce n'était clairement pas une réussite. Si elle était toujours convaincue que c'était ce qu'elle devait faire, qu'elle devait aller au bout de sa vengeance, il n'en restait pas moins que certains soirs étaient plus difficiles que d'autres, et qu'elle regrettait sincèrement le temps où elle pouvait passer ses soirées dans sa demeure en Sicile, installée là sur son balcon, un verre de vin à la main, satisfaisante du dernier contrat qu'elle avait exécuté, plutôt que de faire la greluche ici au Black Cat dans un des coins sombres de Star City.

Helena s'était donc remise à s'occuper de certaines tables, se rapprochant notamment du fond de la salle, non loin de la porte d'entrée. Elle avait redressé la tête quand elle avait entendu qu'à l'extérieur, il y avait eu un peu de grabuge. Elle était restée quelques instants pour pouvoir savoir ce qu'il s'était passé avant d'entendre la voix du videur passer au-dessus de celle des autres. Elle ne voulait nullement être surprise à entendre certaines conversations qui ne la concernaient pas, en tout cas ce soir, elle avait clairement d'autres chats à fouetter comme disait l'expression et après un dernier coup d’œil vers l'entrée, elle avait fait demi-tour pour pouvoir rejoindre le bar, se mettant ainsi derrière le comptoir pour pouvoir éviter à son tour que son fessier ne fasse l'objet de palpations quelconques, ou pire encore, qu'on vienne à la pousser sur les genoux d'un homme pour que celui-ci la pelote allègrement. Elle était donc en train de préparer les boissons qu'elle allait devoir servir aux nombreux clients quand elle entendit un mot qui semblait être venu d'une autre époque. Elle se redressa lentement pour pouvoir se tourner vers la personne qui lui avait parlé, et elle lui sortit un merveilleux sourire avant de s'approcher. L'homme était plus que costaud, ses muscles étaient voyants et elle se doutait qu'il avait du connaître quelques combats dans son existence, pourtant son voyage était doux. « Excusez-moi ? Mais plus personne ne s'excuse aujourd'hui … Tout le monde réclame et nous devons le faire. » Elle se mit à rire légèrement, se posant juste face à lui. « Que puis-je faire pour vous monsieur ? » Elle lui fit un clin d'oeil.

Les journées étaient toujours les mêmes au Black Cat, les mêmes chansons, les mêmes shows, les mêmes danses et surtout la même clientèle. On ne pouvait pas dire qu'Helena était un ange, elle en était même tout le contraire si on regardait bien, à moins qu'elle puisse s'identifier à l'ange de la mort. Dans tous les cas, il n'y avait rien de vraiment nouveau dans les lieux, dans la ville, dans la vie. Ils étaient enfermés ici, prisonniers par la volonté des hommes et la peur trop grande des autres pour intervenir. Qu'est-ce qui venait ainsi à les effrayer à ce point pour que l'armée ne vienne pas à intervenir directement ? Par le passé, ils espéraient l'intervention des héros, leur présence, leur force et aussi leurs pouvoirs, pour pouvoir canaliser les démons qui pouvaient venir à agir dans les rues et à les neutraliser, plus ou moins longtemps suivant les bestioles qu'ils devaient affronter. Il y avait des récalcitrants, certains plus têtus que les autres, et bien sûr plus cruels que d'autres. Mais avec leur disparition collective, la situation s'était aggravée rapidement et le blocus avait semblé mettre un terme direct à toute rébellion. Pour le coup, cela n'empêchait pas Helena de dormir la nuit. Elle n'était pas une enfant de cœur, elle avait perdu toute innocence depuis bien longtemps maintenant, et même si elle pouvait évoluer parmi les plus grands de ce monde avec une aisance folle, et ce délicieux secret de conversation et de sophistication, elle n'oubliait pas d'où elle venait. Elle n'oubliait pas ce qu'elle avait vu alors enfant, elle ne pouvait oublier le visage de sa mère figée de terreur alors qu'elle baignait dans son propre sang, sans aucun souffle de vie parcourant son corps. Helena avait alors eu ses rêves brisés, ses espoirs envolés et si on l'avait laissé un temps tranquille une fois qu'elle était arrivée en Sicile, on lui avait rapidement fait comprendre qu'elle ne pourrait pas être une petite fille comme les autres, qu'elle ne pourrait pas être une simple bouche à nourrir et qu'elle pourrait vaquer à ses occupations sans participer à l'entreprise familiale.

Helena s'était laissée enfermer dans ce blocus pour pouvoir parvenir à son ultime vengeance contre les meurtriers de ses parents, mais elle ne pouvait pas dire que cela se passait réellement bien. Si elle voulait frapper, il fallait qu'elle le fasse rapidement pour Falcone comme pour Maroni, si l'un commençait à se méfier, et qu'elle manquait son coup, l'autre ne manquerait pas de renforcer sa sécurité et il ne serait que plus difficile encore de l'atteindre. Elle attendait le bon moment, la bonne opportunité pour pouvoir y arriver. Mais elle savait aussi que tant qu'il y aurait le blocus, elle n'aurait pas les moyens de disparaître facilement ni même discrètement et c'était pour elle essentiel. Ce n'était pas pour autant qu'elle ne continuait pas à exécuter quelques menus contrats, il y avait tant de personnes malhonnêtes et dangereuses à éliminer, et elle était encore plus heureuse de le faire quand ils s'agissaient des hommes des deux familles mafieuses. Oh oui, elle en voyait du monde venir ici, mais les hommes élégants dans leur façon d'être et dans leur façon de parler, de s'exprimer, était une chose devenue rare aujourd'hui. L'homme qui se trouvait devant elle ne pouvait que piquer un peu plus sa curiosité, elle avait envie d'en savoir plus sur lui et comment il s'était retrouvé ici dans ce gourbi, même si c'était sans doute celui le plus côté de Star City. Elle hocha la tête en le fixant, approchant un peu son visage du sien pour pouvoir observer ses traits. « Oh non, il est clair que vous n'êtes pas tout le monde … La politesse ne risque pas de vous tuer … Quoi que … Le monde a bien changé, ce qui était bien peut parfois devenir mal et on peut alors penser que si vous êtes trop aimable, vous êtes potentiellement faible … Bien que je ne le crois pas du tout, que vous soyez faible ... » Elle se mit à rire à nouveau. « Moi je choisirais quelque chose de puissant, quelque chose qui me ferait oublier que je suis ici ! Si vous me faites confiance, j'ai ce qu'il vous faut. Dites moi ce que vous désirez ! » Elle lui montra les bouteilles qui s'étalaient dans son dos sur les étagères derrière elle puis elle glissa à nouveau son regard vers lui apercevant alors son tatouage. « Intéressant votre tatouage, qu'est-ce que ça représente ? »

HRP: