Quand on cherche...|Jason

On devait plier bagage pour changer de planque encore une fois. Ces bureaux abandonnés avaient servi de refuge un temps, mais depuis que Bane avait lancé l’alerte, on devait redoubler de prudence. A cause de nos derniers déboires, il avait fallu retarder un peu le transfert. J’avais assuré à Dick que je me chargerais de récupérer nos affaires et de faire le ménage derrière nous. Il avait déjà largement de quoi s’occuper pour ne pas en plus lui rajouter ça. Ca allait, même avec mes blessures. Je ne pouvais peut-être pas reprendre mes activités nocturnes dans mon état, mais je pouvais au moins déplacer quelques valises. Ca restait nettement plus simple que de se déplacer de toit en toit au bout d’un grappin.

J’espérais ne rien avoir laissé au hasard. Ce serait bête d’avoir oublié le peu de matériel qu’on avait, ou pire, laissé un piège ou deux. Normalement, nos traces étaient suffisamment couvertes. Ca m’avait quand même pris la matinée pour tout régler. J’étais déjà usé. Ma blessure à l’épaule me lançait par moment. Il faudrait encore tout transporter, et discrètement.

Sauf que pour la discrétion, on repasserait. « Wow ! » Pourquoi une fille s’était subitement vautrée dans mes affaires ?! Je reculai de quelques pas rapides, ma main libre déjà à mon arme. « Mais d’où tu sors toi ?! »

C’était du délire là ! Et… Et elle venait de disparaître juste sous mes yeux ! Je pointai de mon arme l’endroit où elle était juste auparavant. C’était quoi, ça ? Un camouflage optique ? Je mis un coup de pied l’air de rien, pour me rendre compte que je fouettai uniquement l’air de ma jambe. Ok… Autant pour moi.

Je relevai la tête pour la voir, plantée là, quelques mètres plus loin. J’avais cet air d’ahuri, avec des yeux ronds comme des soucoupes, à l’entendre prononcer mon nom si naturellement. « Putain mais t’es qui ?! » Je n’avais ja-mais vu cette nana de ma vie ! Vraiment, je m’en souviendrais si c’était arrivé. Je levai mon flingue dans sa direction, le cœur battant. Ca devenait de plus en plus bizarre… Un peu trop pour moi. « Qui t’envoie ? » Elle allait encore me faire le coup de la fille qui disparaît ou… ?

« Rachel ? » Je fronçai les sourcils, un peu dubitatif, sans encore baisser mon arme. « Ca devrait me parler, peut-être ? Et d’où tu connais mon nom toi ? » Je ne connaissais pas de Rachel. Et surtout une fille aussi bizarre, je m’en serais souvenu non ? Soit elle se déplaçait aussi vite que Flash, soit elle se téléportait littéralement d’un endroit à un autre. Une expérience des boss pour reproduire les pouvoirs des disparus ? Va savoir. Dans un cas comme dans l’autre, elle était spéciale. Les gens comme elle, soit ils se terraient quelque part pour être tranquille, soit ils avaient déjà choisi leur camp. Et, de toute évidence, si c’était le mien qu’elle avait choisi, je devais forcément le savoir. Pourquoi elle sortirait de l’ombre maintenant ? La seule explication logique était qu’on l’avait engagée pour se débarrasser de Robin. Sauf qu’elle m’appelait… Jason. En soi, je m’attirais assez de merde dans mes deux vies confondues pour mériter des chasseurs de prime aux trousses. Mais elle était jeune et inexpérimentée. J’hésitais encore dans quelle catégorie la ranger. Je ne pouvais pas lui tirer dessus sans en avoir plus.

Je n’étais pas plus rassuré à la voir main levée face à moi. Qu’est-ce qu’il empêchait de se ruer sur moi en un éclair pour me désarmer et me régler mon compte ? Si elle ne l’avait pas encore fait, c’était qu’elle était là pour discuter. Je soufflai ce qui s’apparentait à un rire quand elle me précisa qu’elle était venue de son plein gré. « Très drôle. » Je n’en croyais pas un mot. « Donne-moi juste une bonne raison de ne pas tirer. » Je jetai quelques regards furtifs vers la porte et les fenêtres, juste au cas où elle ne soit pas juste un leurre. Elle venait de débarquer dans mon ancienne planque comme par magie ! Elle avait forcément des informations sur Dick et sur moi, merde.

Elle tenta de me rassurer sur ses intentions. Mon regard revint se braquer sur elle. « L’enfer est pavé de bonnes intentions, comme on dit. » Je baissai un peu mon arme, visant plutôt ses jambes que sa tête. Je n’avais pas l’intention de la tuer. Je devais en apprendre davantage… Et puis je n’avais pas vraiment envie que quelqu’un qui contrôle mal ses pouvoirs pète un plomb devant moi. J’avais déjà vu assez d’éléments incontrôlables en à peine quelques années pour ne pas les provoquer. « Tu fais quoi ? Tu… te téléportes ? T’as d’autres surprises en réserve comme ça ? » Oh allez, elle me faisait le coup de la victime maintenant ! « Je te signale que c’est toi qui m’as sauté dessus en premier. Tu t’attendais à quoi ? Enfin, on s’en fout. Pourquoi tu me cherchais ? »

Sérieusement, c’était moi le plus menaçant des deux ? Je n’avais pas de supers pouvoirs que je pouvais déclencher en un claquement de doigt, moi ! Bon, d’accord… Je pouvais appuyer sur la gâchette d’un simple mouvement du doigt, c’était du pareil au même. Je n’avais quand même pas l’impression de lever mon arme sur une femme sans défense, loin de là. Ca sentait l’entourloupe à plein nez. Sauf que… Elle voulait discuter. Alors pourquoi pas ? Je voulais bien lui laisser une chance de m’en dire davantage avant d’ouvrir le feu.

J’aurais pu me douter qu’elle ne m’en dirait pas davantage sur ses capacités propres. Pourquoi griller toutes ses cartes ? Elle devait les garder en réserve pour me prendre par surprise et m’achever, dès qu’elle aurait eu ce qu’elle attendait de moi. Et c’était quoi au juste ? De savoir si Batman était en vie ? Comme si je le savais ! La position de Dick ? C’était un peu plus compromettant comme information. Où je me procurais mes armes ? Là, c’était tentant de lui dire pour voir si elle aurait les couilles de dévaliser les stocks du Joker avec son petit pouvoir de téléportation. J’attendais de voir ça. « Comment ça, je n’étais pas prévu au programme ? Tu t’es téléportée littéralement à mes pieds, je te signale ! » Et elle connaissait mon nom, en prime. Elle s’attendait à pouvoir enquêter sereinement sur mon ancienne planque, sans avoir à s’opposer ouvertement à moi ? Peut-être. Je commençais à avoir tellement de suppositions en tête que je ne savais plus laquelle retenir. « Bon, accouche ! »

Ce n’était pas moi qu’elle cherchait ? Je l’observai, réellement surpris. « Garfield ? » Oh… Merde ! Je baissai mon arme pour de bon, m’avançant de quelques pas vers elle. « Tu es la Rachel de Gar ! Pourquoi tu ne l’as pas dit plus tôt ?! J’ai failli te tirer dessus putain ! » A quel point il m’en aurait voulu que je bute sa petite amie ? La question ne se posait même pas. Mais là, elle m’embrouillait avec son discours. « Attends… » Ca faisait trois jours que Gar avait disparu ? Putain, ça craignait. C’était impossible de se joindre dans l’enceinte du blocus, il pouvait être n’importe où… Et vu ses activités risquées, Gar avait très bien pu tomber sur plus gros poisson que lui. « Il t’a pas dit où il allait ? Oh… Je suppose que tu es venu ici en espérant le trouver avec moi. » Je me détendis d’un coup, maintenant que tout faisait sens. Cette fille était sacrément bizarre quand même ! Mais peu importe, il était question d’aider Gar surtout. « Je vais t’aider à le chercher, d’accord ? Si tu arrêtes tes tours de … Enfin, ça. » Je la désignai toute entière, d’un mouvement de mon flingue. « Tu as une idée d’où il a pu aller hormis ici ? »

« Tu vois pas où tu te téléportes ? C’est un coup à atterrir dans un mur, ça. » Ou de se matérialiser dans quelqu’un. Rien que d’y songer, ça donnait froid dans le dos ! Elle était malade ou quoi ? Ca ne servait à rien, un pouvoir pareil, sans vision. C’était sûr, elle devait me mentir. Elle avait forcément un moyen de détecter où elle tombait, sinon elle ne s’en servirait pas pour traverser d’une pièce à l’autre. Elle avait encore combien d’autres pouvoirs en réserve comme ça ?

Et elle me prenait pour un crétin, en plus. « T’as pas précisé Rachel de quoi ou de qui bordel ! » Je devrais être moins agressif avec elle, si c’était bien la copine de Gar. Même si je ne braquais plus ce flingue sur elle, ça ne m’empêchait de l’agiter avec véhémence. Elle m’avait seulement fichu une sacrée frousse. J’avais encore un peu de mal à me détendre. D’autant plus que Rachel m’en confiait trop peu sur ses intentions pour que je lui fasse réellement confiance. Sauf que si Gar était potentiellement en danger… Je pouvais remettre à plus tard mes questions. La confiance de Gar envers elle me suffisait pour faire cause commune dans l’immédiat.

Je fronçai les sourcils, en tentant de recoller les morceaux. « Comment tu connais cet endroit ? C’était ma cachette. Je t’y aie jamais invité jusqu’à preuve du contraire… Je m’en serais souvenu quand même, vu comment je l’avais cuisiné pour te voir. Il avait refusé en plus. » Je lui lançai un sourire vaguement amusé. « Il avait peut-être honte de toi ? T’es chelou en même temps. » Gar avait si peu d’amis ? En même temps, s’il se traînait des cas compliqués comme elle ou moi… Ca se comprenait qu’il limite un peu les phénomènes. « On est à Gotham. » Ca faisait déjà deux fois qu’elle se trompait. Je pouvais en conclure assez facilement qu’elle était à Starcity depuis un moment.

Je perdais un peu mon sourire enjoué quand Rachel me confia que Gar ne lui disait pas grand-chose sur ses fréquentations. Est-ce qu’elle savait à quelles activités il s’adonnait ? « Il doit le faire pour te protéger. » C’était sûr, le connaissant. Je poussai un profond soupir, en me grattant l’arrière du crâne de ma main libre. « Il peut être n’importe où. Si on doit passer Gotham au peigne fin… Il t’a vraiment donné aucun autre indice que le nom de la ville ? » Elle avait bien un autre élément à me donner : Le marché noir, évidemment. Je la regardai, un rien surpris, quand elle me proposa de partir seule à sa recherche parce que je devais continuer de faire profil bas. Comment elle savait… ? Sans doute parce que je l’avais accueilli avec un flingue en main en lui demandant qui l’engageait tiens ! Je poussai un profond soupir. « Non, pas question. Gar va me tuer si je te laisse y aller seule. Je vais te guider… En plus, ce n’est vraiment pas un endroit pour les gamines paumées dans ton genre. » Je ne lui laissais pas vraiment le choix, non.

Je rangeai mon flingue dans son holster, avant de récupérer un couteau et d’enfiler ma veste. Pour éviter que Dick me cherche encore, je glissai un mot dans les valises avant de les planquer à leur endroit habituel. « C’est plutôt la bonne heure pour s’y rendre. Tu viens ? »

Elle en disait un peu trop… Et Rachel venait de s’en rendre compte. Dommage, je n’en tirerais sans doute pas plus d’informations pour le moment. Il serait sans doute temps de la cuisiner plus tard, surtout si elle avait besoin de moi pour retrouver Gar. Ca risquait de nous prendre du temps. Gar n’était pas la personne la plus facile à trouver. Bien souvent, c’était lui qui arrivait à suivre ma trace, sans que je comprenne comment il s’y prenait. J’étais particulièrement discret moi aussi. L’odeur, peut-être ? Après tout, Gar m’avait révélé qu’il assimilait également les facultés animales des formes qu’il prenait. S’il avait eu un problème à Gotham, aucun doute qu’il serait venu me retrouver… Si seulement on lui avait permis de le faire. Ca m’inquiétait.

Rachel Roth était une personne plutôt atypique. Elle se cachait derrière de fausses excuses pour ne pas m’en dire davantage sur elle. Je soufflai ce qui s’apparentait presque à un rire. « Alors c’est juste que tu es timide ? J’y crois pas une seule seconde. » Elle avait quand même l’air de tenir beaucoup à Gar, ce qui me décidait à l’aider à le chercher. Je ne pouvais pas non plus la laisser arpenter seule les rues de Gotham à la nuit tombée, surtout dans des quartiers qui craignaient à mort. Gar ne me l’aurait pas pardonné.

Je la dépassai pour prendre la porte. « Oui, les gamines paumées et cheloues dans ton genre. Ca attire la merde comme pas permis. Et en plus, t’es jolie, alors c’est pire. En bref, tu vas te faire remarquer. Je parie que tu vas finir rapidement dans un trafic d’esclaves sexuels ou d’organes… Une connerie du style. Je ne doute pas que tu arriveras à t’en sortir sans moi, mais quelque chose me dit que tu risquerais de te mettre un peu trop de monde à dos pour ton propre bien. Donc on fait équipe et tu me suis. C’est pas négociable. » Ca sentait tellement le plan pourri à plein nez ! J’espérais presque que Gar soit vraiment dans la merde. S’il était occupé à se payer une pute quelque part, j’allais le défoncer… Mais pas autant que sa copine, apparemment.