[Flashback 2017] All the good girl go to hell [Zatanna] [Terminé]

Elle se fait les ongles, Zatanna, après être fraîchement sortie de la douche, pendant que sa brosse, enchantée, démêle sa longue chevelure couleur aile de corbeau. Détendue, elle profite d’un moment pour elle. Pas de menace cosmique, et Gotham a assez de monde sur le pont pour qu’elle puisse se concentrer sur elle-même… Du reste, elle n’a rien à faire contre le Joker, par exemple. Ce n’est pas de son ressort. Batman et ses acolytes sont bien mieux qualifiés pour contrer la menace du clown… Et de beaucoup d’autres. Du reste, même si elle demeure généreuse et a à cœur de faire le bien, Zatanna n’aime pas se négliger. C’est une femme de scène après tout. Ça se verrait tout de suite si elle cessait de prendre soin d’elle, et elle en subirait les conséquences… Frivole ? Trivial ? Sans doute. Mais qu’est-ce qui ne l’est pas, pour elle ? Peut-être est-ce mieux qu’elle puisse avoir ce genre de centre d’intérêt, tout personnel ? Quelque part, elle est mieux ici, à se vernir les ongles, qu’à tenter de conquérir le monde, non ?

D’autres s’y essaient, en boucle, chargeant les bras de la Justice League, obligeant les héros qui la composent à intervenir… Zatanna ne comprendra jamais cet attrait du pouvoir. Peut-être que ces vilains devraient faire des enfants ? Ainsi, le contrôle d’êtres inférieurs perdra-t-il peut-être de son romanesque… Elle en est là de ses réflexions quand, par la baie vitrée de son luxueux duplex gothamite, entre un oiseau de brume, qui éclate dès que proche de la sorcière pour muter en une chaîne de symboles magiques. S’ouvre alors devant les yeux de la magicienne une fenêtre lui permettant d’assister en direct, avec effroi, à l’attaque de Themyscira. Elle savait, en voyant l’oiseau, que le message venait de Diana. Quand l’amazone a émis le souhait de retourner passer un moment sur son île, sachant que la technologie n’y prenait pas, elle lui a proposé l’alternative de ce sort pour pouvoir les prévenir, le cas échéant. Elle ne s’attendait, évidemment, pas à ce que la princesse y ait recours…

Pour autant, la sorcière ne perd pas de temps. Assise sur son lit jusque-là, emmitouflée dans un peignoir, elle se lève, use d’un sortilège pour se changer et vient joindre ses mains pour se concentrer… L’île est loin, mais se téléporter soi-même, seule, est un jeu d’enfant. Elle doit juste être certaine de là où elle atterrira… Un dernier regard vers la fenêtre enchantée, et c’est le bond.

Elle apparaît, par magie forcément, à côté de Diana. « Noitativel ! » Le sort lancé, avec un sourire à l’amazone, la sorcière s’élève dans les airs et apprécie rapidement, balaie d’un coup d’œil, la situation. Elle voit les troupes ennemies, quelles qu’elles soient, tenter de remonter le chemin jusqu’au cœur de l’île et sa cité. « Etêpmet ed elbas ne lacob ! » Aussitôt, un dôme vient prendre au piège l’armée ennemie, malmenée par une tempête de sable. Ne sachant combien de temps elle pourra garder le sort en action, elle rejoint doucement la terre ferme et Diana, cherchant à mettre à profit ce moment gagné pour tenter de comprendre la situation. « Diana… » Même si l’heure n’est pas réellement aux retrouvailles, Zatanna est soulagée de voir l’amazone intacte, et partage donc brièvement avec elle une étreinte. Non qu’elle doute de la force de celle-ci, elle en a été beaucoup trop témoin pour pourvoir mettre en doute sa formidable résistance, mais la magicienne a tendance à ne jamais sous-estimer un ennemi inconnu. « Que se passe-t-il ? D’où vient cette armée ? » Elle demande, perdue. « La magie des Dieux ne protège-t-elle plus Themyscira ? » Sourcils froncés d’inquiétude, elle jette un œil sur la plage où gisent quantité d’amazones, blessées ou… Mortes. La magicienne ferme les yeux et tend les mains… Ses sourcils se froncent de concentration… Et les corps disparaissent, envoyés à la cité, où les retranchées auront plus de chances de sauver celles qui peuvent l’être. Se retournant vers Diana, ouvrant la bouche pour parler, ses paroles meurent, remplacées par un cri de surprise et de douleur mêlées. Revenant à son globe, la magicienne peut voir que le chef de l’armée vient frapper sur la paroi à l’aide d’une arme… Qui a l’air d’être tout sauf humaine. Le coup a fêlé la paroi du globe. Retrouvant sa concentration, Zatanna répare la brèche, ce qui a pour effet de mettre en furie le leader de l’armée. Il retape de plus belle, encore et encore, chaque coup se réverbérant douloureusement à l’intérieur du crâne de la magicienne. « Rejoins les tiennes à la cité, et fermes-en tous les accès… Je te ferai gagner autant de temps que je le peux… » Elle propose, consciente de l’importance des siennes pour Diana, et de l’urgence qu’il y a à regagner les murs de la cité, pour être à même de la défendre de l’intérieur.

Ça lui fait plaisir, à Zatanna, bien qu’elle n’ait pas le temps de l’exprimer, de revoir Diana. Bien sûr, elle aurait préféré une invitation en bonne et due forme, la proposition de s’installer sur un transat au soleil de l’île en buvant des cocktails, mais tout cela va devoir être reporté à une autre fois semble-t-il. Se prélasser sur une plage de sable fin alors qu’une armée sème la mort et la désolation dans son dos, ça n’a rien de plaisant. Du reste, Zatanna déteste les attaques déloyales, la destruction de patrimoine. Themyscira est un sanctuaire unique au monde, en plus d’être le refuge des amazones. Vouloir le détruire lui apparaît totalement insensé, à tous les niveaux. Plus qu’une attaque d’opportunité, ce doit être une revanche… Quoiqu’il en soit, le fait que cette armée soit parvenue à passer une barrière divine est inquiétante… La magie divine ne se contre pas en un claquement de doigt… ça ne laisse, dans la tête de la magicienne, que deux options : soit celui qui a fait pénétrer cette armée ici est un mage redoutablement puissant… Soit, ce qui reviendrait plus ou moins au même, c’est un dieu lui-même. Or, quel dieu guerrier a fait des amazones ses ennemies… ?

Les informations que lui révèle Diana vont clairement dans le sens de ses déductions… Et d’après ce que Zatanna entend, Arès ne se serait pas contenté d’envoyer des troupes mais… Mènerait la troupe, en personne. Ne perdant rien de sa concentration, la magicienne fait son possible pour épargner autant de vies que possible, en renvoyant les corps des amazones tombées au cœur de la cité. Dans son dos, le dôme élevé pour piéger l’armée ennemie se fêle, faisant pousser à la magicienne qui crie de douleur, et s’empresse de lever ce qu’elle espère être un regard rassurant à l’amazone inquiète. « ça va aller… » Elle sourit, pour se donner une contenance, mais est certaine maintenant de ne pas avoir à faire à des humains, comme le suggèrent leurs uniformes. Les armes humaines auraient bien plus de peine à entamer son bouclier. Le constat est décourageant… Tout suggère que l’ennemi est plus puissant qu’elle… Or, Zatanna est assez consciente de sa propre valeur en terme de magie, ce qui, si cet individu doit la surpasser, l’inquiète d’autant plus.

Souhaitant offrir à Diana la possibilité de rejoindre Themyscira et de préparer sa défense avec ses sœurs, Zatanna l’enjoint à vite détaler et à retrouver ses murs… Elle ne peut affronter cette armée seule, pas plus qu’elle ne le peut accompagnée de la magicienne. Ce constat laisse cette dernière particulièrement amère, mais nier la vérité en un moment aussi catastrophique ne servirait à rien. A partir de maintenant, elles doivent se montrer malignes. Plus malignes que l’ennemi, pour compenser leur différence de pouvoir. Le visage fermé, toujours concentrée sur le dôme, Zatanna s’aide de ses mains pour le maintenir, leur en donnant la forme. Pour le moment, elle tient bon. L’arme du leader l’entame à chaque coup, des coups qui tombent avec la régularité d’un métronome, mais chaque fois elle le reconstitue. Pour combien de temps ? « Diana s’il te plaît, file… Je te rejoindrai, mais les murs de Themyscira doivent être fermés quand l’armée arrivera… Et tu sais comme moi que tes sœurs ne les fermeront jamais tant que tu n’es pas là… » Elle tourne brièvement ses yeux au bleu électrique dans sa direction. « Je vais te donner quelques minutes d’avance, et je te rejoins. Promis. Mais vas-y. » Elle lui sourit, dans ce qu’elle espère une mimique confiante, et en revient à son dôme. Au cœur de celui-ci, une tempête de sable se déchaîne, rendant les silhouettes des hommes qu’elle cingle floues. Souffrent-ils des morsures du sable ? …

La magicienne se veut d’abord encourageante, dans sa façon de sourire à l’amazone après que celle-ci lui ait demandé de ne pas traîner, avant de laisser ses lèvres s’étirer de façon plus pédante, orgueilleuse, même. La sorcière se redresse, et contraint son visage à arborer une expression d’assurance qu’elle ne ressentait nullement. « Allons, ce n’est pas une petite armée surnaturelle qui va me faire peur… » Comble de la provocation, elle gratifie Diana d’un clin d’œil, un fin voile de sueur perlant sur son front révélant tout de la supercherie qu’est sa vantardise. Zatanna n’est pas certaine du tout d’avoir le dessus, elle est même plutôt certaine du contraire, et ça ne présage rien de bon… Si le leader de cette armée la surpasse, s’il est plus puissant qu’elle, le temps jouent contre elles, puisque la magicienne ne fera que s’épuiser, forcément à un rythme plus soutenu que son adversaire… Zatanna a beau sniffer dans tous les coins, ça sent toujours aussi mauvais… L’amazone partie, la sorcière la suit du regard un moment, ou plutôt la traînée de poussière qu’elle soulève à chaque pas, plus rapide que le précédent. Une fois l’amazone estimée relativement hors de danger pour l’instant, Zatanna en revient à son globe. Fermant les yeux pour augmenter d’un cran son lien avec la structure, serrant les dents à chaque nouveau coup de l’arme du leader, elle commence à rapprocher doucement ses mains l’une de l’autre, pour accroître la pression des parois sur les occupants… Dans l’idée claire de les broyer. Ses dents se contractent sous l’effort. Elle y va lentement, parce que la totalité de la structure doit s’adapter en même temps, sous peine de voler en éclat. Sans surprise, comprenant rapidement le sort qu’elle leur réserve, à lui et ses hommes, ce leader qu’elle soupçonne être Arès accélère le rythme de ses coups sur le globe. Zatanna, à son corps défendant, s’obstine, son visage se crispant de plus en plus sous l’effort de plus en plus conséquent qui lui est demandé… Plusieurs des hommes de l’envahisseurs en périphérie de l’armée y passent, écrasés sous les parois de verre magique, ce qui encourage la sorcière à poursuivre ses efforts. D’autres se font happer par le piège, qui se referme inexorablement sur eux, et elle parvient même à faire reculer le leader, avant que celui-ci, dans un coup bien plus violent que les autres, ne fasse voler le dôme en éclats, arrachant un cri de douleur à Zatanna, violemment projetée au sol par le souffle de l’explosion.

Le globe envolé, le sable et sa tempête retombent mollement. A bonne distance, la magicienne ne peut faire autrement que de se relever, avec difficulté, et rester pour voir le résultat. Elle est parvenue à bien entamer les effectifs de l’armée, ce qui est une bonne chose, mais sera totalement inutile si les amazones et elle ne trouvent pas le moyen de contrer le leader. L’esprit traversé de cette pensée, ledit leader tourne sèchement son regard dans sa direction. Malgré la distance, Zatanna est persuadée qu’il la voit comme si elle était devant lui. Quelque chose dans sa façon de la regarder la gèle, lui fait l’effet d’un électrochoc. « Noitativel ! » Elle lance, prenant immédiatement son essor dans les airs, et file sans demander son reste, rejoignant Themyscira… Et venant se poser près de Diana, sur les remparts. Elle porte quelques stigmates superficiels de sa chute, mais rien de catastrophique. Les amazones sur le qui-vive, elle lève les mains en signe de paix et leur sourit. « Bonjour ! » Elle lance, enjouée malgré la situation préoccupante dans laquelle elles se trouvent toutes. « J’aurai aimé faire votre connaissance dans d’autres circonstances, mais faute de grive, on mange du merle… Je suis Zatanna Zatara, c’est un plaisir, que dis-je… Un honneur ! De vous rencontrer ! » Energique, elle vient prendre les mains des compagnes de Diana qui les entourent, et les secoue avec vigueur. Pour une passionnée des raretés et savoirs anciens comme elle, cette opportunité, bien que manquant cruellement de sérénité, demeure exceptionnelle… Cela étant, le moment de s’extasier devant le peuple des amazones n’étant sans aucun doute pas venu, la jeune femme en revient vite à leur reine. « Ca ne se présente pas très bien, Diana… Les soldats semblent relativement prenables, mais leur leader m’inquiète… La magie n’est peut-être pas son domaine de prédilection, mais elle fait partie de lui à un très haut degré, j’en suis certaine… Si j’en crois ce que je sais de votre histoire, et ce que j’ai vu, je ne vois qu’une personne qui recoupe toutes les caractéristiques d’une attaque de ce genre… » Elle dévisage son amie. « Je suis sûre que tu l’as senti aussi… » Son regard se portant au loin, vers l’armée lentement en marche, la magicienne croise ses bras sous sa poitrine. « Je vais poser une question idiote, mais dans leur grande générosité, les Dieux ne vous auraient-ils pas donné un moyen de tuer un dieu, par hasard ? » Elle-même trouvant cette question totalement absurde, son ton l’est. Complètement, complètement décalé avec la gravité de la situation… Peut-être les amazones s’en offusqueront-elles, mais Diana ne sera pas surprise. L’humour, même au pire moment, est la soupape de sécurité de Zatanna. Dédramatiser une situation en la traitant avec humour est ce qui lui permet de garder la tête froide, de tenir la panique à distance et ainsi, de pouvoir réfléchir de façon plus efficace. Preuve en est, malgré son ton indolent, son visage demeure crispé à l’extrême, concentrée qu’elle est, en pleine recherche d’une solution…

Aucun doute là-dessus, sans la prompte réaction de Diana pour signifier à ses sœurs que Zatanna était une amie, elles l’auraient sans doute criblée de flèches, la transformant ainsi en caricature de hérisson. D’une certaine façon, la reine amazone vient de lui sauver la vie… Certes, après l’avoir mise en danger, mais quand même. Aussi, à la question posée par Diana, elle ne peut que sourire et la gratifier d’un clin d’œil. « Quelques égratignures à peine, j’ai la peau dure, et toi ? » La peau dure, la peau dure… Jusqu’à un certain point. Jamais, par exemple, elle n’aurait la force ou la résistance de Diana. Elles ne sont pas faites pareilles, n’ont pas les mêmes forces et faiblesses… Mais si sa magie est inutile contre ce qu’elle pense être un Dieu, peut-être que la force divine de Diana sera suffisante ? Il le faut, quoiqu’il arrive. Ou si ce n’est pas cela, elles doivent trouver autre chose, ça, c’est un fait.

Entendant le nom d’Arès prononcé par la reine amazone, Zatanna acquiesce, tentant de faire abstraction des regards scandalisés des sœurs de Diana. Nouvelle difficile à avaler, à raison. La Némésis des amazones, celle-là même qu’elles pensaient vaincue, surgit de nouveau pour les massacrer… Mais ça ne peut pas être tout, c’est impossible. Les Dieux ont pratiqué Arès des milliers d’années avant de créer les amazones. Ils devaient savoir que leur frère belliqueux ne s’arrêterait devant rien, ils ont dû anticiper qu’ils attaqueraient, et puisqu’ils ont eu à cœur de protéger leur création, d’entourer leur refuge de sortilèges puissants et imperméables, il apparaît impossible à la magicienne qu’ils ne leur aient rien donné pour contrer la menace que représente Arès. C’est tout simplement inenvisageable. Alors, bêtement, Zatanna pose la question et… éclate d’un petit rire à l’accueil de la confidence de Diana. « Evidemment que c’est toi… Quelle question. » Un être extraordinaire élu des dieux, à tous les points de vue, comme pouvaient l’être les autres membres de la Justice League. Il y a de quoi se sentir minuscule à côté de géants pareils.

Du coup, les réflexions de Diana donnent à réfléchir à la magicienne. De concert avec son amie, elle se tourne vers le lointain pour observer la traînée de poussière qui se rapproche dangereusement des murs de la cité. « Les prophéties ont des sens aussi littéraux que métaphoriques… Si tu es la tueuse de dieux, ça veut dire que c’est littéralement ce que tu es. Pour autant, ça n’implique pas que tu doives te battre seule. » La magicienne marque une pause pour sourire largement à l’amazone avec malice, avant de reprendre. « Auriez-vous un moyen de contacter les dieux ? De les enjoindre à se battre à vos côtés ? » Elle regarde Diana, puis quelques-unes des amazones qui l’entourent. « En Grèce antique, les mortels communiquaient avec les Dieux via les temples, les offrandes, ce genre de choses. Auriez-vous gardé contact avec eux au fil des siècles ? » Elle pose la question, son intonation disant tout de sa pure curiosité, sans une once de jugement. Peut-être le fait-elle mal, mais la sorcière tente simplement de réfléchir, d’essayer de trouver une solution si elle le peut. Il faut que, d’une façon ou d’une autre, les dieux descendent de leur montagne pour prêter main forte aux amazones, et aident Diana à abattre leur frère, si elle le peut, une fois pour toutes… Quelle plaie ! peste intérieurement la magicienne, si seulement j’avais le temps de consulter ma bibliothèque…

Bien sûr que Diana est indemne. Comment aurait-il pu en être autrement ? Elle est Wonder Woman après tout ! Elle résiste aux balles, à l’épreuve du temps… Elle a la force de Superman et a été taillée pour le combat, pour la guerre… Son surnom, qu’elle vient de lui partager, est très à propos selon la magicienne. « La Tueuse de Dieux ». Impensable, donc, que quoi que ce soit puisse l’atteindre, perspective d’autant plus inenvisageable qu’elle détruirait Zatanna… Pas le temps de s’appesantir d’avantage sur le soulagement des retrouvailles, puisque leur répit est de courte durée. La terre tremble, et marquant l’arrivée de l’armée aux portes de la cité, et l’offensive des hommes sur celles-ci. Diana ne perd pas de temps, donne l’ordre de tirer, et une pluie de flèches s’abat sur les soldats. Quoiqu’il arrive, ça ne peut pas bien se passer, elles n’ont que deux solutions. Vaincre l’envahisseur, ou bien le voir déferler dans Themyscira… La seule solution pour la magicienne est de parvenir à convaincre un dieu ou l’autre de leur venir en aide, raison pour laquelle elle compte sur la bonne entente des amazones avec leurs créateurs. Ses mains saisies par Diana, elle la regarde, écoutant attentivement ses directives. « Théesca, je note… » Elle confirme, à voix basse, se demandant déjà à quoi ressemble cette plante et si elle n’en a pas déjà vu une représentation dans l’un des livres d’herboristerie de la bibliothèque de Shadowcrest… Elle allait commencer à se demander si elle pourrait en faire pousser de son côté, quand les choses s’emballent…

Diana veut qu’elle boive la tisane, mais apparemment elle n’en a pas le droit… Ce qui la laisse comme deux ronds de flan. « Je ne tarderai pas… » Elle promet à l’amazone, à laquelle elle adresse un dernier regard angoissé en la voyant s’élancer dans la mêlée comme la sublime guerrière qu’elle est, avant de suivre au pas de course la dénommée Yrina vers le temple. « Quelles sont vos déités tutélaires ? Athéna et Artémis, j’imagine ? » Sa compagne hoche la tête en signe d’assentiment. « Oui, mais nous honorons aussi Héra, Hestia, Demeter, Némésis… » Quelque chose s’enclenche dans la tête de ma magicienne. Oui, Némésis serait parfaite…

Rapidement, les deux femmes font irruption dans le temple. Les prêtresses, sur le qui-vive, les accueillent, armes  à la main. « Yrina ? Mais qu’est-ce que… » L’amazone interpellée lève la main en signe de paix pour les interrompre. « Notre reine souhaite que cette étrangère consomme une infusion de Théesca… » Une vague de murmures outrés accompagne sa déclaration. « Je sais, mais c’est l’ordre de la reine ! Vite ! » Elle les presse, pousse Zatanna vers les prêtresses qui la regardent avec suspicion, mais s’animent rapidement malgré tout. La grande prêtresse, visiblement écœurée, la conduit au centre du temple et se charge de refournir un à un chacun des encensoirs. « Peu importe ce qui se présente, ne luttez pas… » Elle lui conseille, presqu’ordonne, avant qu’une de ses subalternes ne vienne pour lui donner une tasse de grès fumante. « Asseyez-vous là. » elle désigne le centre de la pièce, où la magicienne vient prendre place, s’asseoir en tailleur, et comme si elle cherchait à méditer, ferme les yeux et pose ses mains sur ses genoux, paumes vers le ciel. Aussitôt, une forte odeur de myrrhe et de sauge mêlées vient lui chatouiller les narines. « Buvez. » Elle obéit, encore, sans discuter et avale l’infusion étonnamment amère. Elle ne se déconcentre pas pour autant et s’efforce simplement de se détendre, de cesser de penser aux enjeux, de ne surtout pas s’imaginer Diana perdue dans la bataille, pendant qu’elle est ici… « Ho esseregnev Sisemen, esseéd ud tnemitâhc etseléc, sdnetne am erèirp… ! »

Le temps s’arrête. Quand Zatanna ouvre les yeux, une femme sublime aux cheveux noirs comme la nuit lui fait fasse, une expression blasée sur le visage. Dans l’une de ses mains, une épée, dans la seconde, une balance. La jumelle de la Justice… songe Zatanna, et l’expression qu’affiche la déesse juste après lui laisse comprendre qu’elle entend parfaitement ce qui peut lui passer par la tête. « Pourquoi moi, mortelle ? Les Amazones se tournent d’ordinaire d’avantage vers Athéna ou Artemis… Pourquoi moi ? » Zatanna n’a guère eu beaucoup de temps pour se décider, mais elle est certaine de son coup. « Pour que vous nous inspiriez… L’île est envahie par l’un des vôtres de façon totalement gratuite et destructrice… Prêtez-moi votre force pour inspirer les amazones à défendre avec plus de hargne encore leur maison, leurs sœurs… Et à réclamer vengeance pour celles qui sont tombées. Donnez-nous la force de nous relever, envers et contre tout, jusqu’à ce qu’il ne reste plus aucun ennemi à combattre… » La déesse semble hésiter longuement, jauger son interlocutrice… Avant de fermer les yeux et d’hocher la tête en signe d’assentiment. « Soit. » Dédaigneuse, elle jette son épée aux genoux de Zatanna, et disparaît, rendant le temps à son cours normal.

Elle cligne, et scille, entendant les prêtresses s’interpeller de l’apparition soudaine de l’épée. Zatanna, quant à elle, sitôt ses esprits repris, empoigne la garde de l’épée… Et se sent immédiatement investie d’une puissance hors norme. Ses yeux s’illuminent, comme si son corps peinait à contenir l’essence divine de la lame, qu’elle lève vers le ciel en poussant un cri de rage assourdissant… Le cri, porté par les vents, se répercute sur les murs et atteint, les unes après les autres, chaque amazone pour gonfler leur cœur d’une hargne vengeresse comme elles n’en ont jamais connu… La sorcière le sait, parce qu’elle-même ne s’est jamais sentie aussi ivre de rage et d’envie, de besoin, de justice… De SA justice. « Ellibah-iom d’enu erumra ! » Apparaissent sur son corps, par magie, différentes pièces d’armure légère, semblables à celles des amazones. Toutes, elles quittent alors le temple avec le besoin viscéral d’étriper tous les envahisseurs jusqu’au dernier…

L’élan donné par la déesse Némésis, canalisé par la magie de Zatanna qui pulse, rayonne, irradie tout autour d’elle, est violent, rageux, implacable. Il est presque aveugle. Déchaînées, les femmes guerrières sortent de la cité comme autant de fourmis dérangées de chez elles, agressives, impitoyables, et se ruent sur l’ennemi avec une fureur indicible. Pas de place pour la peur, pas de place pour la réserve. Les amazones ne se défendent plus. Elles attaquent. Elles se vengent, vengent leur îles, vengent leurs sœurs, vengent toutes celles qui sont déjà tombées face à la guerre. Les coups pleuvent, dans un fracas assourdissant. Elles sont impressionnantes de détermination, ne considèrent pas, à une seule seconde, la possibilité de reculer… Ce sera l’ennemi qui reculera, ou la mort ! Au milieu de cette foule, Zatanna se fond dans l’effort sans tout à fait s’y mêler, comme si l’aura de la déesse qui l’a investie était trop difficile à approcher pour les assaillants. Son bras guidé par la magie divine, chaque coup qu’elle assène, unique sur ses opposants, tombe comme une sentence, lourd. Ils paient le prix cher, celui de la vengeance par le sang. Ses pas sont lents. Elle n’a pas besoin de courir. Ceux qu’elle-même n’achève pas, les amazones les étripent, récupérant un juste dû pour tout ce que ces soldats leur avaient pris.

La mêlée se faisant étrangement plus claire au passage de Zatanna, celle-ci parvient à rejoindre la reine amazone et son adversaire. Le corps parcouru d’éclairs aléatoires, les yeux nimbés d’une lueur surnaturelle qu’elle tourne d’abord vers l’amazone, puis vers Arès. « Arès, tu n’as rien à faire ici… » Sa voix tonne, double de celle de Zatanna et de la déesse pour laquelle elle s’exprime. « Les amazones sont protégées par les Dieux. T’en prendre à elles, c’est t’élever contre nous. » Elle tend la pointe de son épée dans sa direction. « Tu vas payer ta trahison… » Implaccable, elle lève le bras et l’abat, apparemment sans effort, donnant naissance à un souffle d’une violence inouïe qui, non content de projeter le Dieu, presque réduit à l’état de fétu de paille, à plusieurs mètres des femmes, il détruit intégralement son imposante armure, laissant le dieu, littéralement, à nu.

Main le long du corps, la magicienne observe Arès se relever difficilement, imperturbable, et, si indemne, relativement ébranlé par l’opposition qu’il rencontre, à laquelle il ne s’attendait pas. Ne semblant absolument pas gêné par sa nudité, d’un geste rapide et apparemment totalement intuitif, il attrape une amazone qui se jetait sur lui, arme au clair, tentant de l’avoir par surprise, et lui arrache la gorge d’une poigne de main à la fermeté horrifiante, s’emparant de cette main encore sanguinolente du sang de la sœur de l’amazone l’arme de cette dernière… Avec un sourire mesquin, il se met en position, provoquant délibérément les deux femmes qui lui font face. Zatanna, pour sa part, reste de marbre. Intérieurement, elle compte. Sur l’échelle de la douleur, intrinsèquement liée à celle de la vengeance… Imperceptiblement, son pouvoir croît, comme il le fait à chaque amazone tombée, et par lien de cause à effet, la hargne des amazones restantes, et ce, de façon exponentielle. Elle tourne un visage fermé vers la reine amazone. « Prends ton dû, Altesse. » Elle laisse tomber, sa voix double tombant avec la lourdeur d’un marteau de juge, la lourdeur d’une sentence de mise à mort, avant que la magicienne possédée ne commence à faire lentement un pas, puis l’autre, en direction de leur adversaire…

Les relations entre les Dieux et leurs croyants sont compliquées à appréhender. La puissance de l’un contribue à la puissance de l’autre, qui peut alors la lui rendre. C’est, en vérité, un ouroboros. La ferveur avec laquelle les fidèles prient donne de la force au dieu qui ensuite la réverbère sur ses fidèles, et ainsi de suite… A l’intérieur d’elle-même, Zatanna sent cet écho, capte ce désir de vengeance qui s’accroit à chaque progrès d’Arès ou de ses soldats, qui enfle la puissance de Némésis qui l’habite, et qu’elle octroie ensuite aux amazones. La magicienne est un catalyseur. Ce n’est pas la première fois, mais la sensation reste toujours… Spéciale. Le plus difficile pour elle, le véritable challenge, c’est de ne pas perdre pied avec toute cette puissance qu’elle sent l’habiter, résister à la tentation de la faire sienne, de fusionner totalement avec la déesse de la vengeance. Elle le pourrait, avec le bon sortilège… Elle le sait. Et c’est ce savoir qui peut la rendre dangereuse, qui pourrait finir par lui faire perdre pied, cette sensation erronée qu’avec plus de pouvoir, elle ferait d’avantage de bien…

Pour l’instant, elle parvient tant bien que mal à museler ses ambitions, à résister à l’appétit du pouvoir, et dirige son feu en soutient des amazones, en soutient à Diana qu’elle épaule dans sa lutte contre Arès, Némésis guidant son bras pour parer, ou attaquer. Arès a beau être un Dieu majeur, le Dieu de la guerre, personne, pas même lui, ne peut se prémunir d’une juste vengeance, et c’est bien ce qu’exprime ce combat. Lui puise dans la haine et la colère des hommes, elle puise dans leur douleur, douleur qui engendre haine, colère, et finalement, cet esprit guerrier qui devrait être son apanage à lui. Le fait est que les Amazones sont en guerre contre le dieu de la guerre, et qu’il le paie.

Le prix fort. Dans une dernière attaque extraordinaire, la reine amazone terrasse l’ennemi, transperce son cœur de part en part, renvoyant à l’état de poussière les quelques-uns de ses soldats qui tenaient encore debout. Arès, quant à lui, tombe à genoux devant Diana. Un sourire mesquin étire ses lèvres, desquelles coule un filet de sang. « On se retrouvera… » Sur ces mots, il disparaît, l’épée de la reine se retrouvant suspendue dans le vide un très bref instant, avant de tomber sur le sol. Surplombant la silhouette de Zatanna se laisse alors apercevoir, dessinée par des éclairs bleutés de magie, celle de la déesse, plus grande, bien plus belle, redoutable. Quand elle s’exprime, chacune des amazones peut l’entendre, où qu’elles soient, comme si elles se trouvaient à côté. « Je compte sur votre probité… Et sur le fait que vous ne m’oublierez pas. » Espoir qui sonne très fort comme une menace, la terre tremblant légèrement à cet instant, avant que la déesse ne se dissipe à son tour, n’abandonne Zatanna qui, se sentant totalement vidée, tombe à genou, Némésis emportant avec elle force et hargne… Ce qui tenait debout beaucoup des sœurs de Diana… La magicienne, elle, a besoin de récupérer… La tête lui tourne… Mais elle se permet de lever des yeux vers la reine… Des yeux malicieux. « Bien joué, ta Majesté… » Ses yeux se baissent sur ses genoux ancrés dans le sable. « Regarde-moi, je suis déjà à genoux devant toi… ça fait de moi une de tes sujets, tu crois ? » Elle demande, pour plaisanter… Pour relâcher la pression du drame qui vient de se produire, juste un peu, avant les larmes.