Une imposture.
C’est ainsi que sa vie a été menée jusqu’à présent, un entre-deux précaire qui ne permettait qu’à sauver les apparences. Son enfance et son adolescence sont floues dans son esprit, comme une histoire racontée par d’autres, comme si elle ne l’avait pas vraiment vécu. C’était une histoire a trou pour ne rien arranger. Des personnes sans visages, des voix déformées, des paroles qui n’avaient aucun sens.
Sorte de syndrome post-traumatique, une soupape de sécurité qu’on lui avait expliquée. Un système de sécurité de son cerveau pour ne pas disjoncter définitivement. Alors elle avait laissé ça comme ça, sans trop oser y toucher, basant son identité sur un ni, ni, un milieu bancal et virtuel dont elle était incapable d’en tirer un quelconque sentiment de réalité.
Le choc ?
Elle le connaissait par contre, le souvenir de la douleur était encore vivace et ses cauchemars se rappelaient sans cesse à elle. Un mémento mori mesquin qui l’empêchait d’enterrer celui-là – de souvenir- dans l’un ces abimes qui avaient élu domicile dans son crâne. Elle avait été un cobaye, consentant qu’on lui avait dit. Tout irait pour lui mieux lui avait-on susurré, ça avait été un mensonge, alors il était tout naturel qu’elle pense avoir été forcée de subir cette expérimentation.
Native de Markovie, elle n’avait pas été désirée, pas vraiment. Son père ne s’était pas embarrassé d’elle. Pourtant il l’a rappela à son bon souvenir quand le besoin s’en fit sentir. Elle n’avait pas eu une enfance malheureuse, elle avait été gardée de la pauvreté, mais elle n’avait pas vraiment été choyée. La Markovie n’était pas de ces pays agréables et paisibles ou passer ses vacances. Constamment empêtrer dans les guerres et les conflits, elle flirtait dangereusement avec ses ennemis, jusqu’à ce que ce petit jeu du chat et de la souris ne soit plus si amusant que cela.
C’est à partir de ce moment que le royaume appela son peuple à participer à des expériences. De celles qui les feraient évoluer, qui feraient d’eux les « nouveau » humains. Et c’est là que Tarra fut ramenée à son père.
De sa famille, de son enfance, il ne restait que des miettes de souvenirs qu’elle rattachait entre elles via des histoires qu’elle s’imaginait. Tantôt avait-elle une fratrie, tantôt fille unique, tantôt princesse, tantôt fille d’un général des armés ou riche héritière. Qu’importait la réalité derrière ses fantasmes morcelés, elle servit de cobaye. Elle ne fut pas la première ce qui lui évita très certainement la mort, mais pas la dernière, elle était le sujet test pour permettre à un autre, un de sang « pur » de survivre durablement sans aucun des effets qui l’avaient broyé elle.
Le produit qu’on lui avait injecté s’était insinué dans chaque parcelle de son être, de son âme, grignotant avec ferveur tout ce qui faisait d’elle un être humain, c’était comme de se sentir dévoré de l’intérieur, aspiré jusqu’à son essence même, par une entité maléfique. La douleur avait fait le reste, la faisant sombre dans un délire brulant en déchiquetant muscle, os et raison.
Et c’était terrifiant.
Encore aujourd’hui, elle a peur que cette substance, personnifiée dans son esprit, ne resurgisse pour finir le travail.
Peu après, une nième guerre éclata, raz de marée qui dévasta tout sur son passage. Encore convalescente, elle ne put être utilisée comme il était convenu. Elle ne put à vrai dire qu’à peine s’enfuir du chaos qui déferla et du labo pris pour cible.
Chance ou coup du hasard, elle fut recueillie par des organismes humanitaires, qui s’occupèrent de la soigner et de lui trouver une famille d’accueil, adolescente meurtrie par la guerre. Meurtrie et paranoïaque, possédant des pouvoirs qu’elle ne maitrisait, ni ne comprenait vraiment. Persuadée d’être pourchassée comme le monstre de foire qu’elle était devenue, précieux cobaye, ou preuve à éliminer, elle s’enfuit dès qu’elle put là où elle pourrait se terrer plus durablement.
L’opportunité se présenta lorsque les super héros commencèrent à disparaitre, laissant derrière eux un chaos prévisible. Avant que le blocus ne soit mis en place, elle se débrouilla pour entrer dans l’une de ces villes, zone de non-lieu ou elle n’était plus qu’une anonyme parmi d’autre.
Recueillie par un garagiste au grand cœur, il lui donna un toit et un métier en lui apprenant ce qu’il savait. Elle tente désormais de faire profil bas, autant que possible, persuadée d’être pourchassée, persuadée qu’un jour la boite de pandore à l’intérieur d’elle s’ouvrira pour l’engloutir totalement.
LES CIVILS - Code:
-
<span class="Gp_Civil">LES CIVILS</span>