Au mauvais endroit au mauvais moment | Constantine

Héhéhé

Cela avait été un jeu d'enfant. J'aimerais bien avoir des commissions aussi faciles à faire tout le temps. Même si j'avais bien conscience de la dangerosité de la transaction, c'était quand même un jeu d'enfants. Trouver ce reliquaire qui semblait renfermer un pouvoir magique et le ramener à mon client. J'avais déjà touché la moitié de la somme pour ça et il ne me restait plus qu'à le filer à ce type pour toucher le reste. Avec ça, on allait pouvoir se faire plaisir avec Rachel. Bon, par contre, cela m'avait demandé pas mal de recherches et de déplacements, parce que mon commanditaire avait une vague idée d'où cela se trouvait, j'avais quand même du faire un petit boulot de détective sur place. Pratique de pouvoir sortir du blocus quand bon me semblait. Même si je gardais pour moi la façon dont je m'y prenais. On avait chacun nos secrets et nos combines. Moins on en savait sur moi, plus j'étais protégé. Et de même, moins j'en savais sur les mecs qui me payaient, mieux je me portais. Je ne savais même pas le nom de celui-là, juste le lieu de rendez-vous.

J'avais bien pris soin de planquer des fringues à côté, il y a quelques jours, histoire de pouvoir revenir pénard, sans me faire remarquer et de pas avoir à me retrouver à poil dans la rue quoi. J'étais devenu doué dans l'art d'anticiper ce genre de déconvenue et à force de faire ce genre de trafic, j'avais quand même développé de bonnes combines pour pas me faire choper. Jusque maintenant, cela m'avait plutôt bien réussi d'ailleurs. Mais on n'était jamais à l'abris d'un accroc. Par exemple, je ne faisais pas confiance aux types qui m'employaient. Parce que c'était le genre à vous demander une livraison et à vous buter plutôt que de vous payer. Et ça, c'était quand même emmerdant. J'étais rapide à me transformer, mais j'étais moins rapide qu'une balle hein.

Ce fut donc vêtu de mon plus beau plumage vert que j'arrivais dans la ruelle adjacente à l'appartement pourri où on avait rendez-vous. Je ne me faisais pas d'illusion, c'était pas son lieu d'habitation, fallait être débile pour faire entrer des inconnus chez soi hein. Je survolais rapidement le coin, la nuit était tombée. Qu'est-ce que c'était lugubre quand même. Je ne m'y faisais pas vraiment alors que je ressentais un frisson d'appréhension. J'aurais été un peu plus à l'écoute de mon instinct, j'aurais compris que c'était une mise en garde, mais là, j'étais claqué, je voulais toucher mon fric et rentrer tout simplement pour me reposer, en sécurité, avec Rachel.

Du coup, je me posai simplement derrière un tas de cagettes et d'immondices qui trainaient là, et repris forme humaine, tirant très vite un carton déglingué où il y avait mes fringues. J'étais devenu champion du rhabillage en 30 secondes. Et alors que je finissais d'enfiler mes baskets, je me figeais en entendant un bruit derrière moi. Je me retournais lentement, tandis qu'un type m'observait tranquillement. Mais qu'est-ce qu'il foutait là lui ? Ce n'était pas mon client. Un de ses sbires ? Je le regardais avec méfiance. Il était là depuis quand au juste ? Est-ce qu'il m'avait vu me transformer ? Je n'avais vu personne, avant de me rappeler de ce frisson désagréable. Quel con... Je tentai alors de jouer la décontraction et lançai tranquillement : "Euh, salut." Avec un petit sourire pour faire passer le truc. J'avais l'artefact dans ma poche maintenant.

J’ai parfois l’impression que la vie n’est qu’un éternel recommencement. J’allume une clope, au coin d’une ruelle et j’attends de voir ce qui va se passer. C’est pas la première fois que j’essaie d’intercepter ce genre de petit trafic. Pas que je sois vraiment intéressé par ce que les gens peuvent échanger en général mais, dès que ça touche à l’occulte, à la religion et j’en passe, j’essaie de choper le matos avant qu’il soit entre de mauvaises mains. Parce que sinon, les gens commencent à faire de la merde et parfois certains se retrouvent possédés ou des trucs tout aussi pourris. Et là, le boulot commence à se corser pour moi alors, forcément, j’essaie d’anticiper un peu pour éviter de me retrouver avec des branleurs qui jouent à l’apprenti invocateur, démoniste et j’en passe.

Je sais même plus qui m’a refilé ce tuyau mais en tout cas, je commence un peu à m’impatienter. Probablement parce que j’ai pas assez de clopes, que je sais qu’il va commencer à pleuvoir et que ça va me gonfler rapidement. Mais, alors que je commence à me dire que c’est foutu et que je vais devoir faire les gros yeux à je sais plus qui, je sens une présence pas loin. Je me fige, écrasant ma clope de mon talon pour éviter de me faire remarquer.

Un piaf.

Un putain de piaf vert au plumage tellement vif que je me dis qu’il est même pas du coin. Je me retiens de laisser filer un juron et de lui balancer un truc pour m’avoir filé de faux espoirs mais, sans bien savoir pourquoi, je me retrouve à le regarder, comme si mon instinct me soufflait qu’il avait rien à faire là. Bon, un piaf comme ça, en effet, ça a rien à foutre au beau milieu d’une ruelle de Starcity. Mais bon, moi non plus j’ai rien à faire là. Sans cette histoire, je serais en train de m’enquiller un bon petit scotch… un mauvais scotch, dans un bar mal famé à réfléchir au sens de la vie et à me demander pourquoi je suis encore là. Pas en vie hein, même si ouais, je me pose sérieusement la question. Mais dans le blocus.

Bref, je m’égare.

Parce que là, je vois bien qu’un autre truc cloche. Quand les plumes du piaf disparaissent pour laisser place à un gamin à poil. Au moins, il est mignon, même s’il est un peu trop jeune à mon goût. Et qu’il traine n’importe où. Je croise les bras alors que j’attends de voir s’il va finir par me remarquer et, quand il tourne la tête, je lui décoche mon plus beau sourire. Qui doit être un peu flippant dans la semi-obscurité. « Salut gamin. C’est la joie de me rencontrer ou t’as un truc dans la poche ? » Quoi, on va pas passer des heures à faire les présentations si ? Bon, ptet que si je dis qui je suis, il pigera un peu mieux de quoi il en retourne. Après tout, tout le monde me connait non ? Comment ça je suis suffisant, arrogant et j’en passe ? A peine. « Constantine. John Constantine. Tu fous quoi à cte heure-ci dans ce coin pourri avec un truc pas très catholique dans ta poche ? » Enfin, un peu trop catholique plutôt. Va falloir que je revois un peu mes entrées en matière, elles laissent un peu à désirer ces derniers temps. Pour la peine, je me rallume une clope, la lueur de la flamme brillant dans l’obscurité alors que je guette une réaction de sa part. Va falloir se grouiller avant que les méchants ne rappliquent en tout cas. A supposer qu’il n’en fasse pas partie. Sinon je vais être un peu dans la merde à gérer ce… truc.

Ne pas perdre ses moyens. J'étais plutôt du genre à avoir du bagout et à faire preuve d'audace. Pas n'importe comment non plus. Parfois, souvent même, la fuite et faire profil bas restaient les meilleures solutions. Mais là... Hum, il serait tentant de me transformer et de filer fissa, sauf que bon, je n'avais pas terminé mon business et je préférais éviter d'entourlouper mes employeurs. J'avais un peu envie de rester vivant, bizarrement. Du coup, je ne savais absolument pas à qui j'avais à faire. Il était hyper calme... Voire affable. Et il était flippant en fait. C'était la pire des attitudes. Menaçante sans y toucher. Sauf que j'étais curieux aussi. Et je cillai quand il me fit une allusion... sexuelle. Euh, attends... what ?! "Euh... A qui ai-je l'honneur ? Sans vouloir vous vexer, vous êtes pas trop mon genre." Je préférais les filles. Brunes. Mignonnes et mystérieuses. Ahum. Bref. Et je n'avais pas fini d'être surpris alors qu'il se présentait, comme un certain espion bien connu. "Vous savez c'est assez has been cette façon de se présenter." Et j'étais censé connaître ? "Cela devrait me dire quelque chose ?" Cela dit, même si je faisais le malin, j'étais loin d'être serein alors qu'il semblait savoir exactement ce que je transportais. "Je bosse."

Ben ouais, chacun essayait de gagner sa vie comme il le pouvait. Du coup, je ne savais pas trop ce qu'il voulait lui. Et cela me rendait un brin nerveux. J'étais prêt à détaler au moindre signe de sa part. "Qu'est-ce que vous faites là vous ? Si vous voulez ce truc, on va avoir un problème. Je suis payé pour le ramener à mon employeur et je n'ai pas vraiment l'intention de m'asseoir sur cette somme d'argent." Pas la peine de jouer les innocents concernant cet objet. Il savait exactement ce que c'était. Et j'aurais parié qu'il était là pour le récupérer. Ou au moins, avoir à faire à mon patron momentané. Alors non pas que je sois attaché à lui, loin de là même, mais j'aimerais éviter d'avoir des ennuis. "Laissez-moi lui remettre, prendre mon fric et après, vous faites bien ce que vous voulez, d'accord ?" Je ne savais pas à quel moment j'avais l'espoir que ce type me dise oui bien sûr, allez t'as l'air sympa. Je savais que j'avais un air assez innocent qui pouvait attendrir, mais ce n'était pas le style de mec qu'on attendrit. Ah purée, que j'avais été négligeant quand même. Comment j'avais fait pour ne pas le remarquer ? Il puait la clope à plein nez. Ce ne serait pas une bonne idée de me transformer en fait, il allait m'intoxiquer. Il était là en planque non ? C'était plus que probable. Du coup, il s'était dissimulé... Et pas de bol pour moi, j'étais arrivé au bon moment. Je l'observais attentivement, me demandant ce qu'il savait faire. Des pouvoirs ? Du combat ? Rien du tout ? Etait-il armé ? Avec la meilleure volonté du monde, je ne rivalisais pas en vitesse avec des balles. Et je n'aimais pas trop me faire trouer la peau.

Un jour, faudra vraiment que je pense à revoir mes entrées en scène. Je vais pas forcément songer à un feu d’artifices, un lâché de papillons ou de coccinelles, même si ça aurait le mérite d’être original, mais là, je me rends compte que je viens de faire un bide. En plus, ce petit con a même pas l’air de me reconnaître, ou de me connaitre tout court, ce qui est un peu vexant. « T’es un touriste paumé ou quoi ? » Ouais, je vois pas d’autre explication au fait qu’il sache pas qui je suis. Je me frotte le menton, songeur, me demandant vaguement ce que les gens pourraient venir chercher ici. Un hôtel bondé de putes bon marché et de dealeurs, y a plus exotique comme destination. Et parait que ça plait pas à tout le monde. Surtout qu’il a l’air un peu prude le petiot.

Bref, j’en était où ? Ah ouais, je suis vexé donc. « Tu sais pas ce que tu perds gamin. Et ma façon de me présenter est si naze que ça ? » Non mais, c’est bien que je me renseigne un peu si je veux vraiment m’améliorer. Enfin, je crois que c’est pas le sujet. Je soupire longuement alors qu’il me dit qu’il bosse. « Sans déconner. T’es un petit malin toi. » Et je suis pas du tout ironique, c’est absolument pas mon genre. Je soupire quand il continue, me confirmant qu’il est pas prêt à me rendre le petit jouet qu’il a dans sa poche. « Je confirme qu’on va avoir un problème gamin. On joue pas là, c’est pas une colonie de vacances et je suis pas le gentil organisateur qui va te tapoter la tête en te disant d’aller donner ton jouer pour gagner des points. » Je désigne sa poche d’un mouvement du menton, décroisant les bras pour m’allumer une clope. « Tu sais ce que tu transportes au moins ? Tu sais ce que ça va faire si tu le livres au mauvais type ou tu t’en branles ? » En vrai, je me demande si je devrais vraiment perdre mon temps à essayer de lui expliquer. Suffirait que je lui balance une ou deux boules de feu, ça devrait le prendre suffisamment par surprise pour que je récupère le reliquaire. Mais j’ai toujours été un peu con et du genre à tenter de sauver de la noyade des méduses qui tenteront de me tuer dans la foulée. Sinon, je serais parti de cet endroit depuis longtemps. A croire qu’il y a pas de saison pour avoir envie de sauver des gosses d’eux-mêmes et de cette vie de merde qu’ils mènent à présent. J’ai un profond soupir, attendant de voir ce qu’il va me répondre, me demandant comment je vais devoir réagit au vu de ses paroles. C’est du quitte ou double, j’en suis bien conscient. Et, plus pour le principe qu’autre chose, j’ajoute, avec un sourire en coin. « Et essaie pas de te carapater, que ce soit en piaf ou autre chose. Je sais pas de quoi t’es capable, mais, manque de bol pour toi, tu sais pas qui je suis. Et ce que je peux faire. » Mais non, je suis pas encore vexé qu’il me connaisse pas, c’est juste une impression.

Je le regarde sans comprendre quand il me demande si je suis un touriste. Cette conversation n'a aucun sens. Cette situation n'a aucun sens surtout. Bordel, qu'est-ce qu'il fiche là ce type ? On ne peut même plus faire ses affaires tranquillement quoi, c'est un comble. Il a l'air de penser que c'est moi qui ai un problème à ne pas le connaître. Genre c'est un célébrité ? Alors qu'est-ce qu'il fout dans cette ruelle pourrie ? J'espère que j'ai pas à faire à un super vilain, parce que je vais avoir un problème sinon. J'ai réussi à éviter des confrontations avec des méchants jusqu'à maintenant, j'aimerai bien continuer. Je hausse les épaules avec un air très dubitatif quand il me dit que je ne sais pas ce que je perds en ignorant qui il est. Ben si monsieur me faisait l'honneur de me le dire au lieu de s'offusquer comme une star capricieuse, je pourrais peut-être mesurer ce que je perds, mais là à priori, je ne suis pas d'accord avec ce qu'il me dit. Il me demande vraiment mon avis sur sa façon de se présenter ? Euh... C'est une question piège ? "C'est pas très original surtout... Mais pourquoi on parle de ça au juste ?" Non parce que bon, j'ai un colis à livrer moi alors si monsieur voulait bien me lâcher la grappe, ce serait fort aimable de sa part.

Sauf que bien sûr, ce n'est pas aussi simple. J'aurais du m'en douter. Je réponds laconiquement et me raidis quand il me dit que je suis un petit malin. Ouais... Et un petit malin qui a intérêt à ne pas trop tirer sur la corde, au risque de se faire étrangler avec je crois. Du coup, je tente de m'expliquer, sans grand espoir que John me laisse terminer mon business. Je fronce les sourcils quand il se fout de moi, l'air de rien. Je ne suis pas un gamin déjà. Et je n'ai pas besoin de son approbation. J'ai un léger mouvement de recul défensif quand il me demande si j'ai une petite idée de ce que je transporte et des conséquences. "Mon boulot c'est de trouver des objets et de les livrer. Ça s'arrête là. Si je commence à me demander si c'est pour faire le bien ou le mal, je ne ferai plus rien." Parce que les personnes qui ont recours à mes service sont souvent peu recommandables et que la plupart de ceux pouvant payer rubis sur ongle sont loin d'être des enfants de chœur. Alors j'évite de trop avoir d'éthique à ce sujet, sinon... j'ai plus qu'à crever de faim en fait.

Pourtant, j'hésite un peu. Il fait chier à jouer avec ma conscience celui-là. "Parce que vous savez ce que ça va faire vous ?" C'est juste une vieille relique religieuse quoi. Ou pas en fait. "Vous êtes un détective ?" Et voilà qu'il me menace si j'essaie de fuir... Non sans répéter que je ne sais pas ce qu'il sait faire. "Sérieusement ? Je suis vraiment censé savoir qui est John Cons..." Je m'arrête brutalement quand la porte près de nous s'ouvre et qu'un type en sort en braillant, avec son arme devant lui. "Bordel, elle arrive cette livraison ?" Je me suis complètement figé, alors qu'il me regarde et pointe son arme sur moi... avant de s’apercevoir que je ne suis pas seul et de jurer en voyant Constantine. Ah tiens, on dirait qu'il le connaît. Et sans que je comprenne ce qu'il se passe, les choses s'emballent, l'arme se pointant sur monsieur la célébrité, mais le coup de feu ne partant jamais, me laissant pantois.

Mais pourquoi il me regarde comme ça ? On dirait une méduse morte par noyade que personne aurait songé à repêché et qui aurait fini par s’échouer sur la plage en plein été. Hum, en vrai, ça peut crever comme ça ? J’ai quand même un sérieux doute. Bref, en tout cas, il a l’air un peu à me regarder comme ça et je dis pas ça uniquement parce que je suis un poil vexé. Sérieux quoi ? Des années passées à peaufiner une réputation, à bosser sans relâche, quelle que soit la saison et ce petit branleur me reconnait pas. Tout se perd de nos jours. Vraiment tout.

Enfin bref. Je m’étendrais plus tard sur la vacuité du monde et les conneries intellectuelles du même genre. « Pourquoi ? Parce que l’entrée en scène fait tout gamin. Je veux dire, vu mon job, faut que ça fasse comme des feux d’artifices, que ça te pète à la gueule ! Paf ! » Parce que les impressionner ces fils de pute démoniaques, ça marche parfois presque autant que de les renvoyer chez eux. Et ça demande moins de boulot. Enfin, visiblement, va falloir que je réfléchisse à tout ça. Sauf que c’est bien beau tout ça, mais le petit touriste il a un truc qui m’intéresse. Qui va fatalement tomber entre les mauvaises mains si je fais rien pour rectifier le tir. « Tu peux entrer et sortir du blocus comme dans un hôtel ? Intéressant tiens. » Sans déconner, là, y a un truc à creuser. Sauf que le reste me plait moyen. « Et ton âme gamin ? T’y as pensé ? Ou celle de la personne qui va se retrouver possédée par le démon qui habite ce reliquaire ? Ou tu t’en branles ? Ouais… sauf que si ça se trouve, c’est la tienne qui va se faire bouffer. Et pas le temps de te transformer en corbeau, perroquet, coccinelle ou je sais pas quelle connerie. Ca te chopera à la gorge et ça te lâchera que si je fais quelque chose pour ça. » Là de suite, j’en aurais pas forcément envie, même pour son petit cul. Parce que j’ai comme l’impression qu’il est pas trop du genre à m'écouter sans faire de vagues. Alors forcément, je vais m’énerver, on va se prendre la tête et…

Je me fige quand il s’arrête, soupirant alors qu’on a un nouvel invité surprise. Qui pointe son flingue vers moi. J’accroche son regard et il se fige à son tour alors que je lève un index dans sa direction. « Ne quoquam exsurgatis… » Je me tourne vers le gamin et je souffle, agacé. « Sérieusement, tu sais VRAIMENT pas qui je suis ? Ca me fait mal tu sais. Regarde, il me connait lui ! Hein tu me connais ! Hoche la tête. » Ce qu’il fait, évidemment. Bon, on arrête les conneries là. « Deux options gamin. Soit je me démerde pour qu’il braque son flingue sur toi et tu me rends le reliquaire. Soit on se comporte en adultes. On discute et j’arrive à te convaincre pourquoi c’est plus intelligent de me le filer à moi plutôt qu’à ces fils de pute. Et si t’es sage, je te montrerais comment on le détruit pour éviter les emmerdes. » Parce que c’est exactement ce que je compte faire. Et si je dois le faire exploser avec, je suis pas vraiment sûr d’avoir des scrupules.

C'est quoi son job alors ? Mais je sens que si je demande, il va jouer les effarouchées en fait. Je le saurais bien un jour. Quoique, vaudrait mieux que je n'en sache pas trop sur cet homme bizarre. J'aimerai autant ne pas le recroiser en fait. Et je grimace quand il conclue avec un peu trop d'intelligence pour le coup, que je peux entrer et sortir du blocus quand je veux. Je ne sais pas trop pourquoi, mais cela ne me semble pas de très bon augure qu'un type comme lui sache cela à mon propos. Je le sens pas ce type. Déjà, il est puant d'arrogance, il est intelligent, a priori et il a l'air super louche. Voilà qu'il me parle de mon âme maintenant. Je sors alors la relique et la regarde, nettement moins sûr de moi pour le coup. Il y a un démon là dedans ? "J'ai pas demandé les détails." D'ailleurs mieux veut ne pas se montrer trop curieux. On ne répond pas aux questions de toutes façons. On 'indique un objet à aller chercher, j'y vais et je le ramène. Point barre. Ou j'en emmène. j'ai presque envie de balancer le truc par terre avec ce qu'il me dit. Ou alors, il se fout de moi. "Vous êtes un exorciste ?" Il parle bien de faire un truc contre un démon non ? "Vous avez pas la dégaine d'un prêtre en tous cas." Je le regarde de haut en bas.

Mais on vient interrompre notre petit échange fort sympathique. Et là, du coup, j'ai vraiment plus envie de faire le mariole alors qu'une arme est sortie. Sauf que le John Constantine, il n'a pas l'air plus alarmé que ça. Il baragouine un truc en... euh... latin je crois. Et il râle toujours que je ne le connaisse pas, alors que le malfrat hoche la tête docilement. Mais... What the fuck ? Et j'amorce un mouvement de recul quand il me met face à deux choix. "Vous le contrôlez ?" J'hésite un peu. "Je suis censé le livrer, si je le fais pas, je vais avoir des ennuis. Et en plus, je ne serais pas payé." J'ai pas envie d'avoir une cible sur la tête parce que je n'ai pas honoré ma part du marché et j'ai besoin de manger quand même. Il peut comprendre ça non ? "Vous pouvez vous assurer que je subisse pas de représailles ?" Genre euh... Je sais pas. Tabasser mon commanditaire, ou l'envoyer en taule ou un truc du genre quoi. En tous les cas, c'est quand même fortiche son truc de contrôler les gens. Pourquoi ne l'a-t-il pas fait avec moi au fait ? Il le faisait, je lui filais le truc et terminé au revoir. Il a peut-être l'espoir que je puisse être raisonnable sans ça...

Enfin là, je suis en train de négocier alors que je ne suis pas trop en mesure de le faire. Soit il me démonte maintenant et prend le truc. Soit je me fais démonter plus tard. Super. Sinon je tente de l'attendrir, pas sûr que ce soit très concluant d'ailleurs. Je soupire et finis par approcher non sans faire un détour afin de me tenir à distance du gorille qui ne bouge toujours pas. Je lui tends alors la relique, non sans mauvaise volonté. Il m'intrigue quand même et j'oscille entre l'envie de lui dire d'aller se faire foutre et une pointe d'admiration d'être aussi tranquille face au danger. Le mec, il doit être balèze quand même. "Et maintenant, il se passe quoi ?"

Point positif, le môme essaie pas de se tirer. Heureusement, comme dit, ce serait un truc à me foutre de mauvaise humeur. Déjà qu’en règle générale, je suis pas de bonne humeur ces derniers temps, j’ai pas besoin qu’on m’en rajoute une couche. Pourtant en temps normal, je suis du genre super sociable comme type, si, si, je vous jure, même si dans l’immédiat c’est pas hyper probant. Et que la plupart des gens avec qui je suis sociable sont morts ou disparus. Ca aide pas trop du coup.

… bref. J’essaie de jouer à l’adulte responsable en expliquant au petit ce qu’il a dans les mains. Et je lève les yeux au ciel à sa réponse. « Bin voyons. C’est plus facile de faire comme si t’étais pas responsable comme ça. Ne pas se mouiller, ça évite d’avoir à assumer derrière. » C’est moi ou les jeunes sont de plus en plus comme ça ? C’est moi ou c’est vraiment une pensée de vieux con ? « J’suis un exorciste oui. Entre autres choses. » J’ai plein de cordes à mon arc qu’il soupçonne pas et ça vaut mieux pour lui. Et quand il me regarde comme ça, j’ai un ricanement. « J’aime autant pas ressembler à ces branleurs qui pensent qu’il faut arrêter de baiser pour que Dieu les écoute. » Et encore, c’est pas le pire dans tout ça. Eux croient en Dieu, sans même être sûrs qu’il existe. Ce que je trouve totalement aberrant. Je veux dire, moi j’ai vu les démons, les créatures de l’enfer. J’ai pas besoin de croire en quoi que ce soit pour ça. J’ai vu des anges aussi. Alors, forcément, je sais. Mais croire aveuglément sans avoir eu de preuves, ça me dépasse.

Bon, évidemment, j’ai pas le temps de lui faire un speech sur le pourquoi du comment il doit me rendre gentiment le reliquaire qu’on est interrompus. Et même si je suis toujours vexé, je hoche la tête à sa question. « Hypnose. C’est basique, efficace. C’est juste que je dois garder un minimum le contact avec la personne par contre. S’il disparait de mon champ de vision, c’est cramé. Alors je lui interdis. » Mais j’avoue, c’est fun. Et je vois que je suis à deux doigts d’éviter le drame pour le gamin. A ses questions, j’ai un mince sourire. « Si tu me suis, tu gagneras plus de fric qu’avec ces connards. J’ai besoin d’un type comme toi. » Pour le reste. Je claque des doigts pour attirer l’attention du mec alors que le gamin se rapproche et me tend la relique. « Bon choix p’tit. » Mais je le récupère pas de suite, je préfère éviter de toucher cette saloperie à mains nues. Je reporte mon attention sur le gros bras et je souffle, d’une voix amusée. « T’as vu le gamin, il t’a refilé le reliquaire. Mais comme t’es un peu con, t’as fumé dans la ruelle, ça a foutue le feu à la poubelle. Et au reliquaire. Pas de bol. » Tout en parlant, je fais apparaitre une flamme entre mes doigts pour la lancer dans ladite poubelle.

Et je me tourne vers le gamin. « Maintenant, on va libérer le reliquaire de l’entité maléfique qui le possède. Tu l’as trouvé, tu dois le détruire. Sinon, y a des chances que t’aies à subir quelques séquelles pour l’avoir porté sans gants. » Bon, c’est pas tout à fait le cas, mais autant lui faire un peu peur non ? « Si tant est que t’es pas déjà possédé sans même le savoir. » J’ai un large sourire en disant ça. « C’est quoi ton nom gamin ? »

"Mais de quoi je me mêle au juste ? Dans cette ville, moins on en sait, mieux on se porte." Poser des questions et être trop curieux, c'est le risque de se faire dégommer. Je suis un coursier, point barre, alors ce serait bien que blondinet arrête de me faire la morale et de vouloir jouer avec ma conscience. Parce que ça marche un peu trop bien en fait et qu'il va me faire culpabiliser cet abruti. Et j'apprends qu'il est un exorciste. Entre autres choses donc, d'après lui. C'est vague ça. Il aime me balancer les infos au compte gouttes quand même. Je suppose que c'est ma faute ça, je n'ai qu'à savoir qui il est et connaître tout son CV, puisque apparemment, j'ai affaire à une célébrité, rien que ça. Sauf qu'il n'a pas l'air d'un prêtre et j'affiche une mine choquée à sa réponse pleine de sarcasme. On dirait que lui en tous les cas, il n'a pas fait vœu de chasteté. Ni d'amabilité au passage.

Mais nous sommes vite interrompus par un des gorilles qui rapplique, s'impatientant de ne pas me voir débarquer. Des fois, je me demande si mes clients ne prévoient pas de me buter purement et simplement à la livraison. J'essaie d'être prudent et malin, de m'assurer de quelques garanties, mais cela ne fonctionne pas toujours. En l'occurrence, sur cette affaire là, je le sens pas mon client. Je suis quasiment sûr qu'il n'a pas l'intention de terminer de me payer. Mais Constantine intervient et... contrôle le sbire. Carrément ? Balèze cette hypnose, on est loin des trucs basiques pour arrêter de fumer quoi. Et voilà qu'il se fait plus bavard, m'apprenant même comment ça fonctionne. Ne pas disparaître de son champ de vision... Je note ça dans un coin de ma tête, on ne sait jamais. "Pourquoi vous avez pas fait ça avec moi au lieu de discuter ?" C'est vrai quoi, pourquoi perdre son temps quand il peut avoir ce qu'il veut avec ses pouvoirs ?

J'essaie quand même de tirer un peu sur la corde sensible en lui demandant de s'assurer que je ne me fasse pas buter si je lui donne ce qu'il veut. Je demande sa protection quoi. Mais sa réponse me surprend. Le suivre ? Besoin de moi ? Il veut genre, m'employer ? J'en demandais pas tant en fait. "Vous voulez m'employer ?" Je me range finalement à ses arguments et lui file le reliquaire, répondant avec un air nonchalant : "J'suis pas sûr d'avoir eu le choix." Pourquoi il ne s'en saisit pas ? j'ai l'air con à tenir ça comme ça moi. Il se préoccupe alors du sbire et commence à lui raconter une histoire un peu bizarre... Il va vraiment réussir à lui implanter ça dans la tête ? Et je sursaute quand il fout le feu en faisant apparaître du feu par magie. Mon excitation monte alors direct en flèche et c'est le regard brillant d'étoiles que je commente : "Vous pouvez créer du feu en plus ? Putain, mais c'est trop cool !" Oui, j'oublie facilement que le mec m'a un peu menacé et qu'il a des pouvoirs que j'ignore.

Il me calme d'ailleurs direct ensuite. Je blêmis, quand il me dit que je peux subir des séquelles pour avoir manqué de précautions. "Sérieux ?" Et ma mine se fait horrifiée quand il parle de possession. Je secoue la tête avec véhémence : "Je ne suis pas possédé." N'importe quoi. Absolument rien n'a changé et je n'ai rien senti non plus en tenant ce truc. Surtout qu'il rigole. "Vous voulez me foutre le boules en fait." Je me fais accusateur, avant de lâcher, presque boudeur : "Garfield. Mais vous pouvez m'appeler Gar." Je soupire. "Bon alors, je fais quoi avec ça moi ?"

Je fixe le gamin un instant, avant de secouer la tête. « C’est là que tu te plantes. La connaissance, c’est la clé. Si tu sais rien, ces fils de pute peuvent te manipuler comme ils veulent et t’utiliser. Alors que, de ce que j’en vois, je pense que tu mérites un peu plus de… considération. J’me goure ? » J’ai un bref sourire en coin avant de lui expliquer qui je suis vu que ce branleur est vraiment inculte à tous les niveaux visiblement. Et on dirait qu’il a des oreilles chastes et pures à voir sa réaction quand je lui parler. Après, à sa décharge, il a pas passé des années à côtoyer des démons qui m’ont proposé plus d’une fois d’aller sucer des bites en enfer. Ca aide pas mal. Et moi, j’ai fini par m’habituer au pire. Ce qui n’est pas forcément une bonne chose, je veux bien le reconnaitre.

Me faut pas beaucoup de temps pour me débarrasser sans coups de notre petit invité surprise. Et j’avoue que j’en rajoute potentiellement un peu une couche, juste pour l’impressionner un peu. On dirait que ça marche en tout cas et je suis pas peu fier de mon coup. « Pourquoi ? Je sais pas… ptet que je me suis dit que t’étais pas une cause perdue. » Et que j’ai douté que mon pouvoir soit efficace sur lui vu sa nature un peu particulière. Mais la première version étant autrement plus classe, je préfère m’en contenter. Je continue de manipuler mon nouveau jouet, essayant de trouver une histoire à peu près plausible avant de souffler en direction du gamin. « Pourquoi pas ? Tu sais dégotter des trucs visiblement. Et tu vas avoir besoin d’un nouveau job on dirait. » Sans compter que ça m’arrange qu’il ne livre pas les mauvaises personnes. J’ai un léger froncement de sourcils à sa répartie avant de reprendre, plus sérieux. « N’oublie jamais que t’as toujours le choix. Le libre-arbitre, c’est ce qui importe le plus. »

Forcément, à sa gueule de gamin devant un spectacle, je peux pas m’empêcher de sourire crânement avant de hausser une épaule. « J’suis plein de talents cachés oui. Et encore, c’est plus impressionnant quand je fais des pentagrammes et autres joyeusetés. » Là c’était juste une petite flamme, rien de bien méchant ou qui pompe beaucoup d’énergie. Je le toise un instant alors que visiblement, je vais pas avoir besoin d’en faire des caisses pour lui faire peur. C’est parfait. Au moins, il pige vite et il est impressionnable sans trop de difficulté. « Ah parce que tu sais quels sont les signes d’une possession ptet ? Je faisais des exorcismes que t’étais même pas né gamin, je sais de quoi j’parle. » J’ai quand même un rire avant de hausser une épaule. « Possible. Ou juste que je suis tellement habitué à voir ça que je m’en formalise pas. » Je regarde autour de nous avant de désigner un magasin de disques qui a l’air abandonné juste en face, dans la rue. « On va aller là-bas. Et nous débarrasser de ce truc avant que tu commences à parler une langue morte en tournant ta tête à 180 degrés. Ca te va ? » A dire vrai, j’attends même pas sa réponse et je commence déjà à me rendre en direction du magasin d’un bon bas, non sans rallumer une clope en cours de route. Je casse la fenêtre pour déverrouiller de l’intérieur et je rentre, hochant vaguement la tête pour valider mon idée. Ce sera assez calme pour ça ouais.

J’entends des pas derrière moi et je reprends, sans même m’assurer que c’est lui. « Aide-moi à pousser les bacs de disques. Faut assez de place pour tracer un pentacle de de deux mètres environ. » Et je commence à pousser le tout, les meubles raclant le sol et résonnant dans le silence du magasin. Ca pourrait presque sembler glauque si j’étais pas habitué à ce genre de trucs en plus du reste.

Je ne suis pas totalement d'accord avec lui. La connaissance est utile oui, mais pas dans certaines situations en fait... Pis c'est facile de se la jouer kéké quand on a des supers pouvoirs comme lui en fait. Moi, mon truc, c'est plutôt de faire profil bas. Et ce n'est pas la peine de tenter de m'amadouer en me flattant, je ne suis pas aussi con. "Et quand tu en sais trop, tu es gênant et vaut mieux t'éliminer." Sans compter que je n'ai pas envie de savoir ce que mes employeurs font, parce que cela viendrait me poser des problèmes d'ordre moraux et m'empêcheraient très probablement de faire le moindre boulot. C'est sans doute lâche comme mentalité, j'en ai conscience, mais je ne suis pas assez corrompu pour souhaiter faire le mal. Même si je sais que ce que je fais, peut contribuer à aider le mal, mais bon... j'essaie de ne pas trop y penser.

Par contre, je ne comprend pas trop pourquoi il discute avec moi comme ça, alors qu'il pourrait facilement obtenir ce qu'il veut avec ses tours de passe passe. Qui m'impressionnent clairement, évidemment. Ce qu'il fait, c'est carrément trop cool, et angoissant aussi. Je dois avoir une bonne tête pour qu'il prenne la peine de parlementer. "Mouais." Je ne suis pas convaincu par son explication, mais ma foi, ça m'évite d'être une marionnette, alors je ne vais pas faire le difficile. Et voilà qu'il lui prend l'envie de me recruter. Je suis méfiant. Je ne sais même pas qui il est. En quoi vaudrait-il mieux que les autres au juste ? Après, si je peux continuer comme ça et sans aider des sales types, je ne suis pas contre non plus. "Oui alors le choix entre faire ce que vous me dites gentiment ou me faire tabasser pour que vous obteniez le truc... Je n'appelle pas ça un choix." Mais il est rudement sérieux concernant le libre arbitre quand même.

Je lui fais quand même part de mon excitation concernant ses pouvoirs et je vois que cela gonfle son orgueil qui ne doit pas être loin d'exploser en fait. Quand il parle de pentagramme, je pense forcément sorcellerie. Alors c'est ça ? C'est un sorcier ? C'est ouf comme truc. Je ne savais même pas que ça existait. Mais alors pourquoi est-ce qu'il cause de possession au juste ? Il m'embrouille, avant que je ne fasse le lien avec l'exorcisme. "Je ne vous pensais pas si vieux." Alala ce que c'est agaçant cette condescendance envers les plus jeunes quand même. Genre le mec il a déjà tout vu quoi. Mais non, je ne suis pas possédé, même si il essaie de me coller le doute. Je le saurais quand même. Je suis complètement moi là. Je l'accuse de se foutre de moi et chercher à me faire peur et il ne répond ni par l'affirmative, ni par la négative.

Bon, maintenant, faut que je me débarrasse du truc. Ça m'agace de faire ce qu'il me dit mais bon... Il y a 90% de chances qu'il se foute de moi, mais je n'ai pas envie de prendre de risques pour les 10% restants en fait. "J'ai très envie de vous montrer qu'on peut tourner la tête à 180 degrés sans être possédé, mais ça attendra." Pas envie de me foutre à poil maintenant. Je lui emboite le pas. Le mec il est habitué à diriger et qu'on fasse ce qu'il dise je crois. Çà m'agace un peu. Et voilà qu'il entre par effraction, tranquille. Je grimace au bruit de verre brisé. "Y'avait moyen d'entrer discrètement hein... Et sans rien abimer." Mais je crois qu'il s'en fout. Je soupire et viens l'aider à faire de la place donc, avant de le regarder tracer son pentacle, les bras ballants; me demandant ce que je suis venu foutre dans cette galère, mais avec un fond d'excitation également face à l'inconnu. Il n'y a apparemment pas âme qui vive dans le coin, mais ce silence a quelque chose d'angoissant.

Je le fixe, laissant filer un silence pensif. Au moins, il prend le temps de réfléchir, plus que ce que j’aurais cru au premier abord. « T’es pas non plus obligé de dire que t’en sais trop. Passer pour un con et grapiller un max d’infos, c’est pas mal aussi. Mais dis-toi que, plus tu en sais, plus tu es capable de survivre à tout ce qui nous entoure. Et même les crétins qui savent que dalle se font aussi éliminer. Donc à toi de voir comment tu veux vivre ta vie. » Moi j’ai choisi mon camp depuis longtemps mais il est encore jeune. Il peut basculer d’un côté ou de l’autre. Difficile à dire. Je peux piger qu’au final, il pas envie de payer si les mecs en face sont de mauvais poil et décide de l’éliminer parce qu’il en sait trop. Mais au moins, je sais que je peux décider de la façon dont je mène mas vie, avec tous les inconvénients que ça peut avoir.

Il a pas l’air bien convaincu sur le pourquoi du comment j’agis comme ça avec lui. Faut dire que je le suis pas complètement moi-même non plus, ça doit pas aider à être convaincant. J’ai quand même un sourire narquois à sa répartie et je hausse une épaule. « T’as eu le choix au départ, en décidant ou non de transporter un objet qui pue la magie noire à des kilomètres. Et tu savais que tu bossais pas pour des enfants de cœur. Accessoirement, je tabasse rarement les gens, simplement ceux qui essaient de me casser la gueule en premier. Si t’avais refusé, je t’aurais juste menacé de le faire. » En tout cas, je sais pas si mon petit speech fait mouche ou pas. J’ai dit ce que j’avais à lui dire, reste à voir s’il va en tenir compte ou pas.

Je lève un sourcil quand il reprend avant de souffler, non sans continuer de le toiser. « T’as quoi ? 20 ans ? J’ai fait mon premier exorcisme à 15 ans. Donc t’étais pas né je confirme. Et la gamine a fini par se faire bouffer par un démon juste sous mon nez, parce que j’ai été assez arrogant pour croire que je gérais ou que la possession, c’était facile à repérer. T’es toujours sûr de ton coup ? » Je pourrais jamais oublier cette môme, quand bien même je devrais vivre 100 ans ce qui, vu la vie que je mène, n’arrivera probablement pas. Je me demande si elle m’attend en enfer tiens. Ptet même qu’elle tiendra la porte et que je passerais le reste de l’éternité à l’entendre me reprocher de ne pas avoir pu la sauver.

Au reste de ses propos, je croise les bras, dubitatif. « Ah ouais ? J’suis curieux de voir ça gamin. » Je sais pas si sa capacité de se transformer vient du fait qu’il est méta ou si c’est de la magie, difficile de savoir là, comme ça. « La discrétion ? Vu ce qu’on va faire, autant dire que ça sert à rien. Mais t’as pas entièrement tort. » J’arrête de pousser le meuble pour poser une main sur le sol en murmurant, alors que la vitrine et la porte semble devenir trouble l’espace d’un instant. « obice invisibilia… » Je relève la tête en direction du gamin, me frottant les deux mains. « Voilà, personne entrera tant qu’on passera pas nous-même la porte. Personne ne sortira non plus. » Et, une fois les meubles poussés, je trace un pentacle avec la craie que j’ai sortie de ma poche, plus sérieux que depuis le début de notre conversation. « Okay gamin, tu mets le réceptacle au milieu du pentacle et tu viens près de moi. Je suppose que tu sais pas lire le latin ? » On sait jamais, sur un moment d’égarement. « Les runes que j’ai tracées dans le pentacle vont faire ressorti ce qu’il y a là-dedans. Si on a du bol, ce sera un démon mineur et il sera emprisonné dans le pentacle. Si on a pas de bol… » Je me contente de hausser une épaule alors que je retrousse mes manches et que je pose mes deux mains à plat sur le sol, marmonnant une litanie en latin sans vraiment lui prêter attention. Le reliquaire commence à briller et à devenir rouge pendant que je récite et, quand j’ai terminé, il y a une silhouette qui flotte au-dessus, qui nous fixe avec un sourire mauvais sur les lèvres. Il me faut quelques secondes pour le reconnaître et je lève un sourcil, un rien surpris. « Salut Elafon. Ca faisait un bail… » Je me tourne vers le gamin et je souffle, d’une voix tranquille. « Démon mineur. Un espion. » Et j’attends de voir la réaction du petit avant de faire quoi que ce soit. Des fois qu’au final, il m’ait pris pour un con et qu’il sache exactement ce qui se passe là, de suite, voire qu’il l’ait provoqué.

Attendez deux minutes. Comment on en est arrivé à ce qu'un mec chelou me donne une leçon sur la vie et comment je dois la mener ? Je ne sais pas trop. Je ne le connais ni d'Eve ni d'Adam mais nous voilà à papoter dans ce quartier craignos, alors que je suis quand même censé faire ma livraison et empocher mon fric avant de filer de là rapidos et de retourner chez moi. Sauf qu'il y a une ombre au tableau et cette ombre, c'est ce type arrogant qui pue la clope, mais qui a des pouvoirs trop cools. Et dangereux. Et si il s'en fiche de s'en servir sur les autres, il semble moins enclin à le faire sur moi, perdant son temps à essayer de me convaincre au lieu de récupérer ce qu'il veut par la force. Parce que je ne me leurre pas, si il le veut, il l'aura et je ne ferais pas le poids, aussi rapide sois-je à me transformer. Je n'ai pas d'expérience. Lui, si. Je ronchonne quand même pour la forme : "Je savais pas que la magie avait une odeur." C'est pas ma spécialité hein. Cependant, j'ai un rire un peu sec à la suite. "Les enfants de chœur, ils sont morts. Ou ils n'ont pas besoin de type comme moi." Ce sont les durs qui font la loi. C'est donc à eux que j'offre mes services pour vivre. "Super." Est-ce que je l'aurais cru si il avait menacé de me casser la gueule ? Probablement que oui. Et je ne suis pas un très bon combattant. j'ai plus tendance à me tirer qu'à vraiment me lancer dans une bagarre et quand ça arrive, je ne sors pas vainqueur.

Je m'agace quand il me sort du gamin et me prend de haut et réponds un peu sèchement concernant son âge. Là, il me fait un petit laïus sur son parcours. Exorcisme à 15 ans et gamine morte parce qu'il s'est cru plus fort qu'il ne l'était. Arrogant. "On dirait que vous avez rien appris niveau arrogance." C'est parti tout seul. Parce que si je ne sens pas la magie noire, lui en revanche, il est puant d'arrogance. Je sais pas, cela me serait arrivé, j'aurais fait preuve d'un peu d'humilité. Est-ce qu'il regrette ce qu'il s'est passé ? Si ce n'est pas le cas, alors ce mec n'a pas de conscience, quand bien même on ne peut se fustiger éternellement pour une erreur de jugement. Cela dit, non, je ne suis plus aussi sûr de mon coup et je rends les armes, prêt à l'aider. Même si j'ignore complètement dans quoi je suis en train de foutre les pieds. Je me permet quand même une petite remarque sur la possession et le fait de tourner la tête complètement et il ne semble pas s'en étonner outre mesure. Il est juste... curieux. "Si vous êtes sage."

Quoiqu'il en soit, il nous emmène un peu à l'écart et entre par effraction, me faisant grimacer et protester sur la méthode employée. Il fait alors un truc sur le sol et je sens mes poils se hérisser. Super... Je suis prisonnier là dedans, avec ce type bizarre. Vraiment super... Je jette instinctivement un regard vers la sortie, mais aussi sur les autres sorties potentielles. Je n'aime pas être pris au piège comme ça en fait. Mais je tiens ma langue et continue de l'aider, le regardant dessiner un pentacle au sol, comme dans les films, avant de s'adresser à moi. "Pourquoi je saurais lire le latin ?" A quoi cela me servirait au juste ? Je n'ai pas fait de grandes études. Je pose donc le truc au milieu du pentacle comme demandé et me rapproche de Constantine. Il y a vraiment un démon dans ce petit objet ? Je frissonne et recule un peu alors qu'il laisse sa phrase en suspens, me laissant imaginer le pire. J'ai vraiment envie de me tirer. Et en même temps, ça me fascine, alors que je suis pris d'une curiosité malsaine. Cela ressemble à quoi un démon en fait ? Par prudence, je me met derrière Constantine quand même. Et j'assiste, médusé, et pétrifié, à l'apparition d'un démon donc. Qui semble connu de mon drôle de nouvel ami. Il semble calme, donc c'est que cela ne doit pas être un danger de mort imminente, hein ? Je hoche la tête quand il complète la présentation et bredouille : "O... Ok... " Tout mon corps est tendu dans l'optique de fuir rapidement si jamais y'a un soucis. Ou de me transformer en... n'importe quoi. "Espion ?" J'ai la bouche un peu sèche et mon cerveau au ralenti. Un démon espion ? mais qu'est-ce qu'il fout là dedans ? Et mon commanditaire voulait un espion ? Je capte rien, c'est terrible...

Je grimace quand j’prends une nouvelle clope, louchant sur le paquet presque vide. Va falloir que j’aille me refaire un stock. Bon, chaque problème en son temps. Pour le moment, j’me focalise sur le gamin que j’ai quand même réussi à faire un peu flipper. Je sais pas si ce sera suffisant pour qu’il évite de refaire la même connerie, qu’il arrête de rapporter des trucs dangereux aux mauvaises personnes. Je retiens un soupir à sa remarque, haussant une épaule. « Tout a une odeur. C’est juste très… particulier. Tu devrais renifler l’artefact, si t’as des sens affûtés, tu comprendras ce que je veux dire. » Je le toise un instant quand il reprend avant de secouer la tête. « Pas tous. Y a toujours des gens assez cons pour jouer aux super-héros tu sais. Même s’ils se planquent bien. » J’en ai croisé quelques-uns, en bossant avec la Justice League, même si c’est clairement pas la même cam’ que moi. « J’ai bossé avec certains d’entre eux. J’en ai même trouvé des plutôt sympas. Alors j’aimerais autant qu’ils soient pas tous canés. » Et je lève mon pouce dans sa direction, sans un sourire pas du tout forcé. « On dit merci quand on est poli. Allez, on se bouge. »

Je lève un sourcil quand il continue. Il a pas sa langue dans sa poche le gamin, je sais pas si je trouve ça marrant ou si ça va me casser les couilles. Les deux n’étant pas incompatibles, je me contente de souffler, mon sourire plus franc et plus narquois. « Je sais quelles sont mes limites maintenant. Et je sais que j’aurais du sang sur les mains toute ma vie, quoi que je fasse pour rattraper le coup. Je ne l’ai pas sauvée. Je ne pourrais jamais revenir en arrière. Mais je peux pas me noyer dans les remords, ça  la fera pas revenir non plus. Appelle-ça de l’arrogance si tu veux. J’dirais plus que je suis réaliste. » Et j’ai un rire à sa réplique. « Tu crois vraiment que je peux être sage ? J’suis impressionné. »

Enfin, on se retrouve dans le magasin de disques et là, on va arrêter les conneries. Je commence à préparer le terrain, me faisant plus sérieux, la mine concentrée alors que je trace les lignes. Et je lève un sourcil à sa question. « Tu pourrais avoir des talents de société cachés. Parler plusieurs langues peut s’avérer super pratique. Surtout pour insulter les gens sans qu’ils pigent. » Il ne faut pas longtemps pour que le démon que contenait l’artefact se révèle et, alors que j’observe le gamin pour voir sa réaction, je suis plutôt satisfait de voir qu’il a quand même l’air de flipper un peu. Donc il devait vraiment ne pas savoir ce qu’il trimballait. « Espion oui. Les démons n’ont pas le droit, en théorie, de venir sur terre. Comme les anges. Mais ils tentent parfois d’envoyer des espions pour voir si la route est libre. En espérant tomber sur un innocent qui pourrait être possédé plus facilement. »

Le démon gronde pendant que je parle et ses doigts deviennent des griffes alors qu’il essaie de nous toucher. J’attrape le gamin par le col pour le reculer hors de portée et je reprends, plus sérieux que jamais. « On dirait qu’il est de mauvaise humeur ce connard. » Je sors de la poche intérieure une flasque je lance en direction du gamin. « Tiens, si tu veux boire un coup. Histoire de pas tomber par terre. Parce que la suite va être un peu… hardcorde. » C’est toujours dégueulasse de voir un démon repartir d’où il vient. Que ce soit le bruit, ses hurlements et ses tentatives de déstabilisation, l’odeur de soufre ou le résultat final, cette espèce de gélatine qui disparait, comme si de rien était. « J’espère que t’as rien à cacher sinon, évite vraiment de le regarder dans les yeux. C’est un conseil. » Et j’inspire longuement avant de virer mon manteau, de le poser délicatement par terre et de me mettre à genoux, relevant les manches de ma chemise pour dévoiler mes tatouages. Et je plaque mes deux avant-bras l’un contre l’autre, avant de capter le regard du démon. « Ca va être l’heure de repartir chez toi fils de pute. » Normalement, ça devrait pas déraper. En théorie. Mais j’ai pas souvent un public pour ce genre de petite fiesta, alors on sait jamais.

Je ne suis pas sûr d’avoir envie de le renifler cet artefact maintenant qu’il en parle. Je n’ai pas cherché à le faire. J’ai des sens un peu plus affutés que la normale, certes, mais c’est rien comparé à ce que je peux faire sous forme animale. Selon certaines formes. Il faut savoir bien choisir. « j’y penserais la prochaine fois, merci du tuyau. » La prochaine fois ? Quelle prochaine fois ? Quand aux « gentils »… Je fais remarquer qu’ils ne font pas long feu et il me contredit en parlant des super héros qui se planquent. Ouais ben, qu’ils se planquent pas, c’est pas leur boulot de faire ça… Et vu ce qu’il en dit, je suppose qu’il n’est pas à ranger dans cette case de gens trop bons trop cons. Je ne suis pas très étonné, il n’a pas spécialement le profil non plus hein. Et là, il vient péter tout le préjugé que j’ai pu avoir sur lui en avouant qu’il a déjà bossé avec eux et en a même trouvé certains sympas. J’ouvre de grands yeux surpris… comme un gamin quoi. « Sérieux ? Vous avez bossé avec des super-héros ? » J’en oublie de me montrer sarcastique en lui demandant si du coup, il est con aussi parfois. Il y a peut-être même des étoiles dans mes yeux là. Qui disparaissent quand il nuance sa réponse, avant de me reprendre. Je hausse un épaule et me retiens très fort de lui faire un geste fort peu poli pour agrémenter.

Parce que bon, je suis embrigadé dans un truc qui me dépasse et ne me concerne pas en plus. Je tire sans doute sur la corde en parlant de son arrogance, mais il me tape un peu sur le système. Il répond cependant assez calmement. Et sérieusement. Et du coup, je n’ajoute rien, parce que j’ai beau être un sale gosse parfois, je sais aussi quand je dois m’arrêter. Et là, on parle quand même de la mort d’une gamine suite à un exorcisme. C’est glauque.

L’ambiance change du tout au tout quand on se retrouve dans le magasin et qu’il commence à faire son truc sur le sol, me demandant si je cause latin. Ahahah. Non. Je parle un dialecte africain, mais je doute que cela me soit utile là maintenant. « J’en ai peut-être mais pas celui là. » Je le toise un instant à son emploi des langues étrangères. Insulter les gens sans qu’ils le sachent. Vraiment ? « Vachement mature ça. » Et c’est moi le gamin… Mais mon flegme disparaît complètement quand le démon apparaît. Oh la vache… C’est tellement flippant. Je ne suis plus du tout serein là. Et j’ai même peur en vrai. Je demande quand même quelques explications à Constantine. J’espère qu’il sait ce qu’il fait. Lui, il a l’air super zen, alors je me dis que ça va bien se passer. Mais bon, de ce que j’en sais, il n’en a rien à foutre de ma vie donc bon… « Attends, quoi ? des anges ? » Merde ça existe ? Il me balance trop d’infos l’air de rien quoi… « Faut être un pourri pour pas être possédé ? » On dirait.

Et concentré sur l’exorciste, je ne fais pas assez attention au démon, alors que je me sens tiré en arrière et que je sens l’air fouetté par la main griffue derrière moi. OK… Non, mes jambes ne tremblent pas, c’est faux. Alors pourquoi est-ce que la flasque qu’il me tend et que je saisis tremble aussi ? Allez on se ressaisit… J’ai quand même super envie de me transformer en souris et de me planquer dans un coin. « Y’a quoi là dedans ? » Je suis méfiant alors que je renifle. Wow ça doit être fort. Bon allez, je goûte. Et je tousse. Je sens tout mon tube digestif c’est super. Je lui rend son tord boyaux et je me dis que je vais peut-être fermer les yeux. Sauf que je suis un petit curieux, donc je ne vais pas le faire. « Quoi ? » Rien à cacher ? Ben euh… non, pas spécialement. Je le regarde s’installer, je regarde les tatouages et j’écoute sa façon peu conventionnelle de s’adresser à un démon. J’essaie de ne pas trop regarder le dit démon, mais… A un moment, je dérape et je ne peux retenir ma curiosité… Je croise le regard du truc, alors que Constantine a commencé son rituel. Et je sens que ça s’insinue dans mon esprit et je perds pied. Je recule encore, jusqu’à buter dans le mur derrière. Je ne suis plus à Starcity, je suis sur le bateau… « Non.. non… non… »

Marrant comment on peut se retrouver à parler d’artefacts comme si de rien était. Enfin, perso, je m’en branle hein, c’est mon quotidien et tout. Mais vu la gueule du gamin, c’est pas trop son délire de base au petit Garfield. C’est pas le nom d’un chat ça ? Probable, mais j’ai comme l’impression que si je lui demande, il va tirer la gueule. « C’qui est important aussi, c’est de pouvoir sentir la magie sur les gens. Genre moi, si tu zappes la clope froide, tu pourras sentir la magie noire. Ca te donnera une idée. » Au final, fumer m’aide pour éviter de trop me faire repérer, comme quoi, y a au moins UN avantage à cette merde. Je lève un sourcil à sa question avant de hocher la tête. « Ouais, mon amie est… était dans la Justice League. Du coup elle essayait de me faire avoir des bonnes fréquentations. J’ai bossé avec Batman principalement. Et quelques autres. Pourquoi ça t’étonne autant ? J’bosse pas qu’avec des clodos hein gamin. » C’est qu’il va vraiment finir par me vexer ce petit con.

Enfin bref, je vais pas me focaliser là-dessus. On a du boulot et ptet que j’ai aussi un peu envie de me venger de façon totalement mesquine en lui foutant un peu les jetons. Enfin, faut pas non plus trop en faire, j’ai pas envie qu’il soit traumatisé non plus le gamin. « Et t’as quoi d’autres comme talents ? A part te transformer en piaf donc. » De la curiosité, rien de plus Je pigerais qu’il ait pas envie de répondre, après tout, on se connait pas. « Il parait que le niveau de maturité dépend de la personne avec qui on parle. » J’ai un sourire en coin alors que je me concentre sur la préparation du rituel. Et, comme toujours, ça fonctionne. Alors non, c’est pas de l’arrogance, juste de l’expérience. D’autant que, parfois, j’aimerais bien que ça foire. « Des anges oui. Si le mal existe, le bien aussi. Il parait. » Même s’ils sont vachement moins visibles, présents et j’en passe. Je ricane à sa question avant de secouer la tête. « Les pourris sont plus faciles à posséder oui. Mais les démons aiment corrompre la pureté. Il y a du vrai challenge et la douleur que ressent la personne possédée les fait kiffer au point de prendre ce genre de risques. Le top du top, c’est la nonne de couvent. »

J’inspire longuement, concentré par ce que j’ai à faire. « Whisky pas cher. Et eau bénite. » C’est ce point qui est bien évidemment le plus important. Je lui file les règles de base, histoire qu’il fasse pas trop la merde et qu’il finisse pas roulé en boule dans un coin parce qu’il aura eu des images gravées dans sa rétine au point de plus pouvoir s’en remettre. Visiblement, il a l’air de rien avoir à cacher, ce qui m’étonne. Parce que ouais, tout le monde a un squelette dans son placard, qu’on en ait conscience ou non. Ca peut être un truc énorme comme un truc totalement ridicule. Mais dans tous les cas, on a toujours un truc qui nous hante, d’une façon ou d’une autre. Et que ces salopes démoniaques aiment à exploiter.

… la preuve, c’est que le regard de l’espion se détourne pour fixer Garfield. Et que j’entends le gamin murmurer. Je soupire avant de me relever pour me planter devant le gamin et j’accroche le regard du démon sans sourciller. Oh, évidemment, j’ai un putain d’effet boomerang qui me fait chanceler. De la mort de cette môme il y a 20 ans en passant à tous ceux que j’ai dû tuer pour le bien de l’humanité. Des conneries tout ça, je vous le garantis. Et ce doute, dans lequel il saute à pieds joints. « Pourquoi continuer John ? Après tout, tu n’as plus rien ici. Tu n’as plus rien nulle part. Elle est morte. Comme tous les autres. Parce que c’est ça que tu fais. Tu fais mourir les gens que tu aimes. » Il a un rire alors que je suis incapable de détourner les yeux de lui mais je finis par souffler, d’un ton agacé. « Mais tu vas la FERMER connard ? » Je sors un couteau rituel de ma poche que je lance au gamin. « Balance-lui ça ! Et vite ! » Avant que je finisse par craquer ou que l’autre décide de se focaliser sur Garfield. Dans les deux cas, ce serait pas bon.

Je fronce les sourcils aux paroles de Constantine. La… magie noire ? Attends, c’est pas super ça comme information en fait. « Vous manipulez la magie noire ? » Oh cette question en cache tout un lot, évidemment. Et je suis presque sûr que ça va le faire marrer. Par contre, j’ouvre des yeux ronds comme des soucoupes quand il parle de la Justice League. « Vous avez pas l’air d’être un super héros ou d’avoir à cœur de sauver les innocents. » Il a plutôt la gueule du type qui fait son propre business et chercher un peu un avantage à toute situation. Si aider les gentils peut lui apporter un truc, il le fera. Sinon, qu’ils se démerdent. Mais je me plante peut-être.

A sa question, je l’observe et hausse une épaule : « C’est mon seul talent. Je peux me transformer en… n’importe quel animal. Je crois. Je n’ai pas tout testé, y’en a trop. » Et faut quand même que je sache à quoi ressemble l’animal, donc que mon cerveau ai imprimé son apparence. Alors autant dire que sur les milliers d’espèces qui existent, y’en a une foule que je ne connais pas et que je n’ai jamais vu. J’ai pas de soucis à lui dire ça. Je suis grillé de toutes façons. Ah et il me tacle aussi un poil au passage. C’est cadeau. « Bien renvoyé. » Je ne m’offusque pas. Je n’ai jamais prétendu être mature. Le coup des démons et donc des anges, par contre, ça me déstabilise pas mal. Et je fronce les sourcils face à son cynisme concernant le bien. Pas terrible comme mentalité ça. J’apprends aussi que les démons prisent la pureté niveau possession. Ah… Bon, je ne suis pas pur non plus, du moins, pas autant qu’une nonne de couvent, mais euh… L’information ne me rassure pas des masses quand même. « La pureté des nonnes, je suis sûr que c’est surfait. » De certaines en tous cas. Comme des prêtres. De toutes façons, qui peut se targuer d’être vraiment pur en fait ? Surtout maintenant.

Il me fait boire sa décoction avant de commencer, un truc bien fort et bien dégueu. Et j’ai presque envie de recracher quand il me dit ce qu’il y a dedans. « C’est censé purifier de l’intérieur ? » De l’eau bénite à boire. Vraiment ? Il me donne quand même encore quelques tuyaux, avant de révéler le démon qui se cache dans l’artefact et qui manque de me choper. Heureusement, le vieux a des réflexes. Moi aussi… Normalement. Mais pas dans cette situation inédite et incroyable. Et je commets l’erreur… qui me met en PLS et me fait oublier tout ce qu’il se passe autour. La torture s’arrête subitement et j’halète. Je tente de reprendre mes esprits, tout en entendant le démon parler et je frémis face à ce qu’il dit à cet homme. C’est… horrible. Je note qu’il s’est mis devant moi, face au démon. Je sais pas ce qu’il lui fait, mais il encaisse vachement plus. Il me lance alors un truc, qui tombe avec un bruit métallique devant moi. Un couteau… Hein ? Comment ça lui lancer ça ? Confus, je m’en empare. Lui lancer ? Euh… non, sois pas con Gar, tu vas pas lui filer une arme à ce démon. Le poignarder avec ? je sais pas faire ça moi… Sauf que je sens bien la tension et le temps qui file bien trop vite. Je resserre ma prise sur le manche de la lame et me redresse, avant de filer vers le démon dans le but de lui planter la lame dans le corps.

Je fixe le gamin alors qu’il a pas l’air jouasse de m’entendre parler de magie noire. « C’est un problème ? Tu sais, la magie blanche ou noire c’est pas tant le problème. C’est surtout la façon dont on s’en sert. Et on comprend mieux ceux qui déconnent avec la magie si on en connait le côté obscur. » Je me suis fait vachement sérieux avant de le fixer, non sans ricaner. « Je te confirme, je suis pas un héros. Loin de là. Mais l’innocence… c’est quelque chose d’important. Qu’il faut essayer de préserver. Le mal est partout, alors faut bien se démerder pour que les rares trucs chouettes tiennent le coup. Tu crois pas ? » La question attend pas vraiment de réponse, on va pas se leurrer. Et puis, on continue de papoter, comme si de rien était.


J’avoue que ce qu’il me dit me rend carrément curieux en plus. « C’est déjà un putain de talent hein. Tu récupères leurs… compétences ? J’sais pas si c’est le bon terme mais tu vois l’idée ? Genre la force d’un gorille, l’odorat d’un clebs… » C’est pas commun comme pouvoir en tout cas. En vrai, à bien y réfléchir, je crois que c’est la première fois que je tombe sur un spécimen pareil. C’est ptet pour ça que j’ai une grimace et que je souffle, regardant autour de moi plus par réflexe qu’autre chose alors que je me suis assuré qu’on soit tranquilles. « … tu devrais faire gaffe gamin. Y a des gens que ton pouvoir pourrait grave intéresser. » Et qui seraient prêts à lui faire tout et n’importe quoi pour s’assurer de l’avoir sous leur coupe.

Enfin, c’est pas un pouvoir démoniaque, fondamentalement, je devrais m’en foutre. Et c’est le cas. Plus ou moins. Disons qu’il est innocent, donc je veux pas non plus qu’il lui arrive des bricoles. Encore moins alors qu’on va bosser ensemble sur cette histoire. « A ton service. » Il l’a bien cherché et il le prend pas mal, c’est cool ça. Et je lui lance un regard en coin, non sans tousser un rire. « Tu serais surpris. C’est surtout que la notion de pureté est plus vraiment la même qu’il y a plusieurs siècles. Alors une femme qui a décidé de vouer sa vie au seigneur c’est déjà énorme en soit, même si c’était pas la femme parfaite avant. Enfin, c’est même pire… ou mieux… quand elle était paumée et qu’elle a vu Dieu. Ils adorent démonter ce genre de prise de conscience. »

Je hausse une épaule à sa question et je souffle, on ne peut plus sérieux. « Ca rend les possessions plus galères. C’est comme te forcer à bouffer un truc que t’aimes pas, t’y vas moins joyeusement. » Forcément, ça dérape. En même temps, je m’attendais pas vraiment à autre chose avec un gamin inexpérimenté avec moi. Mais ça lui servira probablement de leçon et il arrêtera de trimballer des artefacts à n’importe qui. En tout cas, ce fils de pute démoniaque se focalise sur moi et j’ai pas trop de mes 20 ans d’expérience pour lui résister tant bien que mal. Faudrait juste pas que ça dure. Je siffle en direction du démon pour qu’il garde son attention captée sur moi alors que le gamin met genre une plombe. « Putain, si tu dois faire un truc, c’est MAINTENANT ! » Là il a pigé ou pas ? Pour la peine, je tends les bras et je prends le démon par les épaules pour le bloquer. Voilà c’est le moment où jamais.

Je n’ai toujours pas l’air convaincu alors qu’il prêche pour sa paroisse. Ouais ouais, un outil n’est pas dangereux en lui-même, c’est celui qui s’en sert qui le rend bon ou mauvais. Je connais le speech. Mais bon quand même. La magie noire, c’est loin d’être un truc clean. Même si je reconnais l’argument de savoir comment contrer les effets néfastes quand on les connait. Ça fait bizarre de l’entendre parler de préserver l’innocence quand même. Le mec, il a l’air de plus l’être depuis bien longtemps, au point de rechercher ça chez les autres quoi. Et ouais, le mal est partout… Même si ça sonne super cliché. J’ai du mal à penser juste comme ça. Au bien et au mal. Y’a trop de nuances. Et c’est facile de se cacher derrière ces deux préceptes pour justifier ses actes.

Si lui, il joue avec la magie, je suis surpris de le découvrir curieux me concernant et je ne sais pas si c’est une bonne chose ou pas. Quelque chose me dit qu’éveiller l’intérêt d’un type comme lui n’est pas forcément dans mon intérêt à moi mais c’est un peu tard maintenant. Et si je ne montre pas mon pouvoir à tout va, je ne cherche pas non plus à le cacher à tous prix. La preuve : il m’a gaulé. « Oui, je saisis l’idée et oui, les forces et faiblesses de chaque animal sont miennes le temps de la transformation. Mais je conserve mon intellect. » Même si j’ai les instincts de chaque animal, je réfléchis en humain. Quelle que soit la forme… je reste Gar. Je le vois regarder autour de nous, comme prenant conscience qu’on pourrait être épiés (ce qui n’est pas le cas), alors qu’il me recommande de ne pas dévoiler ce talent trop facilement. « Sans doute ouais. J’essaie de faire attention, mais y’a des ratés. Vous étiez pas censé vous retrouver dans cette ruelle pourrie. » C’est bien parce qu’il recherchait quelque chose. Ce que j’ai ramené en l’occurrence.

Et même si je trouve que c’est un connard, je dois admettre que sa conversation est loin d’être chiante au moins. Il a de l’esprit, même si il est un peu vulgaire ou brutal dans sa façon de parler et agir. Mais j’apprends énormément de trucs. Sur les démons. Les anges. La pureté et la possession. Bon ça, ça ne fait surtout flipper là. « Mais on parle de pureté d’esprit, de cœur, ou de corps ? Genre la petite vierge naïve… » Ce qui n’existe plus trop, enfin, je crois. Après je ne suis pas non plus un dépravé… Il m’explique alors que les démons adorent exploiter les failles. Et tourmenter ceux ayant la foi. Peu importe en quoi, je pense. Super. Je suis de plus en plus rassuré et à l’aise là. Ça va être top.

Il me file alors un truc à boire, qui m’arrache surtout les tripes et je tique quand il m’explique ce que c’est, ce qui me rend sceptique. Vraiment ? boire de l’eau bénite, ça rend l’âme moins savoureuse ? Enfin un truc du genre ? Et beh… Enfin, ça marche pas de ouf son truc quand je commet l’erreur de regarder le démon et qu’il s’infiltre dans mon esprit. Je pensais ne rien avoir à cacher et c’est le cas. Mais j’ai des failles. Constantine me délivre de cette étreinte psychique et il me faut quelques secondes pour reprendre mes esprits. Constantine me file un couteau et… Euh attends quoi ? je dois le poignarder avec ? Je ne sais pas trop ce que je peux faire ou pas, mais quand je le vois saisir le démon à bras le corps, je me rend compte que je peux sûrement entrer dans le cercle aussi. Toutes façons, je vais pas me risquer à lancer le truc, c’est un coup à le louper ou voir le couteau rebondir mollement sur la poitrine du démon et tomber au sol dans un cliquetis pathétique. Mais… Le poignarder ? Je ne suis pas un tueur… Pourtant, quand Constantine me hurle dessus, c’est comme un électrochoc et je me décide alors. J’arrête de réfléchir et tergiverser et je plante la lame dans le dos du démon, plus ou moins là où se trouve le cœur de l’autre côté. Je sais même pas si la lame peut toucher de là en fait. Ma main est crispée sur le manche et je crois le regard de l’exorciste. Faut faire quoi ? Attendre ? Le poignarder encore ? Devant l’inconnu, je m’en remet complètement à lui, prêt à obéir au doigt et à l’œil.

Vu la gueule que tire le gamin, j’ai quand même un peu l’impression de pisser dans un violon pendant que je lui parle. Ouais, ouais, encore une expression de vieux, je sais. Mais on s’en fout non ? En tout cas, on évite de rentrer dans un débat sans fin et c’est pas plus mal vu que j’ai pas mal de trucs sur le feu. Et j’avoue, j’suis toujours curieux de voir ce dont il est capable. Pas parce que je pourrais vraiment en faire quelque chose ou dans mon intérêt, juste parce que la magie, j’ai ça dans la peau depuis toujours. Et que je me dis que ce qui lui permet de se transformer, c’est de la magie. Ou des trucs crades faits en labo. Ce que j’aime pas trop.

En tout cas, il me file des explications et j’ai un bref hochement de tête. « Tu prends que l’aspect donc. Pratique de pouvoir continuer à réfléchir comme tu le fais d’habitude. » Je suis sympa, je me retiens de dire qu’il a pas l’air pourtant d’être trop du genre à réfléchir. Comme quoi, je suis pas tant un connard que ça quand je veux. « Je suis souvent là où on ne m’attend pas. Surtout dans une ruelle dégueulasse qui pue comme pas permis. C’est ce qui fait mon charme. Ou un truc dans le genre. » J’ai un ricanement pour ponctuer ma phrase avant de le fixer, amusé de voir qu’il se prend au jeu et qu’il a aussi des questions.

J’ai un sourire en coin avant de lui répondre. « Comme je te disais, la notion de pureté c’est plus vraiment la même. On se contente de ce qu’on a aujourd’hui. Alors ouais la pureté du corps… » Je lève les yeux au ciel et je continue, toujours d’un ton amusé. « Maintenant c’est plus l’idée de ne pas faire de mal que l’idée d’être pur qui compte, j’sais pas si tu piges l’idée. » J’ai un temps, me faisant plus sérieux alors que je fixe le vide. « Et … croire en Dieu… c’est assez rare pour faire de certains des proies toutes désignées. Tu vois perso, j’y crois pas, donc je suis peinard. Mais une gamine un peu naïve qui pense que Dieu peut la guider et l’aider à prendre les bonnes décisions… C’est du pain béni pour ces saloperies. » Et dans un monde où tout part en couilles, autant dire que ce genre de personnes est suffisamment rare pour que j’essaie de les protéger. C’est du même niveau que les pseudos super-héros qui continuent de défendre Gotham et les autres villes. Une croisade totalement déséquilibrés mais qui fait que les démons ont envie de croquer du petit batkid. Ca croustille et ça a trop de principes, d’honneur et j’en passe pour pas que ce soit savoureux. Enfin ça, je vais éviter de le dire à haute voix, j’ai l’impression qu’il flippe assez comme ça.

Et là de suite, on a un autre problème à gérer. Si j’arrive à le défaire de l’emprise mentale du démon, je vais avoir du mal à m’en débarrasser ET à continuer de capter son attention. Alors je balance l’arme au gamin qui… a pas l’air de savoir quoi en faire. « T’es sérieux petit ? » Quelle merde. C’est vraiment pas ma journée je crois. Je peux même pas soupirer et m’en griller une, vu que l’autre continue d’essayer de me retourner la tête. Du coup, je souffle en direction du démon, avec un sourire mauvais. « Rien de ce que tu feras ou diras ne pourra être pire que ce que je dois subir tous les jours avec ma propre conscience. Cherche pas, t’es rien en comparaison. » Ca le fige un bref instant, mais ça suffit pour que je me tourne de nouveau vers le petit et que je lui mime un mec qui en poignarde un autre. Je vous assure, je fais ça super bien. Mais va falloir que Gar’ se bouge le cul s’il veut pas que le démon pige avant lui ce qui va lui arriver. Sinon…