C'est une chauve-souris, un chat et un joker qui rentrent dans un bar...

Les choses s’étaient améliorées pour Selina. Améliorée, mais par rapport à quoi ? Par rapport au temps où elle vivait dans un taudis, avec un père alcoolique et une mère… Meh ? Sans doute. Maintenant, elle avait son appartement à elle. Assez petit, mais cosy. Comme le panier d’un chat. Le panier de trois chats, en l’occurrence. Tom, Sylvestre, et elle. Deux gros chats bien nourris et ronronnant avec lesquels elle aime à se blottir dans un pouf par les jours de pluie, près du radiateur. Décoration dans les tons rouges et chauds, exotique par endroits. Ici, un masque africain, ici une lampe asiatique. Selina a emprunté, pour son chez elle, un peu à presque toutes les parties du monde, sans honte. Elle aime, tout simplement. Du reste, même si son petit confort a de l’importance, ce n’est pas ce à quoi elle tient le plus, non. Non, ce à quoi elle tient le plus, ce sont les rivières de diamants et autres parures de saphirs, d’émeraudes et de rubis hors de prix qu’elle a volés jusque-là. Elle en a déjà revendu un certain nombre, qui lui ont permis de s’offrir une literie luxueuse, et accessoirement de quoi manger, quelques tenues de prestige également qui lui ouvrent les portes des soirées les plus sélectes, soirées desquelles elle ressort généralement bien plus parée qu’en y arrivant ! De quoi voler d’avantage de diamants encore, à celles qui en ont trop, qui en ont tant et tant qu’elles en font étalage… Selina, elle, elle les cache sous une latte de son parquet, et parfois seulement, elle les porte. Elle ne porte que ça, déambule dans son modeste appartement les jours où le soleil entre par les fenêtres, et fait miroiter comme autant d’arcs-en-ciel les éclats de carbone pressurisés à l’extrême sur les murs, créant de merveilleux kaléidoscopes.

Avec le temps, l’œil de la chatte s’est affuté. Elle a appris à reconnaître la pureté de l’éclat d’un véritable diamant, jusqu’à son degré. Alors faire la différence avec du zirconium ou ces monstruosités qu’ils vendent dans le prêt-à-porter… Sur sa modeste table de cuisine, la voleuse achève un dîner, relativement frugal, de nouilles à la thaïlandaise, le journal ouvert sous son assiette. Gourmand, Sylvestre est le premier à sauter sur ses genoux pendant que Tom, en bon retardataire, miaule comme s’il était le chat le plus malheureux du monde. Machinalement, la jeune femme commence à faire aller et venir sa main sur le dos du matou ayant pris possession de ses genoux, avant de leur souffler à tous les deux « Il semblerait que nous ayons du travail ce soir… » Les deux paires d’yeux se lèvent vers elle sans comprendre. N’importe. Se levant, faisant chuter le gros pépère, elle va déposer aux deux chats le reste de ses nouilles aux crevettes dans leur gamelle et file à la douche. En une du journal ? Freeze, qui vient de voler pour des millions de diamants, et une question… « Que fait la chauve-souris ? »

Une heure plus tard, Selina grimpait les murs d’un entrepôt qui avait l’air abandonné. Avait l’air, seulement, car à en croire sa facture d’électricité, il y avait de quoi alimenter une cinquantaine de foyers gothamites moyens ! Arrivée sur le toit, elle est déçue. Toutes les vitres sont occultées. Rien de surprenant, cela dit. Sans cela, Batou l’aurait rapidement trouvé en survolant la ville… Du reste, ça n’est qu’une question de temps avant que la chauve-souris ne débarque pour casser des os et renvoyer Freeze à Arkham… Selina frissonne, autant à la pensée d’Arkham que lorsque sa main effleure l’une des vitres. Froide, froide, froide ! Elle déteste le froid… Mais ce qu’elle déteste encore plus, c’est repartir d’une expédition bredouille. Alors, toute en discrétion, elle se sert de ses griffes pour découper un cercle, un petit cercle, dans l’une des fenêtres. Histoire de voir un peu ce qu’il peut bien se passer là-dessous…

Tiens, tiens, tiens… se dit la féline, en plissant les yeux, avant de rabattre sur ses yeux ses lunettes aux verres rouges. Polarisés comme il le fallait, ces simples verres pouvaient mettre en évidence des choses très particulières, comme des rayons lasers, ou bien de la poudre blanche, accrochée par le gras laissé par un doigt sur un clavier digital… Ou encore, comme ce soir, le criard d’un costume violet qui apparaît en noir au milieu d’un décor rougeoyant, visible comme le nez au milieu de la figure… Selina prend le temps d’observer. Pas d’Harley ? Pas de sbires ? Il semblerait que non. A l’exception du clown, l’entrepôt semble désespérément vide…

Contemplative, la cambrioleuse observe le cinglé se farcir tout le boulot et trouver l’entrée du laboratoire. C’est à ce moment-là que ses oreilles se redressent, et qu’elle se met en branle. Silencieuse comme l’ombre d’un chat, la jeune femme use des différentes passerelles pour retrouver le sol, mais, plutôt que de se glisser à la suite du Joker (il faudrait vraiment être un amateur pour entrer, la fleur au fusil, dans le repère d’un maniaque, vide ou pas), elle, qui a l’habitude des introductions toutes en finesse, se glisse plutôt avec aisance dans le conduit d’aération. Oh, elle souffre de cette décision, c’est certain. La clim est en marche, il fait glacial là-dedans. Cependant, le bruit couvre celui qu’elle pourrait faire, à l’occasion, dans les conduits. D’en haut, elle suit la progression du Joker. Comme lui, elle voit l’ensemble des machines, mais s’en désintéresse. Les recherches scientifiques ne l’ont jamais intéressée. Les seuls qui pourraient lui racheter de tels travaux seraient Bruce Wayne et Lex Luthor, elle n’avait envie de frayer avec aucun des deux. Le premier parce qu’il lui aurait fait la moral « gniagniagnia Cat, c’est pas bien de voler, blablabla chauve-souris, truc bidule justice… », quant à l’autre, il avait l’air, de ce qu’elle avait vu dans les journaux, d’un dangereux psychopathe. Elle avait eu beau se rendre à ses galas, il n’avait jamais rien à voler sur lui. Pas de montre en diamant, queudal. Qui est riche à million et ne s’autorise pas un minimum d’excentricité ? Même Bruce avait une montre hors de prix. Elle le sait. Elle l’a revendue pour la moitié de ce qu’elle vaut vraiment. Saloperie de receleur…

Mais, revenons-en à nos clowns. Le Joker a l’air tendu, mais pas trop. De là où elle est, elle le voit surveiller les devants, mais pas les arrières. Elle roule des yeux. Ça aurait été comique qu’elle ferme la porte derrière lui. Comme ça. BOUH ! Enfin, elle, ça l’aurait amusée. Les coups de feu, beaucoup moins. Si elle sait s’en servir, Selina n’est pas fan des armes à feu. Elles sont trop définitives à son goût. Raison pour laquelle elle se méfie, et se tient bien loin du Joker.

Quand il s’arrête à un coin, arme à la main, elle se fige, et observe, un peu partout, sans voir ce qui l’a alerté… Jusqu’à ce qu’il surgisse, fier de lui comme s’il venait de démanteler un complot mondial alors qu’un « Scouic ! » de rat apeuré se faisait entendre, tandis qu’un gros représentant du genre lui filait entre les jambes. La féline note que le clown est tendu… En même temps, il est très exposé, lui. L’abandonnant à ses clowneries, Selina poursuit sa route. Si les diamants servent de source d’énergie aux armes de Freeze, elle doute qu’ils soient dans les labos. Combustibles pour Freeze, mais objets de valeur pour n’importe qui d’autre. Ils doivent donc être dans l’endroit le plus sécurisé. C’est donc à la recherche de cet endroit que se lance Catwoman, tout à fait prête à jouer au chat et à la souris avec le Joker dans le complexe, sans complexe…

Détruire des diamants, quel scandale ! Un génie tel que Freeze ne pourrait-il pas revoir ses engins infernaux pour consommer plutôt du charbon, de l’électricité… Ou n’importe quoi qui ne soit pas des diamants ? Tout cela dépasse l’entendement de la chatte de gouttière, fascinée par ces cailloux aux milles facettes qui étendent leurs milles couleurs à travers son appartement. Agile, elle se glisse sans mal, la pratique aidant, dans les conduits d’aération, et finit par toucher au but. L’arme est là, achevée ou pas loin semble-t-il, sur un piédestal, dans une vitrine. Avant de descendre, Selina a un regard pour ses griffes, qu’elle embrasse. « De petits diamants pour un plus gros… » Elle chuchote, avant de vérifier qu’il n’y a bien personne dans la pièce… Et d’ouvrir la grille. Lunettes rouge sur le nez, elle ne discerne aucun rayon. « Pfff… Amateur… » Elle se murmure pour elle-même, avant de se laisser élégamment tomber au sol, près du piédestal. La suite ne lui pose aucune difficulté. Armée de son gant, elle découpe les vitres qui retiennent l’arme, dont elle s’empare avec une gourmandise visible. Au diable cette machine infernale, donne-moi ton cœur… Intérieurement, elle éructe alors qu’elle s’efforce d’ouvrir cette nouvelle horreur prête à répandre un froid glacial sur Gotham city.

Evidemment, avec tout cela… Le Joker étant le cadet de ses soucis, elle l’avait totalement occulté… Jusqu’à ce qu’il se rappelle à son bon souvenir en déclenchant l’arrosage automatique, qui fait sursauter la chatte… Avant qu’elle n’ait le déplaisir de se retrouver, trempée, museau et moustaches humides face au maquillage dégoulinant du Joker. Dans l’une de ses mains, le prototype de l’arme de Freeze. Dans la seconde, le diamant qu’elle vient d’extirper. « T’es un clown triste aujourd’hui, Joker. » Elle le tance, fière de sa boutade, avant de lui envoyer le prototype de l’arme à la figure, et de se dépêcher de se hisser dans le conduit, d’un bond agile. Et là… Là, c’est la pire des choses. Avec le froid de la climatisation, Selina gèle pratiquement sur place… Pourtant, elle s’obstine et s’empresse de tenter de regagner la sortie, si possible avant le Joker, pour pouvoir conserver son butin. Pas question que le clown récupère l’énorme diamant sur lequel elle vient de mettre les griffes… Diamant qu’elle a glissé dans sa combinaison de cuir. Et le cuir ça n’aime pas l’eau, grrr… Elle peste, en son fort intérieur, contre ce maudit clown… Et elle râle encore, presque transie de froid dans les conduits de ce maudit labo. Il ne pouvait pas arriver dans dix minutes ? Mais non… Il fallait qu’il soit là, en même temps que moi… De plus en plus mauvaise à mesure que les secondes s’écoulent, et les centimètres dans le conduit aussi, Selina se promet que, si elle s’en tire, elle se réserve le droit d’un chien de ma chienne pas piqué des hannetons au plus célèbre clown gothamite…