Toi qui voulais savoir | Garfield

Sujet: Toi qui voulais savoir | Garfield Dim 9 Aoû - 1:17

J'apparus sans prévenir. La téléportation me fatiguait. La douleur me dévorait. Il fallait que je rentre chez moi. Là où je serais en sécurité, là où il ne pourrait rien m'arriver. Je trébuchai, hoquetant avant de me raccrocher a la première chose qui se trouvait a porter de main. Gar ? Il n'était pas sensé être là...Après ? J'ai sombré.

Pourtant la soirée avait commencée normalement. Encore une énième soirée de beuverie, de ripaille, d'étalage de luxe vulgaire comme savent si bien le faire les vilains de notre ville. Le sexe, la corruption...Encore que, qu'y avait il encore a corrompre a Starcity ? Cette ville était pourrie jusqu'à la moelle. Qu'y avait il a sauver en vérité ? Hein ? L'homme était par nature mauvais, plus j'avançais dans la vie, plus je le voyais. Partout. A chaque coin de rue. Sur chaque trottoir. Tout n'était qu'ambition démesurée, satisfaction de vices tous plus pourris les uns que les autres. Azarath avait été un monde de paix, d'amour et elle avait été détruire alors que la terre...La terre distillait sa nécrose en toute liberté, ce n'était pas juste...Ce n'était pas juste du tout. Comme la balle qui m'avait perforé le flanc. Elle me brûlait la chair et pourtant, j'étais sûre qu'elle était ressortie. C'était quoi ? Juste une insulte ? Une bataille d'égo ? L'affrontement de deux avidités ? C'était tellement pathétique...Ce monde était pathétique...

Le visage caché par le rideau de mes cheveux, une main maintenait mon équilibre en s'étant autour de l'épaule de Gar, l'autre ? Elle se contentait de s'imbiber de sang. Un ricanement m'échappa. Profond, guttural. Ma voix n'avait pas changé, mais il y avait une sorte d'écho glacial qui s'y mêlait. « Ils ne sont que des insectes et ils ne le savent même pas...Ridicule... » soufflais je avec une sorte d'euphorie étrange. Pourquoi Azarath devait elle disparaître quand la terre vivait encore ? Hein ? Il n'y avait rien de bon, rien. L'enfer ? Ah, l'enfer était déjà là, il suffisait d'ouvrir la porte non ? Mon ricanement se transforma en rire. Oui, il suffisait d'une porte... Il ne resterait rien, absolument rien. Que des cendres, ce serait beau non ?

Cela commença doucement, par le cliquetis des verres rangés dans la cuisine, par le soubresaut léger des chaises. Rien, juste un sursaut discret. Une partie de moi hurlait de panique, parce que je savais, je savais que je glissais sur une pente que je n'étais pas sûre de pouvoir remonter, j'étais terrifiée...L'autre ? L'autre voulait rire, rire et se venger dans un bain de sang. Un sursaut de lucidité éclaira le brouillard rouge de mon esprit, juste un instant, une seconde. « Gar...Va-t-en... » Et j'ai levé des yeux noirs...Totalement noirs, où il n'existait plus une seule lueur, deux puits sans fond

Ah putain, jamais je ne m'y ferais en fait. Ce n'est pourtant pas la première fois qu'elle se téléporte, c'est même tout le temps, mais ça me fout les boules presque à chaque fois. Je ne l'entends pas forcément arriver. Du coup, c'est jumpscare, surtout quand c'est dans la pièce où je me trouve. Quand je suis dans une autre pièce, ça va. Mais aujourd'hui, pas de bol, c'est à 1 mètre de moi. J'ai un léger cri de surprise, surtout alors qu'elle titube et me semble toute pâle. J'avance vers elle, inquiet, alors qu'elle s'accroche en même temps. Je la soutiens et j'ai la désagréable surprise de sentir quelque chose d'humide sous ma main. Avec horreur, je la vois teintée de sang. "Merde, Rachel qu'est-ce qu'il s'est passé ?" C'est le sien ? Ne pas paniquer. je ne dois pas paniquer... Mais j'ai le droit en fait, parce que si elle est blessée, je fais quoi moi ? Je ne suis pas du tout docteur et aucun médecin ne peut venir chez nous, on y a veillé. Et je ne peux pas la sortir d'ici si elle ne se téléporte pas. Or là, vu comment elle est faible... Je frissonne quand je l'entends parler. Parce que ça, ce n'est pas vraiment sa voix. Ce n'est pas la Rachel que je connais... C'est quoi ce délire ? Et je sens quelque chose d'insidieux naître en moi : la peur. C'est ridicule, je ne vais pas me mettre à avoir peur d'elle quand même.

Sauf que quand il commence à y avoir du bruit autour de nous, comme si un poltergeist fou était en train de s'échauffer, je sens ma faible résolution s'effriter. J'ai la trouille ouais. Je n'ai jamais vu Rachel comme ça et je n'ai aucune idée de comment je vais gérer cette situation. Elle est blessée et ses pouvoirs sont en train de lui échapper. Et je ne parle même pas de son esprit qui semble... malveillant. "Qu'est-ce que..." Je me fige net quand elle me prie de partir d'ici en levant un regard totalement noir vers moi. OK... Là, la situation nous échappe complètement. "Je vais pas te laisser là, comme ça, ne dis pas de bêtises." En vrai, une partie de moi a très très envie de se tirer de là et ne pas avoir à gérer ça. Mais je peux pas la laisser comme ça. J'aurais déjà du mal avec une inconnue alors là, avec Rachel... Non. Allez Gar, c'est pas toi qui rêve d'être héroïque ? Ben tu en as l'occasion, faut pas se dégonfler au premier truc méga flippant qui se passe devant toi.

Doucement, je la fais asseoir sur le sol, tout en faisant de même, la soutenant. "Faut que tu m'aides Rachel... Je sais pas ce qui t'arrive." Je ne sais pas ce qui est le plus urgent... Examiner sa blessure ? Juguler ses pouvoirs ? La ramener à la raison ? Dans les trois cas, j'ai aucune idée de comment m'y prendre en fait. Dommage qu'elle n'ai pas voulu m'en dire davantage sur son passé et surtout son paternel, cela m'aurait peut-être aidé un peu. J'attrape son menton de ma main souillée de son sang et l'exhorte à me regarder : "Hey, hey, concentre-toi sur moi... Maîtrise tes pouvoirs." Ouais parce que si elle fait tout voler dans la pièce, ça risque de faire mal. Et merde, on s'est fait chier à tout meubler quand même.

Pars, pars, pars. Ce mot scandait mon esprit rougit de colère. Je savais, une partie de moi savait. Il fallait que ma colère s'exprime, la seule émotion que j'étais incapable de contrôler, de maîtriser, celle qui m'avait valu une enfance de méditation, de privation. Elle était là, dévorante, avide. Elle laissait libre court aux plus sombre pensées qui pouvait m'habiter. Elle cultivait la culpabilité qui ne me quittait plus depuis Azarath, culpabilité qui, a son tour, devenait une proie de choix pour nourrir la colère. Je bouillonnai. Je savais que je devenais dangereuse, que je...Mais c'était plus fort que moi...

Je reconnais la présence de Gar, j'entendais sa voix, mais les mots prenaient une autre signification au travers du filtre de ma colère. « De l'aide ? » Et j'éclate de rire. « Pourquoi ? » Pourquoi ce monde avait besoin d'aide hein ? Pour se détruire lui même ? « Pourquoi l'aider ? Ca ne sert a rien...Ca ne servira jamais a rien....C'est pourri, pourri jusqu'à l'os... » Oui, complètement rongé, nécrosé, remplit de pus. Alors qu'Azarath avait été si belle...Une vague de colère décupla mes pouvoirs. J'entends du verre qui se brise, loin, très loin, je m'en contrefiche totalement. Gar me força a le regarder. Sa main est chaude. Poisseuse aussi. « Et si je n'en ai pas envie hein ? Je peux faire pire, je peux faire tellement pire et ils le méritent tu sais, tous. Avidité, cruauté, ambition...Il n'y a que ça... » rugis je en plantant mon regard noir dans le sien. « Azarath est morte et cette terre aride doit vivre ?! NON ! »

La poussée de télékinésie est violente, elle arrache la table du sol, les chaises qui vont avec, elle secoue les cheveux de Gar, comme un vent violent. La colère me dévorait de l'intérieur, je ne ressentais même plus la douleur. La rage, la seule émotion tourbillonnant dans mon regard sans âme. « Elle était belle...Elle était tellement belle... Je pourrais faire pareil ici...oui...Ce serait facile...plus facile encore... » Mon ricanement suinte d'amertume et de violence. « Ils n'auraient que ce qu'ils méritent tu sais... » Je voulais juste vivre normalement, pourquoi ? Pourquoi je ne le pouvais pas ?! Et lui, pourquoi me regarde -t-il ainsi... « Tu as peur Gar ? » susurrais je avec une fausse douceur. La peur, un sentiment que je ne voulais pas voir chez lui...Pas si j'en étais la cause et pourtant... Cette peur me blesse et la douleur...Nourrit la rage. C'est un cercle vicieux et je tente de freiner la roue libre que je suis devenue, mais la raison n'arrive a passer la barrière de ma colère. « Oui, toi aussi tu as peur...ils avaient toujours peur de moi...Ils avaient raison tu sais... » j'explose d'un rire amer, si l'on perd tout...que reste-t-il ? « La colère...Un péché capital...C'est le mien. » rugis je en le repoussant a deux mains. C'était trop tard. C'était beaucoup trop tard...Il savait et il avait peur.

Une larme de sang coula sur ma joue.

Je me sens désemparé comme cela m'est rarement arrivé. J'arrive souvent à me sortir de la merde avec mon audace ou mes pouvoirs, mais là, pour le coup, je ne me vois pas user de l'un ou de l'autre... Me transformer ne changerait absolument rien. Sauf si Rachel perd complètement les pédales et qu'il faut la... maîtriser. Je rechigne à penser ainsi... Comment est-ce que je pourrais la neutraliser au juste ? Cela viendrait à me battre avec elle et je ne suis pas certain de pouvoir lui faire du mal. Parce que même si elle est perdue... C'est encore elle. Pour le moment du moins. Quant à l'audace là, rien de judicieux ne me vient pour le coup. J'ai du bagout, mais cela ne l'atteint pas vraiment. Je ne la reconnais pas, tout simplement. Et je sens pourtant qu'elle a besoin d'aide, au delà de sa colère, de sa haine. Elle est blessée en plus, si je ne fais rien... Qu'est-ce qu'il va se passer ? Elle va se vider de son sang et mourir. Ou tomber dans les vapes en tous les cas. Ce qui règlera mon problème de comment la gérer, mais je n'ai pas envie d'en arriver là. Je fronce les sourcils quand elle reprend mes propos mais les déforme. De qui parle-t-elle ? De quoi ? Rachel serait-elle atteinte d'une pathologie mentale que j'ignore ?

Je tressaille de surprise quand un verre éclate derrière moi, mais essaie de ne pas regarder le carnage derrière et de me concentrer sur elle."C'est faux." Je réponds calmement, mais fermement, alors qu'elle parle d'avidité, de cruauté et d'ambition. Non, il n'y a pas que ça. Là, pour le coup, j'aimerai bien qu'elle ai davantage d'optimisme que de pessimisme. Je ne pensais pas que c'était à ce point. "Azarath ?" Mais de quoi elle parle au juste. Et surtout, pourquoi... envisager que cette terre disparaisse ? Je ne comprend rien, et mon estomac se noue en pressentant une catastrophe. Je ne sais pas comment, mais... j'en ai l'intime conviction. Que là, si je ne fais rien, il va se passer quelque chose de terrible. C'est viscéralement ancré en moi.

Ma respiration se bloque et mon corps se tétanie de peur quand elle déchaine sa télékinésie. Je ne bouge pas. Aussi immobile qu'un animal pris dans les phares d'une voiture. Et elle le sait. Pourtant, je suis bien placé pour savoir que cela a tendance à exciter les prédateurs. Et c'est ce qu'il se passe. Je reste muet, ne sachant pas trop ce qui pourrait calmer ou empirer les choses. Et je me retrouve assis sur les fesses quand elle me repousse, surpris par ce brusque geste de rejet, qui me blesse, plus que cela ne devrait d'ailleurs. Je pourrais me tirer de là en fait. Mais je n'y songe même pas. Et c'est comme un électrochoc qui me sort de ma paralysie, alors que du sang coule de ses yeux. Merde... Je fais quoi, je fais quoi ? "Oui j'ai peur. Évidemment. Je ne sais pas ce qu'il t'arrive et tu n'écoutes rien de ce que je te dis. T'es en train de niquer toute la déco et ça fait chier." Je me redresse et sans lui demander son avis, je la prends dans mes bras, la serrant avec force et fermeté, mais sans brutalité. "Tu as tort. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé avant que je te rencontre, je sais pas ce qui t'a amené à penser que tout était pourri ici et bon à disparaître, mais tu te trompes. C'est pas à nous de juger de ce que méritent les autres... Parce que, qu'est-ce que je mérite moi ? Je partirai pas. Alors si tu dois péter un câble, si tu dois faire quelque chose... faudra d'abord le faire sur moi." Euh... Je suis sûr de moi là . Je n'ai pas envie d'y passer, mais je ne vois pas d'autre option. Je ne vais pas la laisser faire n'importe quoi et je n'ai pas envie de me battre contre elle non plus. Je ne peux faire appel qu'à notre amitié. Si tant est que cela compte un peu pour elle. Je mise gros là. "La colère, ça s'apaise. Fais-moi confiance. J'ai peur ouais, mais moins de toi que de te perdre."

C'est faux ?

J'explose d'un rire carnassier. Ce monde est une pomme pourrie. Une déchéance. Qui mieux que lui mérite la visite du démon en personne ? Il y a une étrange tendresse dans la main qui lui caresse un instant la joue mais la férocité de mon regard n'est pas morte, loin de là. « Gentil Gar... » Trop gentil. Trop naïf. Mon monde d'origine, je l'avais détruit. Totalement. Pourtant, c'était un monde de paix qui prônait la réflexion...Mort a cause de moi et cette terre pourrie jusqu'à la moelle devait vivre ? Pourquoi ? C'était bien trop injuste !

Je n'ai pas conscience de mon pouvoir qui se déchaîne, ma rage doit trouver un exutoire, un moyen de s'exprimer et elle le fait via mes pouvoirs. Le danger que je représente est multiple, je perds toute cohérence et rationalité. Je sais qu'il est là, une partie de moi s’accroche désespérément a sa voix, l'autre se blesse a l'entendre si proche et si éloignée. Mais par dessus tout, je ressens sa peur. Et je déteste ça. Ce qui me pousse a le rejeter loin de moi. Je déteste ma propre violence, mais c'est une partie de moi que je ne peux nier, gravée dans mon sang et dans ce que je suis. J'aurais tout donné pour que jamais il ne découvre cette facette de moi. Dévorée de rage, de violence, presque assoiffée de carnage. L'envie de blesser le monde entier me tenaille, grignote chaque seconde un peu plus de mon esprit... Et... « Quoi ? » Je bats des cils. Il devrait hurler de peur, crier à ma pitié, fuir...Tout mais pas... Mon regard noir balaye les alentours..Je...je...Confuse, mon regard vacille un peu et soudainement, j'étouffe dans son étreinte, je demeure raide mais au moins, je ne tente pas de lui échapper. Vibrant de rage, mon corps n'est qu'un morceau de marbre froid...Pourquoi voudrait il m'enlacer ? Que...

Et sa voix se déverse dans mon oreille. Les mots se heurtent a la barrière de ma colère mais le ton lui, passe...Doucement, sans bruit. Les griffes de ma conscience se plantent dans la musique de sa voix, comme pour s'y accrocher. Il est ma réalité, pas cette espèce de gouffre sans fond qui m'appelle, qui m'attire. Ses bras sont solides autour de moi, si je tombe, est ce qu'ils me rattraperaient ? Un hoquet m'échappa, me déchirant la gorge au passage, puis...c'est un soupir, la vaisselle qui cesse de trembler, les meubles qui cessent de s'entrechoquer, mes mains qui agrippent a ses épaules... « Je t'avais dis de fuir.. » Abruti.....

Soudainement, je suis vidée, la force monstrueuse qu'était ma colère s'éteignant comme une bougie que l'on souffle, me laissant presque inerte, je me serais sans doute effondrée si je n'avais été dans ses bras. Je posai mon front moite sur son épaule, laissant des traînées de sang sur son tee shirt...Je vais dormir durant des jours après ça...peut être plus. Je paierais le prix d'un pouvoir qui me dépasse et que mon corps ne peut contenir si je ne le contrôle pas. Mes jambes fléchissent subitement... « J'aurais pu te blesser. » Même ma voix trahit l'épuisement qui me gagne, sans même parler de la douleur de ma blessure qui se réveille...Si je l'avais blessé..Je ne l'aurais pas supporté. « Ne me lâche pas... » Pas maintenant, jamais. Mais ce mot là ne franchira pas mes lèvres. « Je suis désolée... » soufflais je alors que je sens courir sur mes joues des larmes aussi amères que salées. Je ne veux pas le perdre...

Ce rire... Il me glace le sang. Il y a une malfaisance terrifiante dans ce rire. Je ne pensais pas pouvoir entendre un jour un rire comme ça, ailleurs que dans un film ou un dessin animé. Je ne la reconnais pas. Mais il ne me vient pas vraiment à l'idée de partir de là et la laisser comme ça. Je n'ai pas beaucoup d'amis, très peu de personnes proches... Rachel est sans doute la personne à laquelle je tiens le plus. Outre le fait qu'elle me plait... Je crois que je suis amoureux d'elle. Même si cette facette que je ne connais absolument pas m'effraie complètement, on ne va pas le nier. Je suis pétrifié quand elle me caresse la joue, parce que si le geste est doux, son regard, lui, évoque un tout autre langage... Gentil... Ouais. Naïf, idiot, utopiste. Tout ça à la fois probablement, mais ce n'est pas grave. Il en faut de la gentillesse dans ce monde corrompu. Ce n'est pas une faiblesse, loin de là. Je ne peux pas renier ce que mes parents m'ont enseigné comme ça. Même si je n'ai très probablement pas la vie qu'ils auraient aimé que je mène.

Je prends mon courage à deux mains. Le peu de courage que je peux avoir en tous les cas et je lui réponds, même si la plupart de ses allusions m'échappe complètement. Et je la déstabilise. Pour la déco ? Ben ouais, ça fait chier, parce qu'elle sait aussi bien que moi que c'est méga difficile d'emmener un meuble ici. Alors si on pouvait éviter de devoir vivre à même le plancher parce qu'elle a tout pété, ça m'arrangerait. Je profite de cette hésitation chez elle et je l'enlace... Et je lui affirme que je ne partirais pas. Quoiqu'elle fasse, je reste. Je compte bien là dessus pour qu'elle se calme parce que je crois sincèrement qu'elle m'aime bien. Assez pour ne pas me vouloir du mal. Et après la tempête... Le calme. Je le sens dans l'air. La cacophonie s'arrête. Rachel s'accroche à moi cette fois, elle est moins rigide. Son hostilité a disparu. Et j'ai un rire nerveux à son commentaire. "Rêve." Je fuis quand la situation est hors de mon contrôle. Et quand je n'ai rien à perdre. Là, c'est elle que j'avais risqué de perdre.

J'ai un mouvement de surprise quand je la sens faiblir dans mes bras, la retenant in extremis, fermement. "Mais tu ne l'as pas fait. Je le savais." Je comptais dessus en tous les cas. Sans doute suis-je plus confiant qu'elle à ce sujet d'ailleurs. Je ressers doucement mon étreinte quand elle me demande de ne pas la lâcher. Il va bien falloir, faut que je regarde à quel point elle est blessée. Mais ça peut attendre encore quelques secondes. "Je ne te laisserai pas tomber." Elle peut bien le prendre dans tous les sens qu'elle veut. Car tous sont exacts. Quelque part, j'apprécie de pouvoir la sentir fragile contre moi. Qu'elle ai besoin de se reposer sur moi. Elle m'a toujours semblé si inaccessible, si indépendante... Cette place qu'elle a dans mes bras, elle me plait et elle me parait logique. Naturelle. "C'est pas grave. Rachel, c'est rien." Vraiment. Même si j'ai eu la trouille de ma vie, même si maintenant, je sais qu'elle peut péter un câble à tous moments... Je ne vais pas partir. "Je vais t'aider à t'allonger et je vais regarder ta blessure, d'accord ? Tu peux pas rester comme ça." Doucement, je la décroche de moi et la fais allonger sur le sol. On verra plus tard pour bien l'installer. Je soulève son T-shirt poisseux de sang et grimace. Je ne vois pas grand chose là. Faut que je nettoie. J'ai l'air d'être sûr de moi, mais intérieurement, j'ai envie de pleurer parce que je ne sais pas comment gérer ça. Pourvu que ce ne soit pas trop grave. Parce que j'ai aucune idée de comment l'emmener à l'hosto dans cet état. Je me lève et vais chercher la trousse de secours, un truc de fortune, mais utile et de quoi essayer de nettoyer pour y voir plus clair. Mes mains tremblent quand je commence à nettoyer, de peur de lui faire mal, de stress aussi. Tout ce sang... Elle va finir dans les vapes. "Tu t'es fait tirer dessus ?" J'observe le point d'impact. Je connais, j'ai eu le même genre dans le bras, il y a quelques années. Je crois qu'en plus d'avoir les mains qui tremblent, j'ai le visage livide.

Les jambes flageolantes, je m’accroche aux épaules de Gar, comme si ma vie en dépendait. Mes crises de colère étaient rares, très rares même, mais elles n’en étaient pas moins dévastatrices. Pour moi, comme pour les autres. Je ne différenciais, plus les amis des ennemis et lui qui était persuadé que je ne lui aurais pas fait de mal. « C’était un pari risqué, Gar. » Très risqué même. Moi-même, je ne l’aurais pas pris. Trop naïf mais cette fois, il y avait un certain soulagement dans cette pensée. Le soulagement de ne pas avoir été seule, même si je l’avais souhaité, même si j’aurais préféré. Je ne sais pas, c’est un sentiment ambivalent. Le soulagement de me reposer contre quelqu’un, les bras de Gar sont rassurants, solides et je n’ai aucune envie de les quitter.

Je hoche doucement la tête contre son épaule lorsqu’il m’assure qu’il ne me lâchera pas. Je ne sais pas si je dois le croire, pour l’instant, je préfère le croire, j’ai même besoin de le faire. Même mes excuses tombent à plat, parce qu’il n’en a pas besoin. Je me demande à quel point il sait qu’on a frôlé la catastrophe ? La douleur me vrille à nouveau le flanc, mais je préfère cela. « D’accord. » M’allonger, oui, c’était sans doute le mieux, même si je résiste un peu tandis qu’il m’extirpe de ses bras. Mais il vaut sans doute mieux être raisonnable. Je sais que ma blessure n’est pas forcément mortelle, mais elle n’est pas superficielle pour autant. Et puis, la tête me tourne un peu, m’allonger est une bonne idée finalement, songeais-je en sentant la fraicheur du sol percer mes vêtements. Avais-je trop chaud ? Sans doute.

Mon vêtement a collé un peu à ma peau, un gémissement m’échappa lorsqu’il tira dessus pour mieux voir. Je ne devais pas être au mieux de ma forme, en sang, certainement aussi pâle qu’un linge et le front couvert de sueur. Je fermai les yeux tandis que Gar s’affairait, me mordillant la lèvre sous les élancements de douleur. Il me faut un certain temps avant de comprendre qu’il vient de me poser une question, une ou deux seconde de plus pour en comprendre les mots. Il n’y a pas à dire, je suis fraiche comme une fleur des prés. « C’est une balle perdue…Je ne me suis pas téléportée assez vite. » Je déglutis en rassemblant mes pensées. « Truand A a piqué la nana de truand B, lequel a décidé que truand A était mieux mort. En gros. J’ai eu de la chance je crois, la nana à côté de moi…Un peu moins. » Mon visage se crispa un peu lorsqu’il frôla les bords de la plaie. « Ne t’en fais, tu n’auras pas à trifouiller dedans, je crois que la balle est ressortie. » Bon sang, j’étais tellement épuisée….

"Ils sont censés l'être." Sinon à quoi bon parier ? Il faut bien un peu de challenge, d'incertitudes. Même si là, cela rimait avec mettre ma vie en danger. Je crois qu'en fait, je suis bien plus confiant en elle qu'elle ne l'est elle-même... C'est moche un peu. Alors, suis-je trop optimiste ? Ou elle, trop pessimiste ? Il est vrai que j'ignore beaucoup de choses la concernant. Son passé notamment. Et de ce que je viens d'entendre... C'est plutôt flippant. Je sens une tragédie, un truc tellement énorme qu'elle n'en a jamais parlé et l'a enfouie au plus profond d'elle-même. Et s'est façonnée un personnage, en verrouillant soigneusement ses émotions pour que jamais cela ne se reproduise. Je ne sais pas quelle sombre force réside en Rachel, mais je viens d'en avoir un aperçu et quand elle ira mieux, il faudra vraiment s'occuper de ça... Je ne sais pas trop comment mais on trouvera. En tous les cas, il n'est pas question de l'abandonner et la laisser gérer ça seule. Et même si elle a voulu me repousser plus tôt, si elle me trouve stupide de ne pas avoir fui, je sens bien son soulagement maintenant, alors que l'orage est passé et qu'elle me demande de ne pas la lâcher. Et je profite un peu de la situation pour prolonger ce contact qui est rare entre nous.

Pour autant, je sais que maintenant que son mental est sauvé, temporairement du moins, il va falloir s'atteler à son corps. Et c'est une autre paire de manches là. Parce que si c'est vraiment grave... Ben je sais pas quoi faire. Je ne peux pas l'emmener à l'hôpital comme ça. Faudra qu'elle se téléporte. Et je ne suis pas certain qu'elle soit en état de le faire là. Ah merde, ce qui nous a protégé jusque maintenant risque de sérieusement nous compliquer la vie maintenant. Je l'aide à s'allonger, aussi doucement que possible, avant d'aller chercher de quoi examiner un peu sa blessure. Je la fais parler, ne serait-ce que pour ne pas me retrouver seul face à ça. Et puis, tant qu'elle est consciente, c'est que ça va aller, non ?

J'ai une seconde de panique quand elle ne me répond pas, prêt à la secouer, mais non, elle ne dort pas encore et me répond qu'elle a pris une balle perdue. J'ai un rire nerveux : "Je ne pense pas que tu ailles plus vite qu'une balle..." Dommage cela dit. Je me rembrunis quand elle m'annonce que la nana à côté d'elle a été tuée elle. Merde. "Génial, je me sens mieux là... Tu as une plaie qui saigne abondamment et faudrait probablement des points de suture. Tu crois que tu pourrais faire un dernier effort et te téléporter dehors ? Il te faut un médecin Rachel, ça dépasse mes compétences ça..." Je suis dépassé, complètement flippé et ma voix tremble alors que j'aurais bien aimé paraître complètement sûr de moi. Raté. Avec un peu de bol, elle ne va rien remarquer, elle a le cerveau quelque peu embué par l'hémorragie. J'ai quand même peur que le dernier effort ne la plonge dans l'inconscience. Mais si elle peut sortir, je peux l'emmener à l'hôpital. Je... Je peux gérer le reste. Je crois. J'ai pas le choix de toutes façons.

Je me demande a quoi il pense. Impossible de percer ses pensées, c'est frustrant d'une certaine manière mais je n'ai pas la force de chercher sur ses traits ce qui peut l'agiter. Ma colère est partie, mais elle laisse un vide épuisant, une chape de plombs et la douleur de ma blessure. Accrochée a Gar, je le laisse me manipuler, m'allonger. Je n'ose pas regarder moi même, j'aurais préféré un bon coup de couteau...Quoique...J'aurais préféré rien du tout. J'ai beaucoup de mal a me connecter a la réalité, je ne suis pas au bord de l'inconscience mais sans doute pas très loin. Fermer les yeux empêche la pièce de tourner comme une toupie et la fraîcheur du sol me fait étonnement du bien.

« Non mais je sentais le coup venir, j'aurais dût me barrer plus tôt... » Mais il y avait trop de monde et je ne voulais pas me faire remarquer. Quoique...Quelqu'un aurait il seulement remarqué quelque chose ? Je n'en étais pas sûre. Je fronce un peu les sourcils a la suite... « Je ne sais pas. Je suis épuisée. » Me téléporter dans mon état serait une mauvaise idée, mais je ne peux pas ignorer l'inquiétude dans la voix de Gar. Il ne sait pas quoi faire, j'en sais pas plus que lui pour le coup. Ce qui serait bien, c'est d'arrêter de saigner déjà, malheureusement, je ne suis pas douée de guérison ultra rapide. Dommage, là, ça aurait été utile. Si j'arrivais a me téléporter dans le couloir, je perdrais sans doute conscience a la suite, l'effort me paraissait insurmontable. « Je vais essayer. » fis je dans un souffle. Il me suffisait de visualiser le couloir et de me concentrer. D'oublier a quel point j'avais mal et surtout, résister a l'espèce d'engourdissement qui m'envahissait. Je posai ma main sur la sienne et j'ajoutai : « Je ne peux pas t'emmener avec moi, il faudra que tu fasse le tour. » Déjà en temps normal, me téléporter avec quelqu'un n'était pas d'une facilité déconcertante alors là, dans mon état, c'était la mort assurée.

Je sombrais dans le silence, visualisant avec peine le couloir attenant a notre repaire. L'image était brouillonne, un peu floue. Une goutte de sueur coula sur ma tempe. Bon sang ! Je serrai les dents, je devais y arriver, je ne pouvais pas laisser Gar dans une situation qu'il ne pourrait pas gérer. Je sentis mon corps s'alléger un peu, puis plus rien...Merde ! Allez ! Et finalement, après un effort gigantesque, je réussis. L'effort avait achevé de m'épuiser et, a peine m'étais je rendue compte que j'étais allongée dans la poussière que je perdis connaissance...Le reste, Gar devrait s'en occuper...Seul.

Avec des si... On referait le monde n'est-ce pas ? En l'occurrence, elle va pas s'amuser à afficher ses pouvoirs dés que ça sent un peu le roussi. Parce qu'ici, malheureusement, c'est très souvent le cas donc... Peu importe de toutes façons. Ce n'est pas de savoir si cela aurait pu être évité qui compte, mais plutôt de la soigner maintenant qu'elle n'est plus en mode dark. Et là, et bien... Je ne sais pas quoi faire. Faut l'emmener à l'hosto, j'en suis convaincu. La plaie est trop importante pour moi. Il ne suffit pas de mettre un coup de désinfectant et un petit pansement quoi. Du coup, si elle pouvait au moins se téléporter en dehors de l'appartement, ce serait vraiment super. "Je sais, mais il n'y a pas d'autre solution..." Je passe une main sur son front. Elle est terriblement pâle. Je crains que cet ultime effort n'ai raison d'elle, mais de toutes façons, si elle reste là... Ce sera juste repousser le pire.

Et elle consent quand même à essayer. Je hoche la tête, quand elle me dit que je vais devoir me débrouiller. J'ai un sourire un peu crispé. "J'ai l'habitude. Je me dépêche." J'ai du mal à la lâcher, mais bon... Elle doit se téléporter. J'en profite pour me déshabiller et ranger mes fringues dans un petit sac, avant de la voir disparaître. Super. Là dessus, je me transforme en oiseau, prenant le baluchon dans mes serres et volant jusqu'à la trappe. Je sautille alors jusqu'à la grille d'aération, et me change en capucin. Aucun humain ne peut passer là dedans, Rachel et moi avons tout prévu pour que jamais un intrus ne mette un pied chez nous, mais c'est aussi ce qui peut être un piège mortel dans ce genre de cas. J'essaie de ne pas trop y penser et me faufile jusqu'à la grille, l'ouvrant habilement et balançant mon baluchon au sol, avant de sauter à mon tour. Je reprends ma forme humaine et me rhabille en vitesse. Je retrouve Rachel dans le couloir. "Rachel ! Hey non, reste avec moi." Je la secoue un peu, sans résultats.

Bon, faut rester calme. Je la prend dans mes bras et descend les escaliers menant jusqu'à la rue, avant de chercher un taxi. J'ai une jeune fille inconsciente et ensanglantée dans mes bras, tout va bien. Mais c'est pas comme si les gens faisaient attention à ce genre de choses dans cette ville. Tant que je paie... Et que je ne salope pas trop son taxi déjà bien douteux, soit dit en passant. Du coup, Rachel est à moitié sur moi et ne revient pas à elle. Je presse le chauffeur qui me rembarre. Elle respire. Son cœur bat. C'est déjà ça. Et quand enfin, il se gare devant l'hôpital je me précipite dehors avec mon précieux fardeau dans les bras, franchissant la porte des urgences en criant que j'ai besoin d'aide. Et enfin... Enfin, on fait attention à moi, on amène un brancard et on m'aide à déposer Rachel dessus. On l'emmène loin de moi, tandis qu'on me pose des questions. Je suis... Épuisé. "Hey tu vas pas tourner de l’œil gamin quand même ?" Hum ? M'évanouir ? Non. J'ai besoin de... souffler. Je m'assois. Elle a pris une balle perdue, je n'en sais pas davantage.

Je remarque distraitement que mon t shirt blanc est maculé de sang. J'ai quand même la jugeote d'aller aux toilettes pour me laver les mains. Et le visage. Il y a le sang de Rachel partout. Je suis dans un état un peu second. Mais je retourne dans la salle d'attente et après des heures, on vient me dire qu'elle va bien et qu'elle dort. Que la belle est ressortie et n'a rien endommagé niveau organes. Mais qu'elle a perdu beaucoup de sang. Quand je demande si je peux la voir, on hésite, mais je promet de rester tranquille. Et quand on me demande si c'est quelqu'un de ma famille, je réponds aussitôt que c'est ma copine. Cela me donne plus de chances qu'on accepte. Et ça marche, alors que je la vois dans ce grand lit aux draps blancs, avec des perfusions, dont une poche de sang. Est-ce qu'il y a de la famille à contacter ? Je secoue négativement la tête. Et je suis enfin seul avec elle, alors que je tire un siège près de son lit et prend sa main, qui me paraît trop froide. "Tu m'as fait tellement peur Rachel... Me fais plus ça." Je porte sa main à mes lèvres et ferme les yeux, avant de commencer une longue veille... Jusqu'à m'endormir, là, dans ce siège inconfortable, complètement vidé.

Je n'ai pas conscience que Gar m'emporte, ni du taxi. L'inconscience est un état reposant en fait. Je ne sens pas les mains qui me manipule, ni la pointe de l'aiguille qui me recouds. Encore moins les murmures qui m'entourent, ni la perfusion que l'on me met. Le sang injecté ne sera pas de trop, est ce qu'il pourrait purifier le sang démoniaque qui était le mien ? Non évidemment, ce serait trop beau.

La première sensation qui accompagne mon éveil et la chaleur qui émane de ma main. Il me faut quelque seconde pour comprendre que quelqu'un me tient la main. Durant un instant, je suis sceptique. Je n'ai plus de famille, réelle ou adoptive, alors qui ? Puis la sensation remonte le long de mon bras, elle est familière, je la reconnais. J'aurais aimé me réveiller comme une rose, fraîche et dispose, mais la réalité est tout autre. J'ai un mal fou a ouvrir les yeux, une migraine lancinante me défonce les tempes et la nausée me torture l'estomac. De quoi être magnifique au réveil.

Finalement, j'arrive a lever mes paupières et il me faut un peu de temps pour faire le point. Durant une seconde la pièce tangue comme un bateau sans capitaine avant de stabiliser. Je ne suis pas chez moi, ça c'est certain. Je soupire doucement avant de tourner la tête. Gar a dût m'emmener a l’hôpital. J'ai un maigre sourire. Je lui en ai fait voir durant les dernières heures, j'en avais conscience. Il avait les traits tirés, les cheveux tout ébouriffés... Combien de temps m'avait il veillé ? Doucement, je retirais ma main de la sienne pour caresser délicatement ses cheveux, tenter d'y mettre de l'ordre, je ne sais pas. Il aurait tout les droits de m'en vouloir plus tard. Je vois ses cils frémirent mais je ne retire pas ma main pour autant. « Hey... » soufflais je doucement en guise de salut. Je ne savais même pas si on pouvait se permettre l’hôpital, j'espérais que oui, j'avais la hantise des dettes, je n'en voulais pas. Mais ces considérations n'étaient pas a l'ordre du jour, pas tout de suite du moins. « Tu aurais dût rentrer. » Même si je savais que, quoique je dise, il ne le fera pas. Je m'en veux, c'est certain, il avait assisté a quelque chose dont je l'avais toujours protégé, enfin j'avais tenté, autant dire que c'était un échec total. Je ne savais pas ce qu'il pensait et, quelque part, je ne voulais pas le savoir. Pas maintenant du moins. Peut être que plus tard, j'en aurais le courage. Allez savoir, c'était pas gagné, mais une chose était sûre, je ne pourrais plus faire la tête d'autruche dans son trou.

Elle est agréable cette caresse.

Cela fait combien de temps que je n'ai pas reçu ce genre de marque d'affection, tout simple ? Beaucoup trop longtemps et mon cœur se serre douloureusement en me renvoyant à une période lointaine et bien plus sereine et heureuse. Mais ce temps là est révolu et je sors d'un sommeil où je ne me souviens même pas d'être tombé avec difficultés. Il faut croire que la décharge d'émotion a eu raison de moi. Moi qui voulais veiller sur Rachel... Piètre gardien. Même si, on toute logique, elle ne risque absolument rien, dans cet hôpital. Mais... on ne sait jamais. Maintenant, je sais quel sombre secret elle garde tapi au fond d'elle et combien elle peut basculer brutalement. Je doute qu'elle ai de nouveau la force de déchainer ses pouvoirs avant un moment, mais il suffirait qu'elle ne sache pas où elle est ou qu'un geste médical l'agresse pour qu'elle parte en vrille. Vraiment ? Jusqu'à maintenant, cela n'est jamais arrivé... Est-ce que je vais désormais guetter le moindre de ses faits et gestes à la recherche d'un signe avant coureur pour prévenir un désastre ? Ce ne serait pas jour eu égard à tout le self control dont elle a fait preuve jusque maintenant, mais en même temps... Elle m'a terrifié.

J'ouvre péniblement les yeux alors que déjà, les pensées se bousculent dans ma tête et la regarde, en me redressant lentement. Je me suis très mal installé pour m'assoupir. Je note que ma main n'a pas quitté la sienne. "Salut." Je souris légèrement, encore ensommeillé, avant de hausse une épaule à sa remarque : "Pour faire quoi ? Tourner en rond en attendant d'avoir de tes nouvelles ? Non, pas question. Je ne suis pas plus utile ici, mais au moins, je sais comment tu vas. A peu près." Je regarde sa peau trop pâle, ses cernes, mais elle a l'air plus apaisée. Fatiguée aussi, mais c'est normal avec tout le sang perdu. "Tu es passée à rien de mourir tu sais..." Mon visage s'est considérablement rembruni en le notant. Plus j'ai mis de temps à la ramener à la raison, plus elle a perdu de sang. Et je ne parle pas du transport. J'ai fait ce que j'ai pu, au plus vite, mais... Cela aurait pu ne pas être assez. "Comment tu te sens ?" Elle a conscience qu'il faudra qu'on parle de tout ça quand elle ira mieux n'est-ce pas ? Je ne suis pas du genre intrusif ni rien, mais là, quand même... C'est ma vie et celle de pas mal de monde je crois, qui est en jeu si elle dérape. Cela me permettra de mieux la comprendre.

Je ne lâche pas sa main, mais je fais rouler un peu les muscles de mes épaules et de mon dos, passablement engourdis après ces quelques heures volées. Je ne sais même pas combien de temps j'ai dormi. Sans doute pas tant, le personnel médical ne resterait pas des heures sans passer voir une patiente, même si les appareils sont tranquilles. Ou alors je ne les ai pas entendu, mais ce serait étonnant quand même. Ah d'ailleurs... "Au fait, si jamais on t'en parle, je suis ton petit ami... Cela m'a semblé la meilleure option pour tout expliquer et qu'on me permette de rester avec toi. J'ai été assailli de questions concernant ton état et ce qu'il s'était passé." Je suis à la fois gêné et un peu heureux quand même, quand je me présente comme son copain. C'est bien de prendre ses fantasmes pour des réalités Gar.

Mon sourire est un peu fatigué alors qu'il me répond avec désinvolture. J'aurais préféré qu'il se repose...Mais en même temps, j'aimais qu'il soit près de moi. J'avais toujours nager entre des sentiments contraires le concernant. C'était parfois fatiguant, parfois exaltant. Je ne savais pas vraiment où me positionner, entre ce que je voulais et ce que je désirais réellement. Enfant, on m'avait apprit a ne pas hésiter, a tenir la bride a mes émotions, quitte a les étouffer parfois alors je ne savais pas gérer leur tumulte. Il y avait de l'ironie la dedans en fait. Je n'aime pas l'ombre qui noie ses traits lorsqu'il parle de ma survie, instinctivement, j'effleure sa joue. « Je sais. » Oui, j'en étais bien consciente et c'était ce qui était terrifiant quelque part. A quel point, je lui devais le moindre souffle qui m'animait a cet instant ? Cette pensée me fit sourire davantage, étrangement avant que je ne ferme des paupières trop lourdes pour moi. Je ne dormais pas non, mais la lumière, même diffuse était agressive.

Je grimaçai légèrement. « Comme après être passée sous un rouleau compresseur ? » En vrai, je me sentais déjà mieux, mais ce n'était pas la grande forme non plus, il ne fallait pas abusé. J'avais clairement déconner. J'étais capable de contrôler la plupart de mes émotions mais la colère...Je savais qu'il ne fallait pas qu'elle naisse. C'était pour cela que je paraissais froide, détachée, distante, ce n'était pas contre les gens, c'était...Pour les protéger. Mais là... Autant dire que c'était un foirage total. J’entrouvre a peine les yeux pour le voir reprendre pieds dans la réalité, rouler des épaules. Le pauvre, il n'a pas dût dormir confortablement. « Vingt ans et déjà plein de courbatures....tu es fragile en fait. » me moquais je doucement, avec une voix un peu éraillée mais amusée. Cela me faisait du bien de le voir, de lui parler, de le savoir là, tout bêtement. En fait, je suis une foutue sentimentale. Mon maître m'aurait sans doute reprise de volée pour ça...Avant... Mais il était mort depuis longtemps. Bien trop longtemps. Il me manquait parfois.

Gar reprend la parole et me sort de ma nostalgie, de ma tristesse cachées derrière le bleu de mes iris. Pendant un moment, je le regarde sans rien dire, confuse. Hein ? Puis je ris doucement, rire qui se termine en toux. Ah bon sang...Combien de temps vais je mettre pour me remettre de ça ? « Tu es sans doute ce qui s'en rapproche le plus pour moi, alors...Ce n'est pas totalement un mensonge si ? » Et puis j'aurais même dit que c'était mon père, si cela me permettait de le garder plus longtemps avec moi. Oui je sais, il y a un petit quelque chose de pathétique a le dire comme ça.Puis je serrai mes doigts autour des siens. « Je me doute que tu as plein de questions... » C'était normal sans doute, il avait vu une face de moi que je dissimulais au plus profond de moi depuis que j'étais enfant. Il ne devait sans doute même pas savoir sur quel pieds danser. « Je ne suis pas du genre a retarder l'inévitable Gar, allongée sur un lit ou non. » je déglutis mais ma gorge reste sèche malgré tout. Foutue opération. « Alors pose moi tes questions. » Je lui devais bien ça. Je lui devais juste ma vie en vérité. Qu'importe ce qu'il demanderait, j'y répondrais, du mieux que je le pouvais.

Je tressaille un peu quand sa main effleure ma peau. Rachel n'est pas très tactile de base, je me suis habitué à cette distance qu'elle a instauré d'office entre nous et finalement, je n'ai de vrais contacts avec elle que quand je m'amuse sous forme animale. C'est un peu de la triche, mais étrangement, elle l'accepte plus facilement. Alors j'en profite forcément. Mais elle a l'air de prendre conscience de la trouille que j'ai eu. Je ne sais pas encore si c'est de ne pas pouvoir lui permettre de recevoir des soins médicaux à temps ou de la voir perdre le contrôle et devenir une boule de haine qui s'en moque de tout anéantir. Les deux se valent. J'ai un léger sourire quand elle me décrit son état. Ressentir quelque chose c'est signe qu'on est encore vivant, c'est plutôt bien non ? D'ailleurs, à ce sujet, je ne suis pas non plus au top de ma forme. Pas assez dormi et mal en plus. Mais elle a quand même le toupet de se moquer. Tsss. "Bah je t'ai porté sur plusieurs mètres, entre l'appart et le taxi et le taxi et les urgences et même si tu n'es pas bien épaisse, ce n'est pas un effort très habituel pour moi. Et je ne pensais pas m'endormir comme ça. La chaise est pas mal, mais cela ne vaut pas un lit et le tien est trop petit et y'a trop de tuyaux." Je rétorque avec humour, même si je n'aurais pas osé m'installer comme ça, surtout là, à l'hôpital. Mais ça lui apprendra à se moquer. Alors que je me suis fait un sang d'encre !

Mais cette réflexion en amène une autre et je lui apprend que pour le personnel de l'hôpital, on est en couple. C'est la première chose qui m'est venue à l'esprit. Sa première réaction me prend au dépourvu alors qu'elle rit et je me lève à moitié pour me pencher sur elle, inquiet, quand elle se met à tousser, mais ça va et je me rassois, plutôt abasourdi par sa réponse. Je suis ce qui se rapproche le plus d'un petit ami ? Je ne sais pas trop comment le prendre. Enfin, je suis sans doute le seul mec qui peux l'approcher et on vit sous le même toit donc bon... "On peut dire ça." Je réponds en haussant une épaule. Par contre, je ne m'étais pas attendu à ce qu'elle aborde si rapidement ce qu'il s'est passé. Je demeure muet quand elle semble ouverte aux explications, alors qu'elle ajoute ne pas être du style à reculer pour mieux sauter. "Je sais pas. Je ne suis pas certain que ce soit le meilleur moment pour en causer. Outre qu'il peut y avoir des oreilles indiscrètes, tu te réveilles tout juste. Tu dois être épuisée. J'aimerai autant qu'on en discute à tête reposée." Le temps qu'elle se remette. le temps que moi, je digère. "Nous ne sommes pas à quelques jours près." Pas alors qu'elle ne m'en a jamais parlé en plusieurs mois de vie commune n'est-ce pas ? Il n'y a pas d'urgence. Je n'ai pas l'intention de m'évaporer. Et elle, elle n'est pas en état de le faire. Et pour aller où de toutes façons ?

"Tu vas te remettre, sortir d'ici rapidement et faire ta convalescence à la maison. Et on aura alors tout le temps de parler. Cela te va ?" De toutes façons, je ne lui laisse pas spécialement le choix. Une infirmière et un médecin entrent sur ces entrefaits et me demandent de sortir afin de vérifier que Rachel va bien. A regrets, je lâche sa main et je sors de la pièce, m'appuyant contre le mur du couloir. Cette hospitalisation impromptue va coûter une fortune. Je ne peux pas rester avec elle H24, on le sait bien. Mais elle ne peut pas sortir tant qu'elle n'est pas assez en forme pour se téléporter à l'intérieur. J'ai quelques nouvelles par le médecin, je hoche la tête, rassuré. Je dis au revoir à Rachel alors qu'on m'invite à rentrer chez moi maintenant que le pire est passé. La douche est un luxe incroyable mais ça fait bizarre de me retrouver seul ici. J'essaie de nettoyer le sang aussi, avant de m'effondrer d'épuisement. Le jour suivant, je prospecte et m'introduis dans une riche résidence pour dérober de quoi payer les soins de Rachel. Et ce n'est que trois jours après l'incident que je peux enfin ramener une Rachel un peu pâle, mais capable de marcher à la maison. Je la soutiens et me montre sans doute un peu trop protecteur et collant, mais je ne me permet de souffler vraiment que quand elle réussit à se téléporter dans le salon et que je l'y attends, ayant tout juste eu le temps d'enfiler mon jean, l'aidant à s'affaler sur le vieux canapé. "Va peut-être falloir penser à installer une porte quand même." Je suis assez sérieux. "Tu veux quelque chose ?"

J'ai un léger sourire, un peu pâlichon mais je crois que c'est bien normal dans ma situation. « Quel exploit. » Il y a du rire dans ma voix, mais de la reconnaissance dans mes iris claires. Sans lui, je ne sais pas vraiment ce qu'il se serait passé. Sans doute aurais je par épuiser tout mes pouvoirs, non sans faire un carnage au passage. Cela m'aurait affaiblie et n'aurait pas manqué d'alerter mon père. Il y avait une raison pour laquelle je n'utilisais jamais mes pouvoirs a outrance. Je devais faire profil bas, me cacher de lui, qu'il ne retrouve jamais ma trace. Même si je savais qu'un rituel était nécessaire...Je ne voulais pas tenter le diable...Ah. Ah. Ah. La bonne blague.

Malgré mon état, il arrive a m'arracher un rire qui fini en toux ce qui a le don de l'inquiéter. Il n'y a pas de quoi, je retrouve mon souffle assez facilement de toute façon. J'aurais sans doute été prête a tout pour le garder avec moi, mais quelque part, il y a le regret que ce qu'il ai dit ne soit pas la pure vérité. Parfois, je me demandais comment il serait, comment il était avec une fille qu'il aimerait...Mais cela ne durait jamais longtemps, ce genre de pensée avait le don de m'agiter avec un peu trop de force. Puis, je soupire doucement. J'ai toujours voulu lui éviter beaucoup de chose, en pensant sans doute faire pour le mieux mais... Etait ce réellement le mieux ? Au vu des derniers événements...Autant dire que c'est un fail total. Je suis un peu étonnée qu'il ne se jette pas sur la perche que je tendais. Un peu seulement parce qu'il n'a pas tord, mon cerveau nage encore dans le formol et ma nausée n'a pas l'air de vouloir me laisser tranquille... Et peut être que je suis soulagée de repousser le moment de tout lui avouer. C'est débile. C'est reculer pour mieux sauter, j'en ai bien conscience, tout comme j'ai bien conscience de sauter sur l'occasion avec un peu trop de précipitation. « D'accord. ».

J'aurais aimé qu'il reste un peu plus longtemps mais l'infirmière lui fait bien comprendre qu'il était temps pour lui de partir. Au moins, il eut la possibilité de me dire au revoir. Je ne garde pas un super souvenir de l’hôpital, en fait, je n'apprécie pas tellement de me retrouver entourée d'inconnus, je ne suis pas tranquille et, autant le dire, le séjour ne fut pas des plus reposant, étant sans cesse sur le qui vive, la guérison prenait un peu trop de temps a mon goût. J'attendais mon autorisation de sortie avec impatience. Je n'en pouvais plus, je voulais rentrer chez nous, j'en avais marre et franchement, ça se voyait sur mon humeur d'habitude égale. Gar vint me chercher trois jours après mon arrivée, je ne risquais plus rien, il faudrait juste penser a nettoyer la plaie correctement pour que la cicatrisation se fasse au mieux. Rien d'insurmontable.

Me téléporter jusqu'au salon me demanda un gros effort malgré tout et je me retins au mur pour ne pas m'écrouler. Ah...je n'étais pas encore au mieux de ma forme. Gar se précipite tout de suite pour me soutenir. Il sait que je n'aime pas dépendre de quelqu'un mais il ne me laisse pas ni en placer une, ni le choix. Je ne sais pas si je dois m'en agacer ou pas, parce qu'au final...Que ce soit lui ne me gêne pas tant que cela. Je soupire de soulagement une fois posée sur le canapé, ou plutôt étalée comme un déchet. Mon flanc me tire a l'endroit où il y a les points de suture et je me sens aussi faible qu'un nouveau né. « Ouais...une porte...Si on en trouve une blindée pourquoi pas. » Même si je n'aime pas cette idée, on avait sécurisé notre apparat mais je crois qu'aucun de nous n'avait pensé que c'était aussi une prison de laquelle on ne pouvait pas sortir. « De l'eau s'il te plait. » J'ai la gorge un peu sèche avec le cocktail de médoc que j'ai été obligée d'avaler avant de quitter l'hosto. J'arrive a me surélever en peu en remontant un coussin sous mes épaules mais l'effort m'a limite épuisée. Rha. Pathétique. « Comment tu t'es débrouillé pour payer l’hôpital ? » Il savait que je ne condamnerais pas ses actions, j'espérais juste que ce n'était pas quelque chose de dangereux. Genre service d'intermédiaire ou autre...

"Et oui, je suis plein de surprises." Je décoche un sourire ambigu à Rachel à cette réplique. Je peux enfin souffler un peu, elle est sortie d'affaire, le pire est passé. Sauf que je ne peux pas trop me permettre de réfléchir à ce qu'il vient de se passer et à ce qui aurait pu arriver si je n'avais pas réussi à la ramener à la raison. Et l'amener ici tout court. Pour le moment, je me contente d'être... moi. Gar, le mec toujours optimiste, avec toujours une connerie à sortir. Sauf que ce n'est pas toujours facile d'endosser ce rôle. Je pourrais toujours souffler plus tard. Quand je serais seul. Même si je n'ai aucune envie de la laisser ici, mais nous n'avons pas trop le choix, on m'a permis de rester parce que la situation était critique mais maintenant, Rachel est entre les mains du personnel compétent. Je n'ai pas envie de parler maintenant de ce qu'il s'est passé. je suis crevé et elle n'est pas plus fraîche. Et on ne sait jamais quelles oreilles indiscrètes peuvent trainer. Je repousse donc à plus tard le moment des explications et suis contraint de m'éclipser rapidement. Ce qui me permet de relâcher la pression à l'abri des regards, de trembler rétrospectivement face à ce qui est arrivé mais aussi de me demander qui est réellement Rachel... Je ne suis pas certain d'avoir envie d'avoir une réponse à cette question là. Mais ce serait faire l'autruche que de prétendre que rien n'a changé...

Ces trois jours de répit ne sont pas de trop pour redevenir serein finalement. Je vais chercher Rachel à l'hôpital, non sans m'être acquitté des factures. Et putain, qu'est-ce que c'est cher... Comment voulez-vous que des citoyens honnêtes parviennent à accéder à ce genre de service franchement ? Heureusement que j'ai quelques talents cachés qui me permettent de récupérer de l'argent rapidement, parce que sinon... Je soupire. Bref, peu importe. Nous n'avons pas de dettes. Et moi j'ai eu chaud aux fesses, manquant de me faire choper en train de voler par un des collaborateurs d'un boss de la ville. Autant dire qu'il ne vaut pas mieux tomber entre leurs mains.

La téléportation de Rachel l'épuise naturellement et je l'aide à s'installer, non sans faire remarquer qu'une porte se serait quand même bien en fait, ne serait-ce que pour parer au problème qu'on a rencontré. Même si en théorie, aucun de nous n'est censé être blessé à l'intérieur. Quelle idée de venir se téléporter directement à l'intérieur. Un coup à se retrouver prise au piège... "Ouais, on va s'amuser à la ramener..." Enfin je suppose qu'elle peut aider avec sa télékinésie, histoire que je sue pas sang et haut pour un truc 10 fois plus lourd que moi. Je vais chercher de l'eau jusqu'à la cuisine comme elle me le demande et viens m'asseoir à côté d'elle en lui tendant le verre? Je résiste à l'envie de l'aider. Ce n'est pas quelque chose qu'elle apprécie particulièrement en fait. Et elle revient à une préoccupation très terre à terre. Je hausse les épaules... Avant d'agiter les doigts devant elle avec un sourire malin : "Je suis très agile de mes dix doigts... Disons que j'ai visité une paire de propriétés privées et pris de quoi ne pas avoir de dettes." Ce qui est pratique, même si dangereux. Un jour, je vais avoir des ennuis et me faire choper, j'en suis presque sûr. Mais pas cette fois. Mon sourire disparait et je l'observe, hésitant : "Rachel... Tu te sens assez bien pour m'expliquer ce qu'il s'est passé ?" Même si je ne suis pas certain d'être en capacité de l'entendre. Mais je tais cela et attends simplement.

Je ferme les yeux de soulagement, maintenant que je suis chez nous, installée sur le canapé...Comme une petite chose fragile....Ah...techniquement, j'en suis une. « Ouais mais une porte normale ne serait pas une bonne idée. » Clairement pas, et puis, je ne me sentirais jamais en sécurité avec une simple porte entre notre refuge et l'avidité du dehors. Nous ne possédions pas grand chose, mais, justement, il n'y avait pas besoin de grand chose pour attirer les autres. Alors se serait une porte blindée, ou rien du tout. De toute façon, Gar en avait certainement conscience aussi. Et puis je suis curieuse de savoir comment il a réussit a payer l’hôpital, il faut dire que ça coûtait une blinde. Sa réponse me fit hausser un sourcil. « Évidemment, j'aurais dût y penser. » Je cache un demi sourire derrière mon verre avant de voir une ombre se poser sur le visage de Gar.

Sans doute ais je le même voile sur le mien d'ailleurs. Je soupirais avant de poser mon verre sur la table base. En fait, je ne sais absolument pas par quoi commencer. Je lui cachais un énorme pan de ma vie ou de ce que j'étais. Continuer a lui mentir serait totalement idiot maintenant, mais j'avais encore le réflexe de vouloir trouver une échappatoire. Ce n'était pas vraiment voulu, plutôt un moyen de survivre. « Tu te souviens de ce que je t'ai répondu lorsque tu m'as demandé si mon père était un extra-terrestre ? Je t'ai répondu qu'on pouvait le voir ainsi, mais extra-dimensionnel serait plus juste. Et cette dimension est connectée a tous les mondes, comme un miroir, enfin je l'imagine comme ça, après tout, pour chaque terre il y a un enfer. En bref, l'Enfer existe, les démons existent et dans mon cas, le terme technique, je crois, c'est demi-démon. » Ou Antéchrist bien que dans la légende, c'était Satan le gentil papounet. Mais après, il y avait un monde entre la réalité et les mythes transformés au travers les siècles. Moi même, je n'avais pas toute les réponses. A vrai dire, moins j'avais de rapport avec l'enfer, mieux je me porterais. Je bus une gorgée d'eau, le regard perdu dans le vide devant moi.

Ah...Je n'étais pas franchement à l'aise là. Je me masse un instant la tempe, cherchant mes mots. « Avoir un père pareil n'est pas sans conséquences non plus. Enfant, je n'avais pas le droit de jouer avec les autres, je ne devais pas avoir trop de contact avec eux non plus. On m'a apprit la parfaite maîtrise de soi dès mon plus jeune âge, méditation, transe, exercices mentaux...J'étais douée, je le suis toujours d'ailleurs mais si il y a bien une chose que je n'arrive jamais a contrôler...C'est ma colère. Je suis une sorte de mini Hulk on va dire. » J'ai un sourire désabusé, ouais tu parle ! « Je suis dangereuse quand je suis en colère Gar, vraiment. C'est déjà arrivé...une fois, avant que je ne sois envoyée ici et mon père en a profité pour s'incarner....Ce n'était pas très beau a voir. » Tu parle d'un putain d'euphémisme ! Je glisse un regard vers lui, histoire de jauger son humeur, mais c'est difficile a dire. Sans doute a-t-il déjà besoin d'assimiler ce que je viens de dire...Et de digérer sans doute aussi...

"Il doit bien y avoir un juste compromis." Entre la porte normale et facilement fracturable et la porte blindée qui pèse des tonnes. Sans aucune exagération. Mais je dois reconnaître que nous avons pas mal réfléchi en amont à tout ça et que nous nous sommes toujours senti en sécurité ici, à l'abri des regards et des mauvaises intentions. Mais ça, c'était avant qu'on se rende compte que s'il est difficile d'entrer... il est aussi difficile de sortir, quand nous n'avons plus la pleine possession de nos pouvoirs. Et encore, ce qu'elle fait elle, sa téléportation, ça demande plus d’énergie que moi. D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours réussi à changer de forme, même affaibli ou malade. En vérité, je pourrais rester sous forme animale indéfiniment au final. Même si je n'ai jamais essayé vraiment. Concernant la façon dont je me suis acquitté de nos dettes, je réponds avec un brin d'espièglerie. Pas besoin d'en dire davantage, elle sait bien à quelles activités illégales je me livre pour gagner ma vie.

Maintenant que nous sommes rentrés, plus ou moins installés et enfin seuls, je met les pieds dans le plat et demande à savoir ce qu'il s'est réellement passé. J'ai pas mal cogité depuis plusieurs jours et je pense que j'ai réfléchi aux hypothèses les plus folles. Je ne sais toujours pas vers laquelle pencher d'ailleurs. Qui est réellement Rachel finalement ? Et même si je crains que ce qui va sortir de cette discussion ne me plaise pas vraiment, je ne recule pas et l'observe le plus calmement possible. Elle commence donc par parler de son paternel... Pas un extra-terrestre mais un... extra-dimensionnel ? Hein ? Attends... quoi ? Son père est un... démon ? "Attends, attends... Ton père est un démon ?" L'information a de quoi me secouer un petit peu quand même. Ce n'est pas... rien. Je sens bien que le sujet est difficile pour elle. Et ça l'est aussi un peu pour moi, hein. Pas facile d'intégrer le fait que ma colocataire est la fille d'un démon... Que la fille dont je suis probablement amoureux a du sang démoniaque en elle et que cela se révèle quand elle pète un plomb.

Et elle me parle d'une enfance très solitaire. A ne pas devoir se mêler aux autres. J'ai tout un tas de questions qui me viennent à l'esprit d'ailleurs. Concernant son démon de père. Ca ressemble à quoi un démon ? Et ça a quel caractère au juste ? j'imagine qu'il n'était pas du genre à la prendre sur ses genoux pour raconter des histoires. "Alors ça vient de là que tu es toujours si... distante." Et détachée. Elle a été élevée comme ça. Son cynisme doit aussi venir de là. Son caractère contraste énormément avec le mien d'ailleurs. Je soupire et me masse l'arête du nez en essayant de recoller les morceaux. "Tu as parlé... d'un monde détruit..." Je n'ai pas oublié tout ce qu'elle a pu dire sous l'influence de la colère. Je ne l'avais jamais vue comme ça. Et quelque part, j'espère bien ne pas la revoir dans cet état là, parce que si j'ai réussi à l'apaiser cette fois, rien ne garantit mon succès la prochaine fois malheureusement.

J'ai du mal a deviner les pensées de Gar, ou alors je me voile moi même la face par peur de ce que je pourrais lire sur son visage...je ne sais pas trop, peut être un peu des deux. J'ai gardé le secret de ma naissance durant 20 ans, on m'a entraînée pour ne rien dire d'une certaine façon aussi. Parler ne m'était pas naturel, enfin si, mais parler de moi ne l'était pas. Avouer ce que j'étais...C'était comme briser un serment fait sur le dieu de la paix pour moi. « Ouais. » pourquoi en ajouter plus hein ? Mon père est un démon, cela se résumait à ça en fait. Juste quelque mots. Bon sang...Je sentais poindre un mal de tête carabiné.

Je me penche pour me saisir de mon verre d'eau...Pour une fois, j'aurais bien pris une vodka cul sec, moi qui ne buvait jamais, c'était d'un risible pas possible. Seulement, sa question suivante figea littéralement chacun de mes mouvements. J'avais parlé de ça ? Je ne m'en souvenais pas, pour moi, ma colère n'était qu'un nuage aussi sombre et écarlate qu'une mer de sang. Je ferme un instant les yeux, autant pour retenir mes larmes que pour échapper a son regard a lui. Les blessures sont vieilles mais toujours à vif et je crois qu'elles le seront toujours. J'avale finalement une gorgée d'eau, qui ne soulage pas pour autant la sécheresse de ma gorge. « Azarath. » finis je par murmurer avant de laisser fleurir un sourire fragile sur mon visage, fragile et noyé de tristesse.

Je repose mon verre sur la table avant de me renfoncer dans le vieux canapé. « C'est le monde je suis née...Enfin c'était. » Ouais. C'était. « Tu n'as jamais réellement cru a mon amnésie, même si tu ne m'as pas posé de question la dessus. Tu avais raison, je n'ai jamais été amnésique, mais l'excuse était parfaite pour expliquer le fait que je ne connaissais absolument rien de ce monde...Ni les langue, ni les coutumes, je ne savais même pas ce qu'était l'argent...Rien de rien. » En fait, j'avais eu de la chance...Quelque part, qu'il exista un système social pour prendre soin des enfants...Enfin soin était sans doute un bien grand mot lorsque l'on y songeait mais...J'avais eu de la chance. « Azarath ressemblait un peu a la terre, on avait des mers, des lacs, des océans, pas beaucoup de montagnes et des plaines absolument immense. Deux lunes et un soleil. On ne priait pas Dieu en tant que tel, on prônait la paix et la communication. Il n'y avait aucune guerre, aucun conflit et si jamais cela devait arriver, le Temple de la Paix jouait les médiateurs. » Je laissai errer mon regard autour de moi, sur l'appartement qui était le nôtre. Oui, Azarath était différente et en même temps similaire. « Notre société était basée sur la réflexion, la connaissance. Aucuns pouvoirs magiques ou presque, nous étions des humains, nous vivions juste ailleurs. » Je n'aimais pas parler d'Azarath, cela me faisait mal, vraiment très mal. J'inspirai profondément. « Je ne sais pas vraiment comment ma mère a mit la main sur ce grimoire, ni même pourquoi ou comment elle a invoqué mon père...Elle n'en a jamais parlé. Comment une femme élevée de cette manière pouvait...Enfin tu vois. » Je soufflai avant de continuer. « Enfin bref, mon père y a vu une opportunité sans doute, un lien parfait avec les mondes, un...portail en quelque sorte. Je suis née pour être ce Portail. Je n'ai pas d'autre utilité pour lui. Il n'a juste pas prévu qu'en tant qu'humaine, j'ai droit a mon libre arbitre. » Ce qui me rendait autant influençable que le contraire. « Lorsque le Temple l'a apprit, il nous ont prit sous leur aile. Les prêtres se sont chargés de mon éducation et ma mère a expié sa faute en servant les prêtresses. C'était une belle vie quelque part, juste...Un peu solitaire. » Tu parles d'un euphémisme. « Et puis, j'ai eu 13 ans, l'âge ingrat, l'âge où on se pose des questions. Des tas de questions, des tonnes...Et personne n'y répondait. Pas même un indice. » Je secouai légèrement la tête en y repensant. « Il n'y a rien de pire pour un enfant que de ne pas avoir de réponses, alors je les ai cherché moi même. Quand ma mère m'a surprise avec ce fameux grimoire dans les mains....Ah...Je crois que c'est cette fois là qu'elle a levé la main sur moi pour la première fois. Cela m'a mise en colère, vraiment...très en colère. La colère obscurcit mon jugement, ma rationalité et j'ai rien trouvé de mieux que d'ouvrir ce foutu bouquin. »

Mon index trace des petits cercles sur ma tempe. « J'ai invoqué Dagon...Le faire via un cercle le restreint mais moi...Je suis une porte grande ouverte et sans chaine, il a juste...traversé mon âme en la déchirant au passage... Il a mit un mois a détruire Azarath, un tout petit mois. Lorsqu'il est devenu évident que rien ne pourrait l'arrêter, les prêtres m'ont...Comment dire...Envoyée ici grâce a un rituel secret du Temple, peut être avec l'espoir qu'il parte avec moi, je ne sais pas..Mais une chose est sûre, il ne m'a pas suivie sur Terre. » Mon regard se fixe sur mon verre sans vraiment le voir. « Me tuer aurait sans doute été la meilleure solution mais...Cela aurait été un trop grand péché... » je laissai échapper un rire sardonique. « Quelle bonne blague ! » Je lui épargnais les scènes de massacres, les tortures, et ce rire....Qui ne quittait jamais vraiment mes cauchemars..Cela, je le garderais pour moi. « Le Grimoire a été détruit avec Azarath mais...Ce putain de rituel est gravé dans ma mémoire. » finis je par dire avec amertume, une fois lu, exécuté, il s'était comme...inscrit dans ma mémoire, j'en connaissais les moindres ramifications, la moindre petite boucle, le moindre petit symbole...

Heureusement que je suis assis quand même. C'est pas tous les jours qu'on apprend que sa colocataire et amie est le rejeton d'un démon. En fait, je crois que ça aurait été moins flippant si elle avait été extra-terrestre. Et pas extra-dimensionnelle. Je dois concilier ce que je sais d'elle jusqu'à maintenant avec ce que je suis en train d'apprendre. Elle a toujours été renfermée et discrète et je comprend pourquoi maintenant. Mais... Démoniaque ? Non. Enfin... j'aurais dit non en temps normal, mais après avoir vu son regard complètement sombre et le déchainement de ses pouvoirs... Je n'en suis plus aussi sûr. Et pourtant, cela ne change en rien les sentiments que je peux bien nourrir pour elle. Je suis paumé en vrai, il faut l'avouer. Je préfère rester muet alors qu'elle me parle de tout ça, cela vaut mieux. Mais j'ai quand même quelques questions. Elle a parlé de façon assez sibylline la dernière fois, mais j'ai retenu quelques bribes qui m'ont pas mal interpelé. Notamment la destruction d'un monde. Rien que ça. Et je vois bien que cette question ne lui plait pas vraiment et remue de douloureux souvenirs alors qu'elle lâche finalement le nom de ce monde, du bout des lèvres.

Elle est donc née sur une autre planète. Finalement, on n'est pas loin de l'extra-terrestre. Et je suis un peu perdu avec tout ça. Confus. Est-ce que j'ai cru à son amnésie ? Pas vraiment, mais chacun a ses secrets et ses blessures, à quoi bon la forcer à tout m'avouer ? Cela n'aurait pas instauré une relation de confiance entre nous... Enfin confiance... Elle m'a caché un sacré truc quand même. Je l'écoute me parler de sa planète natale, très pacifiste. C'est même utopique quelque part. Sérieusement quand on voit dans quelles conditions on vit maintenant... Le contraste est brutal. Son truc ça fait très... hippie en fait. Et c'est vrai que c'est troublant qu'une pacifiste se décide à invoquer un démon. Cela doit rendre folle Rachel de ne pas avoir de réponses à ce genre de questions, non ? Et des questions, elle s'en est posée... Au point de commettre l'irréparable. Voilà bien pourquoi il ne faut pas laisser les gens dans l'ignorance. Je ne suis pas curieux, enfin, si, mais je me freine, parce que cela peut causer des ennuis, mais la connaissance est clairement une arme. L'ignorance aussi. La preuve... "Mais... Après avoir invoqué un démon 13 ans auparavant, ta mère avait vraiment expié sa faute et ne voulait plus en entendre parler ?" C'était une réelle repentance...

Et à partir de là... Je frémis. Elle a détruit un monde. Mais ce n'était pas elle. "Ce n'était pas ta volonté de détruire tout. Tu étais manipulée..." C'est une différence importante non ? Et du coup, la dernière fois, quand elle a pété un câble... Son père aurait pu prendre possession d'elle et accomplir son œuvre ? Enfin, il n'est pas question de possession en vérité. Si je comprend bien. Je me masse les yeux, le cerveau en ébullition. "Donc, si tu n'accomplis pas ce rituel, il ne pourra jamais venir ici, n'est-ce pas ? Pourquoi le ferais-tu ?" Sous l'influence de la colère ? Le ferait-elle vraiment ? Je veux bien qu'elle puisse se mettre en colère... Mais au point de vouloir invoquer un démon destructeur ? Pourquoi ? y a-t-il vraiment une part démoniaque chez Rachel ? "Rachel... Quand tu te mets en colère comme l'autre fois... C'est... c'est encore toi ?"

Je replie les jambes contre mon ventre. Parler de tout cela m'est difficile et j'évite assez clairement de regarder Gar dans les yeux. Je ne sais pas ce qu'il pense, sur le fait que je lui ai, sans vraiment lui mentir, omis pas mal de chose et pas des moindres. Mais il a le droit a des explications alors tant pis. « Ma mère...Comment dire...Je ne la connaissais pas très bien. Elle me regardait toujours avec une espèce de peur sans nom dans les yeux. Je ne pense pas que finir dans un lit avec un démon soit vraiment ce qu'elle ai voulu...Je doute que ça ai été une partie de plaisir pour elle et se retrouver enceinte d'une chose dont on ne sait rien...J'imagine que ça n'a pas été facile. Par chance, je suis plus humaine que démoniaque mais ça.. - Je hausse une épaule – Elle n'a jamais réussit a m'aimer, ni même a faire semblant de m'aimer. Je lui rappelais constamment ce qu'elle avait subit et je la terrifiais, elle m'évitait alors je ne peux que supposer qu'elle se soit repentie et qu'elle ai gagné sa rédemption. Mais une chose est sûre, elle n'a jamais parlé de cette nuit là. » Ah, mon enfance avait été joyeuse hein ! En même temps, je pouvais comprendre ma mère et même si elle n'avait rien d'une mère aimante, il y avait la présence des prêtres pour compenser. J'ai été élevée dans la solitude oui, mais pas dans la haine, c'était sans doute ce qui faisait que je n'étais pas totalement instable mentalement.

Sa remarque se veut gentille je crois, une manière de me réconforter sans doute. J'ai un rapide sourire désabusée. « Manipulée ?..Je crois que ça amusait foutrement mon père de me laisser assister au spectacle surtout. » Histoire de me briser définitivement, que je devienne une poupée vide et utilisable a volonté. Malheureusement, ce n'est pas ce qui est arrivé, malheureusement pour lui et heureusement pour moi. Gar comprenait vite et je soupire un peu. « Normalement non, mais sous le coup de la colère, je ne peux pas prévoir que je ne le referais jamais. Ensuite, il y a beaucoup de chose que j'ignore donc c'est difficile à dire...Je n'ai jamais été traquée par les démons donc je suppose qu'il ignore où je suis mais je ne tiens pas a me faire remarquer et perdre la maîtrise de mes pouvoirs, c'est un peu devenir une lampe torche dans une nuit noire. » Et ça, je voulais l'éviter a tout prix. Je n'étais pas une spécialiste en démonologie. J'ignorais si j'avais réellement besoin de ce rituel ou non. Je savais que mes voyages astraux étaient dangereux parce qu'ils laissaient mon enveloppe vide mais a part ça...C'était le flou total.

Finalement, je me décide a le regarder alors qu'il s'inquiète. C'est compréhensible, même si un peu blessant. « Tu te demande si je suis possédée ? Non. Je ne sais même pas si je peux être posséder par des démons lambda, c'est jamais arrivé. Mais quand je suis en colère, je perds tout jugement et rationalité, on pourrait dire que c'est un état berserk, sans compter la perte du contrôle de mes pouvoirs qui s'amplifient fortement. C'est toujours moi sans l'être vraiment dans le sens où tout mes mauvais côtés sont amplifiés. Je veux dire, je suis comme tout le monde, je peux être jalouse, égoïste, lâche ou que sais je, si en temps normal on réfléchit a la portée de nos actes ou que l'on sait si ce que l'on fait est mal, cette nuance disparaît sous la colère chez moi. C'est pour ça qu'on m'a entraîné pour garder une parfaite maîtrise de moi même. C'est...difficile a expliquer en fait. » Je réfléchis quelque instant. « C'est le côté obscur de la force on va dire» ironisais je un peu avant de braquer mon regard dans le sien. « Je suis désolée Gar, de ne t'avoir rien dit. » soufflais je doucement. « Je pensais que c'était la meilleure solution et, égoïstement, je n'avais pas envie de lire de la peur dans tes yeux lorsque tu me regarde. »

L'enfance de Rachel n'a pas du être simple et j'ai un pincement au cœur en y songeant en fait... Une mère qui la regarde avec peur, un père qui ne voit en elle qu'un outil et qui est un démon craint... Ça craint grave. Elle n'a pas connu de système parental classique, ni de foyer harmonieux et aimant. Même si cela m'a été enlevé, au moins, j'ai pu grandir entouré de l'affection et l'amour de mes parents pendant presque 10 ans et d'autres personnes ensuite se sont occupés de moi et m'ont aimé. Même si j'ai été trahi, même si j'ai connu le deuil.Je comprends le caractère solitaire de Rachel. Et sa vision désabusée des choses. Même si je ne la partage pas et que j'espère bien ne jamais la partager. J'ai envie de lui dire que je suis désolé, mais qu'est-ce que cela changerait au juste ? Ce que je comprends en revanche, c'est qu'elle a probablement peur de voir ce même sentiment dans mon regard maintenant que je connais toute son histoire. Que je la rejette ou que je la craigne. Je ne peux pas assurer être totalement serein, surtout après avoir vécu son pétage de plomb mais... Merde, c'est mon amie, au delà de son passé et même si elle a menti à ce sujet, on vit ensemble depuis un bail, je pense quand même la connaître mieux que personne, elle n'a pas pu tricher pendant tout ce temps.

Et donc, si elle déchaine ses pouvoirs, au delà d'être dangereuse, elle risque d'attirer l'attention d'un démon destructeur de monde sur elle. Et donc sur cette terre. Génial... Rachel est une épée de Damoclès sur nous en réalité et notre avenir dépend de sa capacité à garder le contrôle, si je résume. Ah ouais, pas de soucis, je suis hyper serein avec cette information en ma possession maintenant. J'ose alors lui poser des questions. Est-ce que je la pense possédée ? Non, ce n'est pas exactement à ça que je pense en fait. Mais je ne comprends pas comment, sous le coup de la colère, on peut en venir à souhaiter que tout disparaisse autour de nous. Et si cela vient de Rachel... Bref, je trouve ça encore plus inquiétant en fait. Parce que ça veut dire qu'en son cœur, elle nourrit un désintérêt profond pour la vie. Voire une haine pour l'humanité. Et contre ça, qu'est-ce que je peux faire ? A moins de lui montrer que ce monde vaut la peine de vivre ?

Je comprends davantage l'analogie avec l'état berserk. C'est davantage ce à quoi je pensais. "Non, je ne parlais pas de possession." J'esquisse un mince sourire quand elle s'excuse de ne pas m'avoir confié tout ça avant. "Je comprends... Ce qui me fait peur, c'est que tu puisses vraiment détester ce monde. Que cela soit ancré en toi et que ta colère te fasse perdre toute mesure." Je soupire, avant de me rapprocher et de prendre son visage entre mes mains : "Je t'apprendrai à aimer ce monde, Rachel." Doucement, j'embrasse son front, avant de poser le mien contre le sien en fermant les yeux. "Je n'ai pas peur de toi." C'est vrai, je m'en rend compte. Je devrais. J'aurais bien toutes les raisons de flipper en vrai. Mais ce n'est pas le cas. "Tout va bien se passer maintenant, tu n'es plus seule pour gérer ça."

Je ne pensais pas que ce serait aussi...Comment dire...Libérateur de lui parler. Tout ce que je pouvais garder a l'intérieur de moi et encore, je n'avais fait qu'effleurer la surface, j'avais juste exposé les faits, je ne lui parlais pas de mon sentiment atroce de solitude, ni de mon incompréhension devant les sentiments de ma mère. J'avais souffert de ça, ma mère ne m'avait jamais prise dans ses bras, n'avait jamais baisé ma joue et n'avait sans doute pas prier pour que je sois heureuse toute ma vie. Maintenant, avec le recul...Je me dis que j'ai sans doute esquiver une catastrophe, je ne sais pas comment mais c'est mon sentiment... Et lui, toujours fidèle a lui même. Je ne sais pas ce qu'il ressent et je n'arrive pas a lire dans son regard. Mais il reste ce qu'il est, un homme profondément bon. Je crois qu'au fond de moi, j'ai toujours sût qu'il était comme ça, trop bon pour ce monde, malgré tout ce qu'il avait vécu, le peu de ce dont j'avais été témoin, il gardait tout de même une confiance inébranlable dans ce monde. Je l'enviais ? Ouais peut être, difficile a dire. Détestais je ce monde ? Sans doute, quelque part. Azarath n'avait jamais mérité son Armageddon alors que la Terre se roulait dans la fange...

Je ferme un instant les yeux avant de les rouvrir avec surprise en sentant les mains de Gar sur mes joues. M'apprendre a aimer ce monde ? Oui, ça lui ressemblait bien et peut être était il le seul a en être capable. Il est si prêt que je n'ai qu'a ouvrir les yeux pour plonger directement dans les siens et ils sont magnifiques. Son baiser est aussi doux qu'il l'est lui même avec moi. Je viens de lui dire qu'il vivait depuis tout ce temps avec une bombe prête a exploser et il... Bordel... Quelque chose se brisa a l'intérieur de moi, comme une vitre qui se fend avant de se détruire soudainement...Je jette mes bras autour de son cou, comme si ma vie en dépendait et peut être es ce ,quelque part, le cas. Je ne dis rien parce que je ne sais même pas si je pourrais aligner deux mots. Il est si chaud contre moi, si solide... Je ne me rends pas tout de suite compte que je pleure.

Je pleure comme jamais je ne m'étais autorisé a le faire. En silence, juste le nez au creux de son cou. Je n'ai jamais pleuré comme ça, pas même lorsque ma mère me rejetait, pas même alors que mon père ravageait le seul endroit que je pouvais qualifier de maison, de foyer...J'avais l'impression que mes larmes n'avaient aucune fin. Elles ne font que glisser encore et encore alors que je le serre le plus fort possible. Je ne sais pas si je dois le croire quand il m'assure qu'il restera avec moi, quoique je sois...je ne sais pas, mais je veux y croire. Oui, c'est ça, je veux y croire alors que je suis en train de m'effondrer contre lui. « Me laisse pas. »

Je ne suis pas empathe. Pourtant, en cet instant, j’ai énormément de peine et de compassion pour Rachel. Et cela supplante, très facilement et de très loin, la moindre peur à son endroit. Il n’est pas très difficile de la comprendre maintenant que j’ai toutes les clés. Maintenant que je sais quelle a été son enfance, bercée de solitude et de rejet, alors que sa propre mère avait peur d’elle et que son père voulait se servir d’elle et n’était même pas humain. Est-ce qu’on peut jeter la pierre à sa génitrice pour son comportement ? probablement pas. Et Rachel ne semble éprouver aucune rancœur à son endroit. Elle a beau se penser dangereuse ou même mauvaise, elle ne l’est pas. Mais il lui faut apprendre quelques… émotions, absentes de son développement initial. Est-ce que cela est encore possible ? Je pense. Je ne réfléchis plus vraiment quand je m’empare de son visage et que j’embrasse son front avec douceur et assurance, tout en lui disant que je serais là. Que je lui apprendrais à aimer ce monde. Je ne la laisserais pas tomber, parce qu’en cet instant, je n’ai réellement aucune peur quand je la regarde. Je vois juste la jeune femme fragile qu’elle peut être derrière cette carapace.

Contre toute attente, elle fond en larmes et s’accroche alors à moi, me prenant au dépourvu par la violence de cet appel de de détresse. Cela ne lui ressemble tellement pas. Je ne l’ai jamais vue avoir une émotion aussi exacerbée. Enfin sauf quand elle s’est mise en colère, mais hormis ça, Rachel est d’une humeur égale, qu’elle soit triste ou non. C’est un peu comme si elle voyait le monde en demie teinte. Il n’y a pas de noir ou de blanc, juste du gris. C’est morne, ça ne la touche pas. Elle semble survoler sa vie, sans jamais larguer les amarres. Mais cette fois… Cette fois, elle tremble dans mes bras, alors qu’elle pleure en silence, que je sens ses larmes humidifier mon cou. Ce genre de faiblesse, elle ne s’est jamais autorisée à la montrer. Peut-être est-ce le contrecoup de son hospitalisation, de sa douleur, de sa peur… Elle est affaiblie, vulnérable. Et moi, je lui demande de me raconter sa vie, si douloureuse. Ce n’était peut-être pas le moment mais… Alors que je referme mes bras autour d’elle et que je passe une main sur sa tête, lissant ses longs cheveux noirs, je me dis que je ne regrette rien. Que je ne regrette pas de savoir ce qu’elle est et la menace qui plane sur nos tête. Que je ne regrette pas de l’avoir poussée à tout m’avouer alors que je peux être… quelqu’un pour elle. Être important. C’est sans doute mal de se réjouir de rendre quelqu’un dépendant de soi mais… c’est comme ça.

Sa supplication me heurte le cœur et je la serre plus fort. « Promis. » Et je suis quelqu’un qui n’a qu’une parole. Même si je suis un voleur, que je fais de la contrebande, j’ai le sens de l’honneur. Je n’ai pas perdu les valeurs inculquées par mes parents, fort heureusement. Même si, souvent, je me demande ce qu’ils penseraient de l’homme que je suis devenu. Ce qui ne fait que me torturer inutilement d’ailleurs, j’évite de me livrer à ce petit jeu trop souvent. « Tu devrais te reposer, tu es épuisée. Physiquement et nerveusement. » Sans trop attendre son accord, je la soulève doucement pour l’emmener dans son lit. Je ne l’aurais jamais autant touché cette semaine qu’en plusieurs mois à vivre ensemble. Et j’y prends goût, alors que je pose un genou sur le lit et l’y dépose aussi doucement que je peux, malgré le léger déséquilibre qui est le mien. Mais je suis plus fort que j’en ai l’air. Peut-être à cause de mes gênes trafiqués , je n’en sais rien. Cela intéresserait probablement les scientifiques, mais plutôt crever que d’obtenir une réponse à ce genre de questions comme ça. Je repousse la couverture, un peu trop fine et élimée pour être très efficace. On se débrouille, mais on n’a pas grand-chose et surtout pas de qualité. Faudrait que j’y remédie. Trouver une couette par exemple, mais paie le bordel pour la ramener. On en revient à cette foutue porte en fait. « Ca va aller ? »

Je me contente de hocher la tête dans son épaule. Oui, je suis épuisée. Tellement que je me suis effondrée. Mes tuteurs auraient sans doute été horrifiés de me voir ainsi, mais pas Gar. Non lui, il m'a serrée contre lui, il a passé sa main dans mes cheveux. Je n'aime pas être touchée mais lui...Lui j'aime la chaleur de ses paumes et quelque part, j'ai besoin qu'il soit là, auprès de moi. Il est une âme pure malgré tout ce qu'il a dût faire, tellement pure qu'elle en est presque trop aveuglante. Parfois je me demande si c'est judicieux de rester avec lui, tôt ou tard, ma propre noirceur...Ah...Il faut que j'arrête d'y penser.

Je laisse échapper un petit cri surpris alors qu'il me porte soudainement et m'emmène dans ma chambre. Etre bordée comme une enfant... Je ne sais pas si je dois être contente ou pas là mais je soupire de contentement. Je m'enfonce sous la couverture mais même ainsi...Je le sens qui se lève et j'ouvre a moitié les yeux avant de lui attraper le pull. « Reste avec moi... » Je n'ai pas envie d'être seule. « S'il te plait. » peut être que j'en demandais trop ? Je ne sais pas, mais là, je voulais être égoïste, avide, je voulais être tout cela, comme une enfant qui fait un caprice. Ah, c'était pathétique en fait. Mais en même temps, je n'ai pas envie de me retrouver seule dans ma chambre. Pas après ces derniers jours. Je tire un peu plus fort sur son pull. « Il fait froid en plus. » Mais qu'est ce que j'étais en train de faire là ? Je ne pouvais pas trop exiger de lui. Il en avait bien assez fait pour moi, j'avais l'impression d'être une ingrate et d'abuser, mais je ne pouvais pas vraiment m'en empêcher.

Je suis sûre que j'ai les yeux gonflés, je ne dois franchement ressembler a rien mais qu'importe. Je lui souris un peu tout en tirant ma couverture sur moi un peu plus fermement. C'est vrai qu'il faisait quand même un peu froid, ou alors, c'était juste moi qui était tellement épuisée que j'avais du mal a maintenir la température de mon corps ? Aucune idée, mais j'avais besoin qu'il me garde contre lui. Juste un peu. Juste un peu plus longtemps. Etait ce trop demander ? Peut être. Je soupire. Mais parfois l'aimer en silence ne me satisfait plus même si je savais que c'était une très mauvaise idée d'être dépendante de lui, je ne pouvais pas vraiment m'en empêcher. Disons le franchement, je profitais allégrement de sa gentillesse...Finalement, j'étais peut être un peu plus démon que je ne le pensais.

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