Coup de Grâce | Intrigue 1 - Terminé |

La tempête se calme. Elle repart avec langueur alors que nous sommes toujours nus. Je me laisse aller à la douce récupération après ce drôle de moment, passé en compagnie de cette quasi-inconnue. Miss Daisy n’est pas le genre à faire les choses à moitié, ni même à reculer. Ca tombe bien sans doute, car ce n’est pas non plus mon cas. Je ne reste pas sur ma faim. Pas après tout ce qu’on vient de faire. J’ai largement eu le loisir de trouver en elle tout ce dont j’avais besoin. Et me demande à quel point c’était d’elle dont j’avais besoin, ou simplement de tout ce qu’elle pouvait me procurer. Je ne savais rien d’elle, et c’était un problème. Pour ce que j’en savais, elle était possiblement une cible pour Mirror. Et elle pouvait être aussi une ennemie. Peut être qu’elle faisait partie de ces groupes de héros ou de résistance, de tous ces gens qui avaient encore le pathétique espoir de voir les choses s’arranger alors qu’il était clair que c’était devenu impossible. Je ne pensais pas, quand même. Mais il y avait des choses chez cette femme qui m’avaient interpellé dès notre première rencontre. Déjà, sa détermination, et la violence avec laquelle elle semblait prête à traiter les problèmes devant elle. Je l’avais reconnue comme l’une de mes paires, mais cela ne voulait pas dire que je ne me méfiais moins d’elle parce cette forme de ressemblance fortuite…


Ou bien elle n’était personne et j’avais tort de bouder ce plaisir qui m’était offert, moi qui remettais tout en question à chaque fois que j’enfilais mon masque et que je sortais le soir pour une nouvelle mission. Elle est belle quand elle sourit ; elle donne envie de la croquer pour de bon. La belle semble hésiter un rien à ma proposition. Elle va de soi, pourtant. Tueur et fou à lier sans doute, mais pas totalement dénué de tact, et d’une sorte d’Humanité pourtant malmenée au quotidien par le moindre de mes actes, qui ne demande qu’un rien de champ libre pour s’exprimer par petites touches. Le vent fait battre un peu les volets de bois sur leurs gonds et on entend le bruit de la pluie au dehors. Elle me remercie et sourit, alors je lui vole un simple baiser.


| Pas besoin de me remercier… Il y a de l’espace, ici. |


Ma respiration se calme, lentement. Mon corps s’agite moins, ma cage thoracique s’élève moins rapidement et avec moins d’amplitude. Je suis bien, là. Mon corps est rompu d’une bonne et saine fatigue, de quelque chose de moins douloureux que d’ordinaire, par quelque chose de moins terrible et de moins mortel. Elle me demande la direction d’un endroit pour se rafraîchir, et de changer les draps. Mince sourire au coin des lèvres. Sourire triste, mais sourire quand même.


| Oui, la salle de bain est au bout du couloir. L’eau ne sera pas chaude, malgré tout ; je n’ai pas pris le temps de faire chauffer la chaudière, maintenant que je l’ai modifiée elle est capricieuse… Mais tu auras de l’eau, et tout le nécessaire. |


J’attends qu’elle se relève et prenne la direction de la salle de bain pour lui lâcher avec un sourire un rien bravache.


| Je m’occupe du reste, mais je n’aurais pas de quoi le changer plusieurs fois, à un moment donné il faudra faire avec… |


Alors je change tout, taies d’oreillers, draps, couettes. Et l’attends dessus, nu comme un ver, rompu, j’aurais sans doute pu mourir comme ça. Mais je me laisse glisser dans une certaine torpeur dans l’attente, née de chaleur et de songes moins cruels que d’ordinaire.

Je suis éreinté. Pas forcément par l’effort physique, par la dépense d’énergie, et un repas des plus frugaux finalement, compte tenu que nous sommes passés bien vite au dessert… Mais c’est peut être simplement la sensation de décompression après tout ceci, qui me fait le plus grand bien. Pour combien de temps ? Aucune idée. Je viens de coucher avec une femme secrète, qui n’a pas eu l’honnêteté ni la correction de m’avouer son identité, de me dire qui elle était ni d’où elle venait. Je devais être fou pour de bon, de l’avoir fait rentrer dans ma vie, dans mon intimité, sans me méfier ni me douter de rien. Quoiqu’il arrive, c’est trop tard pour avoir des regrets, et je suis bien à des années-lumière d’en nourrir de toute façon. Là je suis juste bien. Serein, même si la situation reste un peu ubuesque sur le fond, tant sur la nature de ma compagne que sur ma façon de l’avoir accueillie. Je respire à pleins poumons. Il y a son odeur, la mienne, la nôtre. Ca ne chasse pas les fantômes qui passent mon existence à tambouriner aux limites de ma conscience, mais pour l’instant l’odeur et les émotions ressenties les tiennent à distance. Je ne sais pas pour combien de temps… Alors, je savoure ce plaisir simple qui suit ce moment d’intimité avec une jeune femme très séduisante, qui ne venait de m’offrir rien d’autre qu’un moment de paix dans une vie chaotique, qui bientôt sans doute se terminerait.


La torpeur m’amène aux portes du sommeil, qui serait sans doute un peu réparateur… Je ne perds pas de temps alors, et déjà je glisse volontiers vers un reste de nuit qui sera sans doute agité, mais qui dans tous les cas me fera le plus grand bien. Je commence à m’endormir pour de bon, cris, hurlements et fracas des armes comme étouffés par un tampon d’ouate par-dessus mes tympans.


Au bout d’un temps qui me paraît indéfinissable, je me surprends à sentir un corps chaud contre moi. Comme dans un rêve. J’enroule un bras autour d’elle, l’attire, l’embrasse sur le front. Je suis toujours nu, mais plus d’envie, si ce n’est celle de simplement dormir et abandonner tout ce qui fait ce monde, pour au moins un temps. Je hume à pleins poumons l’odeur de ses cheveux, m’en imprègne les narines et m’embrume l’esprit avec, sans vergogne, sans réserve. Et m’endort contre elle, avec une dernière pensée lucide espérant que l’alcool et la fatigue ne me feront pas ronfler…