Un bidon d'essence, pour du sang frais !

La Ligue des Ombres savait que Gotham, Metropolis et Starcity allaient subir de profonds bouleversements mais avait exigé que ses agents, et surtout les Caméléons – créatures entraînées dès leurs enfances à enfiler et à jouer différents rôles – à rester dans la ville, à s’infiltrer dans différentes strates et à observer patiemment les mutations qui s’opèrent. L’ordre n’est pas de rester inactif et passif pour autant ! Au contraire, il fallait que les agents récoltent autant d’informations que possibles, que ce soit des observations sur les comportements ou les interactions humaines, des prélèvements sanguines – ou urinaires – ou l’obtention de tout nouveau produit – drogue, médicament … Est-ce que, malgré les années, l’éducation et l’accès à l’information – ainsi que sa vulgarisation – avait rendu l’Homme différent face à un scénario aussi désastreux et apocalyptique ? Avec une certaine amertume et déception, l’agent avait la sensation que le schéma était répétitif et que l’Humanité était toujours aussi prévisible et aussi destructrice. Le Paradis devenait Purgatoire entre leurs mains heureux, et le Purgatoire devenait l’Enfer dans leur désespoir. L’Homme était fait pour détruire son environnement, et non l’améliorer.

Une conclusion « personnelle » qu’elle préférait taire et ignorer. En effet, on lui avait appris qu’un Caméléon ne devait pas avoir de « caractère » ou « d’opinion » personnelle : la créature n’adoptait que l’opinion de son alias et en l’état, Roxana Osmani n’en avait que faire de l’influence de l’Humain sur son environnement ! L’agent allait donc se contenter d’obéir docilement aux ordres, et de continuer à récolter les informations nécessaires. En raison de son alias même, une médecin douée mais un tantinet froide et matérialiste, elle pouvait aisément se rendre aux chevets de chacun et de prélever ce dont elle avait besoin – un peu de sang, un peu d’urine, qu’importe, et selon le matériel dont elle disposait. La raison était simple : elle veut être sûre de pouvoir prévenir, ou se préparer, à une pandémie qui n’allait pas tarder assurément. Entre les conditions d’hygiène catastrophique, la malnutrition et les consommations excessives de produits nocifs, les maladies transmissibles par le sang, par l’urine, par le repas ou par rongeurs – multiplication des rats dans cette maudite ville – se multipliaient. Gotham Acadamy croulait petit à petit sous les demandes, et l’approvisionnement était de plus en plus une question tendue.

Il y avait bien un lieu où il serait grandement aisé de récolter une quantité considérable d’information sur les conditions de vie des gens de Gotham : Riverfront Center. Ce centre commercial devenu la caverne d’Ali Baba de Gotham est un marché gigantesque où il est bon de troquer ses produits contre d’autres. Dans le cas de Roxana, elle souhaiterait donner l’essence obtenue par une mécanicienne contre un petit somnifère pour obtenir des échantillons de sang de personnes « saines » de corps, et surtout encore entières. Avertie des arnaques à la chaîne présente, elle avait exigé à ce que les personnes se présentent pour inspection et, si satisfaisante, l’agent se chargera elle-même des prélèvements. Cependant il y avait deux difficultés dans cette histoire : d’une, emporter l’essence sans se le faire piquer en route, et de deux, pouvoir faire ses prélèvements sans avoir à surveiller ses arrières. En somme, une affaire de deux personnes, et elle avait opté pour l’aide de Barbara Gordon, acolyte de Dick Grayson apparemment, et qui avait accepté le marché également : en échange d’une aide à Roxana, cette dernière acceptait de les soigner ou de leur fournir quelques médicaments.

Attendant dans Gotham Academy, son lieu de travail mais également son lieu de réserve, son regard est posé sur le bidon d’essence.

Tout a l’air étonnement calme et presque vide pour le moment. Le problème, c’est que ce ne sont que des apparences, des illusions. Rien n’est serein bien longtemps par ici, ni ailleurs. Et on pourrait se dire que le Sphynx tient ses domaines d’une main de maître, ou que ses fidèles sont moins cinglés que d’autres, mais non, absolument pas. Ce sont tous des tarés violents, sans aucune moralité. On a juste de la "chance" de tomber dans un moment de tranquillité relative. Ça ne va pas durer, mais autant en profiter autant que possible.
Inspirant profondément, je resserre mon écharpe autour de moi, m’emmitouflant dans mon manteau, avant de descendre de mon perchoir aussi silencieusement que possible. Je suis quand même un peu sceptique et je me demande à quel point Dick se fout de ma gueule avec tout ça. J’ai accepté d’aider ce médecin, ce n’est pas la question. On a besoin de médicaments, de soins, c’est un échange de bons procédés et je préfère traiter avec cette femme qui a déjà aidé Dick sans raison qu’avec d’autres. Mais il m’a parlé de faire le taxi, de jouer aux livreurs et limite à l’aide soignant. Des boulots relativement tranquilles donc.
Alors comment je me retrouve moi à devoir visiblement jouer les gardes du corps ? Non parce que quand même, du haut de mon mètre 70 et de mes 50kg, je suis carrément loin d’impressionner et donc de décourager les potentiels crétins. Dick ou Jason auraient eu un effet dissuasif qui aurait vachement simplifiée la tâche non ? Je ne dis pas qu’ils sont plus aptes ou plus doués que moi, mais avoir moins d’ennemis éventuels aurait été intelligent, non ? Et j e suis parfaitement capable de repousser des agresseurs, là n’est pas la question non plus. Mais je suis là en tant que Barbara, pas Batgirl. Même si Barbara a appris à se battre, c’est difficile de justifier que je puisse me débrouiller aussi bien parfois…

Je laisse filer un soupir et secoue la tête en rejoignant mon employeur du moment. C’est trop tard pour râler de toute manière. Et puis, qui sait, ça se passera super bien. Je grimace. Tu parles. De ce que je sais du boulot, ça va être folklo d’arriver au bout sans emmerdes. J’irai me plaindre auprès de Dick en rentrant oui.
Je l’observe en approchant, me demandant vaguement ce qu’elle espère retirer de tout cela. Non, ça fait longtemps que j’ai abandonné l’idée de trouver même des médecins totalement altruistes… Mais qui sait…

« Salut. Vous êtes le docteur Osmani ? » Je lui fais un signe de la main, un léger sourire plaqué sur le visage. « Barbara. Dick m’a dit que vous auriez besoin d’aide, je suis ici pour vous accompagner. Vous voulez aller jusqu’au centre commercial c’est ça ? » Je jette un coup d’œil sur le bidon. « Votre précieux sésame ? Je peux demander contre quoi vous voulez l’échanger ou je suis trop curieuse ? »  J’ai pas demandé où et comment elle l’avait obtenu, c’est déjà pas mal. Et puis, si elle préfère un trajet en silence, je suppose qu’elle me le fera vite comprendre. «

La rouquine que Dick avait décrite se présente au lieu de rendez-vous, et décline aussitôt son identité. Roxana aurait pu être satisfaite, jusqu’à ce que la demoiselle pose sa dernière question, faisant preuve d’une certaine indiscrétion indésirable. La brunette se demandait sincèrement si elle pouvait faire confiance à ce duo bien jeune : ont-ils le cœur suffisamment accroché vis-à-vis des horreurs que ce nouveau Gotham offrait ? Espéraient-ils accomplir de bonnes actions, et être récompensés pour celles-ci, en travaillant pour un médecin ? Malheureusement, dans ce nouveau Gotham, le serment d’Hippocrate était désuet et entraîné à sa ruine tout médecin, les bons comme les mauvais. Une situation qui ne faisait ni chaud, ni froid, à ce médecin qui avait déjà violé les serments faits par le passé pour l’appât du gain – en apparence – et qui n’était en vérité que la marionnette d’une organisation bien sournoise, et omniprésente : la Ligue.

- L’échange ne sera pas contre un bien, mais contre un service, à Riverfront Center. Je peux vous assurer qu’il ne sera pas question de mort, de torture ou de souffrances physiques. Tout ce que je vous demande est d’attendre devant une porte ou tente, le temps que je termine mon affaire. Je ne souhaite pas être dérangée ou être piégée. Si vous remarquez des mouvements suspects en notre direction, vous me signalez et nous partons aussitôt, se contenta-t-elle de dire.

Il était impensable d’expliquer à cette fille la raison d’échanger un bidon d’essence contre un tel service. En tant que médecin, elle pouvait avoir accès à ce genre d’échantillons en le demandant à ses patients, mais elle risquait d’attirer grandement l’attention du boss des lieux, un homme des plus renseignés et éclairés sur ce sujet. Il était impossible qu’elle ait les matériels nécessaires, et personnellement, pour contenir et préserver les échantillons et surtout les analyser convenablement. Elle se devait d’être aussi discrète que possible, et en incluant le moins de monde possible.

- Lorsque nous quitterons Riverfront Center, votre mission sera terminée et sera comptabilisée comme un futur service à rendre de ma part.

Les explications données, Roxana entame la marche, d’un pas rapide et ininterrompu.

- Dick m’a proposé votre aide. Il semble vous faire beaucoup confiance. Vous connaissez-vous depuis longtemps ? demanda-t-elle, innocemment, quoiqu’un tantinet curieuse.

Gotham était dorénavant bien trop petit, et les destins se croisaient et s’entremêlaient malgré eux. Si Dick connaissait Barbara, les chances que Dara croise cette dernière étaient donc fortes ou se mêlent aux affaires de ce duo étaient fortes. En tant que mère préoccupée, elle se renseignait donc légitimement sur les connaissances d’un fils distant et incompréhensible, dont le seul lien avec lui était un passé commun. Ni le sang, ni le nom ne les reliaient. Une pensée, qui le temps d’un instant, la blessait et l’angoissait.

- Je dois vous avouer que notre connaissance commune est restée très vague à votre sujet. Je ne sais donc pas quel type de tâches je pourrais vous confier. Auriez-vous des préférences, ou des conditions ?

La question était plus rhétorique que sincère. Ils voulaient des médicaments, ils devaient se plier à ses désirs naturellement. Les seules conditions qu’elle acceptait étaient les contraintes inévitables, comme l’incapacité de se battre contre les bras durs en raison de la méconnaissance de techniques de combat – et d’entraînements – et tout autre incapacité similaire. En somme, Roxana voulait savoir ce que la gamine avait dans le ventre, et comment l’utiliser pour les projets de la Ligue.

Je dépasse certainement les limites tacites de ce genre de boulot. Mais je m’en fous en vrai. J’ai déjà bien trop l’impression de renier un certain nombre de mes principes rien qu’en acceptant ce genre de boulot – quand bien même avons-nous besoin de ses services en échange – pour ne pas m’encombrer de scrupules quant à un pseudo code de politesse ou de conduite. Je la dévisage alors qu’elle me répond. Évidemment qu’elle ne me dit pas tout, et évidemment qu’elle peut me mentir. Mais on va dire que je me satisfais tant bien que mal de sa réponse. La torture peut prendre bien des formes différentes. Et si jamais les personnes sont consentantes, contre un peu d’essence donc, que pourrais-je y faire ? Je me mords l’intérieur des jours, avant de mettre sa réponse à la fois trop vague et trop précise de côté. J’aurais bien l’occasion d’en apprendre davantage de toute façon non ? J’acquiesce en hochant la tête à la suite.

« Surveiller les environs et anticiper les dangers, ça me va. »

C’est pas comme si je ne faisais pas à peu près la même chose chaque nuit, et que j’étais devenue plutôt douée pour ça au final. Observer et apprendre. C’est sans doute pour ça aussi que je ne m’inquiétais pas trop pour… cette mission. Je finirais bien par trouver ce qu’elle cherchait. Même si j’aurais préféré un autre endroit que Riverfront Center, le truc bondé avec autant de toxicos que d’hommes des différents boss et autres cinglés. Mais je ferais avec.

Je la suis, tendant l’oreille et regardant autour de nous sans y prendre garde, mais tout est tranquille pour le moment. J’ai un léger sourire quand elle enchaîne et parle de Dick, faisant la conversation, récoltant des informations sans en avoir l’air.

« Cela fait quelques années. On s’est rencontrés dans un dojo quand j’ai commencé à m’entraîner plus sérieusement. Il a beau se croire toujours plus malin et plus fort que tout le monde, on s’entend plutôt bien. Cette confiance est réciproque. » Je lui jette un coup d’œil. « Et elle est méritée. S’il m’a envoyé vers vous, c’est que je suis amplement capable de vous protéger, ne vous en faites pas. »

Je sais bien que ce n’est pas pour ça, ou pas que pour ça, qu’elle me demandait, mais ça ne fait pas de mal de le préciser. De toute manière, elle finit par plus ou moins aborder le sujet elle-même du coup. J’inspire, mon regard errant autour de nous, ne sachant pas trop quoi dire ou ce que je peux dire sans compromettre qui que ce soit. Enfin, la décision est vite prise, je ne la connais pas. Je tapote les tonfas qui pendent à mes côtés.

« Comme je l’ai dit, je suis capable de me défendre et de vous protéger. Je peux donc jouer les gardes du corps comme là, même si quelqu’un de la carrure de Dick aurait eu un effet plus dissuasif. Je connais Gotham comme ma poche, je peux donc également jouer aux livreurs. » Je hausse les épaules. « Je bosse, donc je ne suis pas dispo tout le temps, comme tout le monde. En dehors de ça, je n’ai rien qui me vienne à l’esprit dans l’immédiat. » Est-il nécessaire de préciser que je ne participerais à rien qui mette quelqu’un en danger ? Ni à de la torture, un enlèvement ou autres joyeusetés du genre ?… Non. On ne sait jamais, si un jour cela lui prenait, j’aimerais autant qu’elle pense à m’appeler. J’ai un léger rire. « Je vous dirais bien que je peux aussi vous débloquer en cas de problèmes informatiques, mais vu la situation, ce n’est plus trop d’actualité. »

- La technologie manque, je dois bien l’admettre, soupira Roxana. Les choses étaient plus simples avec un PC, que ce soit pour archiver, pour communiquer ou pour se divertir. A n’en point douter, cette coupure des réseaux sociaux avait été un choc et une bonne cure de désintoxe pour les plus accro.

Le nouveau Gotham imposait à chacun d’outrepasser ses limites, ou de mourir. La loi n’existait plus, et le désordre régnait. Il n’y avait plus de refuges législatives, physiques ou émotionnels pour se terrer ou pour se défendre. C’était l’Homme face à sa propre Barbarie. Pour le moment, la médecin ne pouvait que constater la perte du premier face au second. Les femmes, si elles n’avaient aucun talent, étaient réduits à être l’esclave du désir des uns et des autres. Les hommes, bien trop fiers de leur force physique, étaient oublieux de toutes les valeurs qu’on leur avait enseigné au profit de leur survie égoïste. Il y avait évidemment des exceptions : des demoiselles à forte caractère qui savaient se faire une place, et des messieurs respectueux qui n’avaient pas oublié les valeurs d’un passé guère lointain. Cependant, comment une minorité pouvait-elle survivre au sein d’une majorité écrasante, perverse, folle et barbare ? Tant la médecin que l’agent étaient curieuses de connaître la réponse, se promettant de prendre quelques nouvelles – aussi régulièrement que possible – de ces deux jeunes gens, Dick et Barbara, qu’ils travaillent ensemble ou non.

- Si tout se passe comme prévu, normalement il n’y aura rien à faire. Vous pourrez considérer cette mission comme une simple balade de santé.

La journée était bien calme et les deux n’avaient pas rencontré d’obstacles particuliers. Du moins, jusqu’aux portes même du centre. Deux jeunes hommes, regards vitreux et gestes des plus lents, tentaient de les accoster. D’un coup d’œil, la brune devinait aisément qu’ils étaient bien trop souls et encore sous l’effet de quelques drogues. Ils étaient dans l’incapacité de se battre ou alors leurs gestes manqueraient à la fois de puissance, de vitesse et de précision. En somme, des types qui seraient capable de glisser sur le bitume même où ils marchent et s’écraser lamentablement devant elles. Pourtant, elle ne partage pas cette observation avec Barbara, préférant observer cette dernière et jauger sa capacité à juger une situation. Si les missions confiées aujourd’hui étaient « simples », la médecin avait pour idée de les rendre toujours plus complexes et plus ardus. Au final, en tant que médecin, elle jouait un alias avide de toujours plus de richesse et de confort. Alors qu’en tant qu’agent, son travail était d’observer les uns et les autres, et voir jusqu’où chacun pouvait maintenir cet idéal auquel ils s’accrochaient ou était prêt à tordre leurs principes à travers diverses concessions. En somme, si les motivations des deux personnalités différaient, les intérêts convergeaient.

Evidemment, Barbara pourrait refuser des missions. Ce refus ne sera pas gênant pour Roxana si ce n’est simplement la preuve d’une limite atteinte. L’information était clef, et connaître l’autre était assez important pour se défendre ou pour s’élever.

La technologie manque. Juste quelques mots, que j’ai provoqué, qui ne font qu’appuyer là où ça fait mal. Pourtant, depuis le temps, je devrais être habituée, sevrée. La plupart du temps, ça va, j’ai de toute manière bien d’autres choses à penser que de me morfondre sur le manque d’ordinateurs, sur internet qui a disparu, sur l’absence de tout ce qui constituait la moitié de ma vie il y a deux ans de cela. Mais parfois, je ressens un tel manque que c’en est presque douloureux. Je sais, c’est ridicule. Mais ça ressemble presque à la sensation décrite quand on parle de membre fantôme.

C’est ridicule et un peu cinglé, mais… ouais, ça me manque. Pas uniquement pour les recherches. Pas uniquement pour les facilités à repérer et suivre quelqu’un. Mais pour toutes ces possibilités et cette liberté que ça engendrait. Il n’y a pas que ça, loin de là, mais c’est en nous coupant du monde qu’ils ont réussi. Ils ont imposé leur domination par la force et la violence, mais la situation aurait été moins dramatique si les communications n’avaient pas été coupées. Je sais, mon sens de l’analyse est impressionnant. Je tiens ça de mon père.
J’ai un léger sourire et je secoue la tête, quelque peu étonnée qu’elle ne rebondisse pas sur ce que je lance. Peut-être ne souhaite-t-elle pas se montrer trop curieuse, mais sa question n’avait pas grand-chose d’innocent. Mais non. Pas de question sur Dick, sur l’entraînement, ni même sur la petite nana de 50 kg qui se balade en mode yolo dans la ville la plus dangereuse d’Amérique.

Je lui lance un regard et hausse un sourcil. Surveiller et anticiper. Et en parlant de ça… Je retiens un soupir en voyant les deux hommes, qui seraient capables de se prendre les pieds dans leurs jambes vu leur état… Mais je suis là pour être sûre qu’elle ne soit pas emmerdée, pas vrai ? Je me déplace en silence, presque l’air de rien, histoire de me mettre entre eux et le docteur.
« Hé salut poupée, tu viens avec nous ? » Poupée ? Mais il sort d’où celui-là ? Je l’évite alors qu’il s’approche de moi, l’attrapant par l’épaule en le tirant brusquement vers l’avant alors que ma jambe se met en travers des siennes. Tellement pas de réflexes qu’il se rétame par terre sans même chercher à se protéger. J’entends un grognement, mais rien de plus, et c’est son pote qui se ramène. « Espèce de salope ! » Je me demande vaguement s’ils seraient aussi nuls en étant à jeun – sans doute que oui – alors que j’ai tout le temps du monde pour éviter son crochet du droit. « Salope ? » Je fronce les sourcils et évite un autre coup. « On t’a jamais appris à être poli ? » « Putain, je vais te casser les dents et après, tu pourras me... » Non, non, je ne le laisse pas finir. Je fais un pas rapide en avant, me retrouvant de côté près de lui, et j’envoie mon genou dans son estomac. Il se plie en deux, l’air expulsé de ses poumons, et mon coude le frappe à la tête, suffisamment fort pour le faire tomber sans trop l’assommer.
Je secoue le bras en grimaçant, m’assure d’un coup d’oeil que ni l’un ni l’autre ne cherchent pas à se relever, et me retourne vers le docteur Osmani.

« Une vraie balade de santé. » La rejoignant d’un pas léger, je tourne la tête vers elle, tenant la porte tel un vrai gentleman pour qu’elle puisse entrer, et je reprends ma place à ses côtés, la suivant jusqu’à la destination. J’aime pas spécialement cet endroit. Trop de personnes, trop de portes, trop de passages, trop d’échanges. Je sens déjà le regard des personnes qui pèsent et calculent ce qu’on pourrait leur rapporter par rapport au danger encouru. Autant dire que le ratio est pas vraiment en notre faveur.

Un mince sourire aux lèvres, j’observe autour de nous et reprends l’air de rien. « Je dois m’attendre à de vrais problèmes ou cela se limitera à quelques rustres de ce genre ? »